L’insoutenabilité de la dette publique tunisienne et l’avalanche de dégradation du rating souverain et bancaire qui en résulte, ont remis sur la place publique le débat sur l’urgence des mesures d’austérité. Le recours à des politiques d’austérité est une question complexe.
En Tunisie, le débat sur l’austérité débarque dans un contexte miné, sur le plan économique et social, et pollué, sur le plan politique et institutionnel.
Une question de timing
J.M. Keynes nous alertait, « le bon moment pour l’austérité, c’est lors d’un boom, pas lors d’une récession » (1937). La globalisation a profondément changé le monde de l’auteur de « La Théorie Générale ». La crise de la dette souveraine impose le recours à l’austérité, même en période de récession. Et la politique de relance pourrait creuser le déséquilibre externe, quand la propension marginale à importer est forte.
Une question de vision
Les politiques d’austérité devraient éviter les solutions de facilité (bricolage fiscal, show protectionniste…), surtout dans des économies menacées par la stagflation. L’austérité devrait s’inscrire dans une dynamique de réformes profondes.
Une question de justice sociale
Un partage équitable de la facture de l’austérité. Eviter que les classes moyennes et populaires et les entreprises citoyennes supportent le fardeau de l’austérité, alors que les entreprises « délinquantes », à temps partiel ou plein temps dans l’informel, continuent d’échapper au radar des autorités.
Une question de réformes structurantes
Les dépenses d’investissement doivent cesser de jouer le rôle d’une variable d’ajustement pour dénouer une négociation salariale ou pour boucler un exercice budgétaire. Les mesures d’austérité ne devraient pas affecter les secteurs de la vie (éducation, santé, transport…). Ils sont vecteurs d’amélioration du bien-être, de l’innovation, de la productivité et de la compétitivité.
Une question de durabilité
L’ancrage de l’ajustement budgétaire et des réformes structurelles au développement durable s’avère inévitable. Les mesures d’austérité ne devraient en aucun cas entraver l’inscription dans la transition environnementale. Une telle transition permettra d’atténuer l’impact de l’austérité sur la croissance
et l’emploi. Elle permet aussi de garantir un meilleur cadre de vie pour les générations futures.
Avec toutes ces contraintes, la Tunisie peut-elle se permettre le luxe de repousser aux calendes grecques la consolidation budgétaire et d’encourir la menace de subir de plein fouet la transmission du risque souverain au secteur privé avec ses dommages collatéraux?