Pour Rafaa Tabib Professeur de géopolitique et de relations internationales le président de la République Kaïs Saïed est en train de constituer ses dossiers. « Le Président essaie d’avoir son tableau de bord pour avoir plus de cohérence pour son action future », précise-t-il dans une déclaration à leconomistemaghrebin.com.
Rafaa Tabib affirme que pour Kaïs Saïed, il n’y aura pas de dispersion du pouvoir exécutif et qu’il sera le chef de l’exécutif à l’avenir. « Ceux qui parlent de la nécessité de nommer un premier ministre ou un chef de gouvernement et des ministres sont des personnes qui n’ont pas compris la conception du président ».
« Il ne faut pas oublier que le Président reste un légaliste. Il inscrit, toujours, son action dans un cadre légal et constitutionnel. Je pense que, ce qui prime pour lui aujourd’hui, avant de passer à la constitution d’un gouvernement, c’est de trouver le cadre idoine d’un point de vue institutionnel pour le gouvernement et l’action politique dans les prochains jours », étaye-t-il.
Notre invité indique, également, que le Président se trouve face à des pressions pour la formation rapide du gouvernement. « Des gens demandent à ce que le président agissent plus vite et accélère le tempo pour pouvoir faire face à des problèmes qui traînent depuis très longtemps auxquels l’économie doit apporter des réponses. », continue-t-il.
Vision particulière pour l’économie
Kais Saïed n’est pas insensible à la question économique mais « il a une vision très puriste de la question. Pour lui, ce qui importe dans tout ça, c’est que l’économie soit assainie de tous les maux qui l’ont corrompue depuis très longtemps. D’ailleurs sa lutte contre la spéculation s’inscrit dans ce cadre ».
Répondant à notre question sur les scénarios possibles, le Professeur affirme que nul ne peut comprendre ce qui se passe dans la tête de Kaïs Saïed sauf Kaïs Saïed. « Pour cette raison, je reste très sceptique concernant la présence de certaines personnes qui seraient ses conseillers ayant une influence sur sa personne. » Et de continuer: « Ce temps-là qui apparaît pour les gens comme un temps d’attente et retarde les prises de décisions n’est pas aussi long qu’on le croit ».
« On n’a pas encore compris que Kaïs Saïed ne fonctionne pas comme on a pris l’habitude de voir. C’est une autre manière de faire les choses totalement différentes. Pour ceux qui défendent Kaïs Saïed, personne ne leur a demandé de le faire surtout pas lui. C’est quelqu’un qui s’adresse directement à un peuple. Et c’est la grande incompréhension dans le pays », tient-il à préciser.
Un président en symbiose avec le peuple
Dans le même sillage, Rafaa Tabib affirme l’existence d’une rupture entre l’élite et le peuple. « On n’a pas encore compris que toute cette élite dans le pays qui croit y faire la pluie et le beau temps est totalement et radicalement marginalisée et en dehors du fait historique. C’est Kaïs Saïed qui fait l’histoire du pays ces derniers temps de la manière la plus innovante par rapport à ce qu’on a vu et cela on l’oublie », argumente-t-il. Pour notre invité, personne n’écoute cette élite alors qu’elle croit qu’elle détient la clé du ciel; alors qu’elle ne détient rien. « Si Kaïs Saïed décide de passer à un référendum, on verra de quel côté sera la Vox populi. Il aura plus de 90%. Kaïs Saïed est en symbiose avec ce peuple », dit-il avec confiance.
Le spécialiste soutient que l’absence du gouvernement en Tunisie ne signifie nullement qu’on est en situation d’instabilité politique. « On avait un gouvernement, mais le pays était instable. Il faut faire très attention nous sommes en face de nouveaux paradigmes avec lesquels il faut savoir travailler et avoir le courage d’avoir une autocritique », précise-t-il. « On s’est fait avoir pendant dix ans avec une politique formaliste et une démocratie de façade. Et c’est pour cette raison qu’on a vu le peuple se rebeller de façon aussi spectaculaire le 25 juillet 2021 pour dire nous ne voulons plus de tout de ce système. Pourtant l’élite continue à réfléchir encore dans le même système », étaye-t-il.
Une élite déconnectée de la réalité
Il affirme l’existence d’un schisme total entre l’élite politique et le pays profond et « il suffit de voir ce qui s’est passé lors de la visite inopinée à l’usine du fer de construction. L’élite parlait de mesures populaires qui n’ont rien à voir avec l’économie. Mais l’économie ce n’est pas que des chiffres. L’économie c’est aussi des actes symboliques, c’est aussi des valeurs, c’est aussi des principes. Les gens ont énormément apprécié pour une raison très simple, il y a un demi million d’actifs dans le domaine du bâtiment en Tunisie ils sont au chômage maintenant, ils sont capables de créer des majorités politiques et parlementaires ». Donc pour lui, il est temps d’écouter les gens et « d’avoir de l’humilité ».
Interpelé sur les urgences politiques pour la prochaine période, Rafaa Tabib cite la révision de la Constitution, la prononciation d’une Constitution provisoire. Le prochain gouvernement sera constitué de très peu de ministres ». Je pense qu’ils vont être choisi dans des milieux qui ne sont pas classiques à l’instar du choix du gouverneur de Bizerte.