25 juillet 2021, 64ème anniversaire de la République…Un anniversaire pas comme les autres, hanté, assombri, mutilé par 10 années d’errance et de vagabondage politiques, de massacre de valeurs morales et de destruction de richesse nationale. Une colère sourde montait des rangs de la population, exténuée, saignée à blanc, trompée et trahie.
L’indignation, les frustrations, le sentiment d’injustice étaient à leur comble. Dix ans pour rien. Sinon pour voir faire irruption une caste inédite de nouveaux riches, où se mêlent corrupteurs et corrompus, politiques véreux assoiffés de pouvoir, trafiquants en tout genre, barons de l’économie informelle, factieux assurés les uns comme les autres de protection et d’impunité.
Dix ans au cours desquels les nouveaux maîtres du pays se sont livrés à un véritable jeu de massacre de l’État, à une stratégie de destruction massive de l’économie. Ils ont dévoyé, détourné le cours du processus de transition démocratique, dynamité le modèle social, cassé les ressorts de l’investissement et de la croissance.
Alors même qu’ils ont enfoncé le pays dans un tourbillon d’endettement, dont on ne voit aucune trace sur notre capacité d’investissement. Bien au contraire : celle-ci s’amenuisait à mesure que s’accumule la dette jusqu’à devenir insoutenable. De quoi défier toutes les lois de l’économie. Mystère !
En dix ans, cette meute de prédateurs, cet attelage politicomafieux a réussi le sinistre exploit de reléguer le pays au rang d’un pays paria, poussé à la dérive par un État failli. Qui vit d’expédients, à crédit, aux crochets – mais à quel prix – de la communauté mondiale, au mépris de sa dignité et de sa souveraineté désormais limitées.
« Dix ans au cours desquels les nouveaux maîtres du pays se sont livrés à un véritable jeu de massacre de l’État, à une stratégie de destruction massive de l’économie »
Sans que la majorité parlementaire, sous la houlette d’Ennahdha – qui donne de nouveau de la voix – s’en offusque. Il est vrai que son allégeance à l’Islam politique et à ses tenants dans le monde est bien plus importante que sa dévotion pour le pays.
On a peine à croire, à donner crédit aux imposteurs et aux fossoyeurs de la démocratie et des libertés, qui crient aujourd’hui au complot et au retour de la dictature. Sur ce chapitre, ils ont peu de leçons à donner pour avoir démembré l’économie, abîmé et disqualifié le pays, piétiné les valeurs morales et éthiques républicaines. Et provoqué un immense et effroyable exode de compétences humaines, scellant ainsi le désarmement scientifique, technologique et culturel du pays, à un moment crucial du tournant du 21ème siècle.
L’insécurité grandit. Les citoyens s’en plaignent. Les investisseurs ne sont plus protégés par la loi, pas plus que nos frontières, à force de complicité interne. Le pays est en danger de découplage, voire d’extinction économique, morale, culturelle.
Le scénario libanais, qui a enflammé et réduit à peu de chose le pays du cèdre, se met inexorablement en place. L’ombre de la banqueroute plane sur le pays. Seule l’utilisation
momentanée d’artifice monétaire peu orthodoxe fait encore illusion. Sans enrayer le risque d’une grave détérioration des équilibres macro-économiques, d’une chute vertigineuse du dinar et d’une spirale inflationniste qui achèverait d’embraser le pays.
« L’insécurité grandit. Les citoyens s’en plaignent. Les investisseurs ne sont plus protégés par la loi, pas plus que nos frontières, à force de complicité interne »
Dire que le danger est imminent, comme a fini par le décréter le Président de la République, relève d’un doux euphémisme et n’exprime pas l’ampleur de la gravité de la situation. Le danger est bien plus grand qu’on ne l’imagine. Il faut plus de dix ans pour réparer les dommages causés par la décennie post-révolution, décimée par la razzia des conquérants, sous couvert de l’Islam politique.
Il faut davantage de temps encore pour que l’économie retrouve ses repères et sa vitesse de croisière, que nos entreprises puissent se repositionner sur les nouveaux et anciens marchés, tombés aux mains de la concurrence. Et pour que le pays parvienne à restaurer l’attractivité internationale du site Tunisie, évacué désormais des écrans radars des investisseurs étrangers.
Le Président Kaïs Saïed aurait dû utiliser plus tôt l’arme de dissuasion massive, l’article 80 en l’occurrence, pour conjurer le péril, en mettant fin aux agissements de l’alliance, l’axe ARP-Ennahdha-gouvernement, par qui le danger arrive.
En faisant barrage aux forces du mal, il n’a fait que répondre à l’appel massif du peuple de Tunisie – qui ne s’identifie pas forcément à celui qu’il revendique – dont l’exaspération et l’onde de choc du 25 juillet n’ont d’égal que le tsunami de décembre-janvier 2011.
« Le danger est bien plus grand qu’on ne l’imagine. Il faut plus de dix ans pour réparer les dommages causés par la décennie post-révolution »
L’ennui est que, deux mois après, rien ou très peu de chose de ce qui avait été annoncé par le Président Kaïs Saïed, ou de ce que laissait présager l’effondrement du système politique noyauté par Ennahdha et la déroute de ses adversaires, n’a été suivi d’effet.
Le choc de confiance, qui a illuminé la nuit du 25 juillet, n’est pas loin de céder la place à un choc de défiance. Le Président entretient à dessein confusion et ambiguïté sur son but de guerre contre la sainte alliance politico-mafieuse, cette 5ème colonne qui a conduit le pays au bord du précipice.
De quoi susciter chez une large partie de l’opinion, du reste très hostile au mouvement Ennahdha, interrogation, doute, voire suspicion, n’en déplaise aux instituts de sondage.
Il semble même qu’il y ait une certaine méprise sur les intentions du Président et sur son projet politique qui se dessine en pointillé. Ce projet présumé heurte jusqu’aux formations
politiques qui s’étaient rangées sous sa bannière le 25 juillet, et même bien avant. Attention danger.