Il semble évident que le président de la République, Kaïs Saïed, veuille faire évoluer la Tunisie vers un régime présidentiel. Tout en restant dans les clous de l’actuelle Constitution. En provoquant des élections législatives anticipées pour élire un nouveau Parlement. Lequel devra, par la suite, statuer sur un éventuel changement du système politique, comme le suggère l’UGTT. Ou par voie de référendum?
Le président de la République Kaïs Saïed s’oriente-t-il vers la révision de la Constitution de 2014? Préambule au changement du système politique en Tunisie par voie de référendum?
Car, selon la logique présidentielle, cette loi fondamentale a été faite sur mesure par les islamistes, selon certains analystes politiques. Elle instaure un régime mi-présidentiel, mi-parlementaire. Dans lequel le pouvoir est partagé entre le législatif et un exécutif bicéphale. De l’avis général, un système hybride qui a montré ses limites. En ayant largement contribué au blocage des rouages de l’Etat.
Saïed: « Les Constitutions ne sont pas éternelles »
D’ailleurs, en battant le pavé, dimanche 12 septembre, de l’avenue Bourguiba, il avait déclaré aux télévisions Al Watania et Sky News Arabia, qu’il « respecte la Constitution. Mais que rien n’empêche d’y introduire des amendements dans le respect du texte fondamental ». « Les Constitutions ne sont pas éternelles», constatait-il. Avant d’ajouter, énigmatique, « la souveraineté appartient au peuple ». Une phrase lourde de sens!
Plus explicatif était le conseiller auprès de la présidence de la République, Walid Hajjem. Il s’exprimait le jeudi 9 septembre 2021 lors de l’émission « Mouajaha » sur Sky News Arabia. En affirmant que « le régime politique mis en place en vertu de la Constitution de 2014 est stérile et a eu des répercussions négatives sur la Tunisie ».
Et de conclure: « L’idée est d’aller vers un régime plus juste. Un régime qui offre l’opportunité aux pouvoirs d’exercer leurs compétences comme il se doit. On ne peut continuer à fonctionner suivant ce régime. Nous nous orientons, d’ailleurs, vers un régime présidentiel ». Le mot est lâché, dissipant définitivement le doute sur la stratégie présidentielle.
Heykel Mekki: « La Constitution sert les intérêts des islamistes »
Premier à régir favorablement à ce projet, le Mouvement du peuple « Echaab ». En effet, il a réitéré son soutien au président de la République. Et ce, dans sa démarche vers la réforme de la Constitution de 2014 et l’amendement du code électoral. Ainsi que l’organisation des élections législatives et présidentielle anticipées.
« Nous avons été surpris par la position de certains partis qui s’opposent à l’amendement de la Constitution.
Aujourd’hui, il n’est pas possible de revenir en arrière. Car il n’y aura pas de stabilité politique en Tunisie sous cette Constitution qui sert les intérêts des islamistes et dont la Tunisie est l’otage ». Ainsi s’exprimait le député d’Echaab, Haykel Mekki, hier mercredi 15 septembre sur les ondes de Mosaïque FM. Affirmant à l’occasion que « La Constitution de 2014 n’est pas sacrée », tout en appelant le Président à dépasser l’article 80 et à dissoudre le Parlement.
Le Niet d’Ennahdha
Une position radicalement opposée à celle du parti islamiste d’Ennahdha. Lequel exprime son « rejet catégorique de toute suspension de l’application de la Constitution ou de tout changement du système politique, possiblement via un référendum ».
Ainsi, dans un post publié sur sa page officielle Facebook, le président de la commission de gestion de crise politique au sein du mouvement Ennahdha, Mohamed Goumani, considère qu’il n’est pas dans l’intérêt du chef de l’Etat de suspendre la Constitution de 2014. Rappelant que c’est cette dernière qui lui accorde les prérogatives de président de la République. « Une éventuelle suspension de la constitution constituerait un Coup d’Etat manifeste », a-t-il martelé.
La position nuancée de l’UGTT
Plus nuancée est la position de la centrale syndicale qui, tout en refusant toute suspension de la Constitution par le président Saïed, appelle à des élections législatives anticipées pour élire un Parlement. Lequel devra, par la suite, statuer sur un éventuel changement du système politique et de la Constitution.
Disons pour conclure que le fond de l’initiative présidentielle est de faire évoluer la Tunisie vers un régime plus présidentiel susceptible de limiter le rôle du Parlement. D’où la « catégorique » opposition d’Ennahdha à ce projet. Le reste ne sont que des manœuvres politicardes pour mieux se positionner sur le nouvel échiquier politique.