Alors que le militant de gauche et ancien ministre de l’Agriculture, Samir Bettaieb, est incarcéré sur fond d’une présumée affaire de corruption au sein de son département. Des voix s’élèvent pour affirmer que son arrestation s’inscrit « dans un climat d’incitation à la haine et de campagnes de dénigrement et de vindicte sur les réseaux sociaux ».
Dénigré d’une manière systémique par les réseaux sociaux, interrogé sans relâche durant 17 heures par les enquêteurs du Pôle judiciaire économique et financier comme un bandit de grand chemin; son domicile cambriolé et ses fiches et ordinateurs dérobés le jour même où il se faisait auditionner par le juge d’instruction, soit le soir du vendredi 29… L’ancien ministre de l’Agriculture et militant de gauche, Samir Bettaieb, puisqu’il s’agit de lui, méritait-il tant d’acharnement de la part de la justice?
« Un discours de haine et de vindicte »
Ce n’est pas l’avis d’une trentaine de personnalités nationales. Dont Kamel Jendoubi, militant des droits de l’Homme, connu pour son indépendance et son incontestable probité morale. De même que des universitaires, des journalistes, des figures de la société civile, à l’instar de: Souhir Belhassen; Yosra Frawes; Jamel Msallem; Mokhtar Trifi; Saïda Garrach; Bochra Belhaj Hmida; Ahmed Souab; et Sana Ben Achour. Lesquels ont signé une pétition pour exprimer leur solidarité avec l’ancien ministre de l’Agriculture. Et ce, suite à son incarcération, sur fond d’un marché conclu entre le ministère et une entreprise privée d’informatique en 2014; mais « avant son accession aux responsabilités ».
En effet, les signataires estiment que Samir Bettaieb n’a obtenu aucun avantage. De même qu’il ne s’est pas enrichi personnellement, ni n’a dilapidé l’argent public. Ainsi, ils déclarent que son arrestation s’inscrit « dans un climat d’incitation à la haine et de campagnes de dénigrement et de vindicte sur les réseaux sociaux ».
De ce fait, les signataires condamnent « l’intrusion dans son domicile, la subtilisation de ses biens. Et le fait de terroriser son épouse et sa famille, dans des pratiques criminalisées par la loi, et que l’on croyait révolues ».
Par conséquent, les 29 personnalités lancent un appel au président de la République. Et ce, « à arrêter le discours de la haine qui ne fait qu’envenimer la situation; de diviser les Tunisiens et de semer haine et rancœur ».
Par ailleurs, ils demandent au Conseil supérieur de la Magistrature, et aux structures professionnelles de la justice de « s’en tenir à leur indépendance. A faire prévaloir la suprématie de la loi, à respecter la présomption d’innocence, et à ne pas céder aux pressions, menaces ou extorsions, qui sont de nature à faire revenir l’institution judiciaire à la case des directives et instructions ».
Saïda Garrache : « Un dossier vide »
Pour sa part, l’ancienne porte-parole de la présidence de la République tunisienne et avocate, Saïda Garrache, publiait, le 26 octobre 2021, un statut FB. Elle y affirme que Samir Bettaieb « n’a rien volé, il n’a rien mis dans sa poche et il n’a pas gaspillé l’argent public ».
Puis, revenant sur les détails de cette affaire, Maître Garrache affirme que le dossier remonte à 2014. Il concerne un accord conclu entre le ministère de l’Agriculture et un prestataire de service. Et ce, pour le déploiement d’une solution informatique de gestion des ressources hydriques.
Ainsi, ce projet, rappelle-t-elle, a été lancé et le prestataire de service payé bien avant la nomination de Samir Bettaieb en tant que ministre de l’Agriculture. Puisqu’il était à la tête de ce ministère de l’Agriculture entre 2016 et 2020, sous le gouvernement de Youssef Chahed.
Toujours selon l’avocate, alors que le projet arrivait presque à terme, le contrat a été résilié par le ministère de l’Agriculture. Et ce, compte tenu des retards accusés dans la réalisation du projet. Des consultations ont alors été lancées pour finaliser le projet. Samir Bettaieb venait, à l’époque, de prendre les rênes du ministère.
A cet égard, Samir Bettaieb ayant exigé l’examen du dossier, les experts mobilisés sur l’affaire ont proposé, entre autres, l’annulation de la résiliation du premier contrat. Ce qui a été exécuté. Sachant que les deux consultations lancées n’ont pas eu de soumissionnaires. « Le dossier est vide », a conclu Maître Garrache.
Mongi Ghribi : « Une honte »
D’autre part, Mongi Ghribi, l’avocat de Samir Bettaieb revenait, lundi 1er novembre 2021 sur les ondes de Shems FM, sur les conditions du procès et de l’instruction de l’affaire de son client. En considérant que l’émission des mandats de dépôt dans des affaires sans gravité est une « honte ».
« L’audition de mon client a duré de 10h jusqu’à 3h du matin. Les avocats de Samir Bettaieb n’ont pu consulter le dossier de l’affaire composé de 2000 pages avant 23h. Est-il humainement possible qu’on puisse travailler correctement pendant de longues heures, face à huit suspects ? », s’est-il écrié.
Pour rappel, l’ancien ministre a été écroué par une brigade de la Garde nationale avec sept autres fonctionnaires. Et ce, dans le cadre des investigations menées sur une présumée affaire de corruption, au sein du ministère de l’Agriculture.
Affaire à suivre.