Le couvre-feu est enfin derrière nous. La barre des 4 millions de vaccinés sera atteinte dans les jours qui viennent. La Tunisie semble enfin espérer tourner la plus mauvaise page économique de son histoire récente.
Le pays a laissé des plumes dans cette crise sanitaire. Il se retrouve à la croisée des chemins. Sur le plan économique, la population s’est appauvrie depuis 2010. Le PIB par habitant en dollar a bien reculé à tel point que plusieurs osent aujourd’hui regretter publiquement le régime pré-révolution.
Le capital est rationnel
Pourtant, le modèle économique des années 2000 était mort. Au-delà de la corruption, un phénomène enraciné dans les pratiques tunisiennes indépendamment du régime, c’est l’absence d’une croissance inclusive qui a été à l’origine des événements de 2011. Tant que ce problème n’a pas été résolu, le pays n’atteindra jamais la stabilité sociale. Et c’est précisément cette promesse d’un nouveau modèle de répartition des richesses que l’on détecte du discours de Kaïs Saïed qui lui donne crédit auprès de la population. Le Président veut effectivement attribuer la responsabilité de développement des délégations pauvres aux hommes d’affaires corrompus.
Mais est-ce que cela est la réponse qu’il faut pour passer à une croissance inclusive ? Il reste beaucoup à faire. Des changements radicaux sont nécessaires sur tous les plans pour que les régions de l’intérieur bénéficient d’un vrai développement. Les capitaux privés viendront seulement si le minimum d’infrastructure est disponible.
Investir dans des réseaux routiers de qualité, dans la production de l’électricité et de l’eau potable, dans la santé de base et de l’enseignement pourront changer à terme les perspectives dans ces zones.
Cela pourrait réduire les flux migratoires internes vers les grandes villes, notamment la capitale. La concentration de la population sur le littoral encourage les investisseurs à suivre ces flux et à se désister de l’intérieur du pays.
L’économie décidera de l’avenir du système politique
Ce qu’il faut faire pour inverser la tendance n’est pas compliqué à deviner : laisser l’investissement dans les grandes villes au capital privé, notamment dans le cadre de PPP.
L’Etat doit orienter ses quelques milliards de dinars d’investissements annuels vers les zones défavorisées pour qu’au bout de quelques années, le gap avec le grand Tunis sera réduit.
L’accord d’avantages fiscaux aura ainsi un sens. Car dans l’état actuel, rares sont les régions internes qui ont réussi à attirer des investissements.
C’est pourquoi il faut faire attention à ce qui se passe actuellement sur la scène politique. La majorité des tunisiens qui appuient les décisions du Président cherchent un avenir économique meilleur. Ils pensent que l’ARP a bloqué le processus de croissance en mettant dans l’oubliette tout projet capable de changer leur quotidien.
La question du respect des institutions est certes, importante, mais elle reste le souci d’une minorité d’intellectuels. Si les tunisiens constatent que le nouveau système n’apportera pas de solutions à ces mêmes challenges, ils vont également le rejeter. Le pays risque de rester, encore des années, dans l’incertitude.
Si le nouveau système politique ne garantit pas une croissance inclusive, il sera également rejeté.