Ce livre, rédigé par Mohamed Bergaoui serait « l’œuvre de sa vie » et en tout cas, « l’œuvre de référence sur la ville de Monastir ». Nous confirmons ce jugement de Hakim Hammouda, l’auteur de la préface.
Suite à une rapide évocation de l’ère préhistorique, avant la découverte de l’écriture, Mohamed Bergaoui s’attarde sur la période historique (pp. 31 à 41). Monastir fait alors partie d’une chaine défensive contre les Byzantins. On y construit cinq ribats, à l’aube du Fath. Telle fut son origine et l’explication de son nom, que lui donnèrent les habitants chrétiens, de la Quedima, dans l’aire de Skanes, qui définirent ainsi l’établissement des envahisseurs musulmans. Elle vécut ainsi à l’ombre de Kairouan, première capitale de l’Ifrikya.
Nous rejoignons cette affirmation de l’auteur, qui dément la thèse du regretté Mohammed Salah Sayadi, qui évoque la donne fantaisiste d’une « première Kairouan ». Les Fatimides et les Sanhagistes, qui prirent leur relève, l’adoptèrent comme relai, vu son statut originel religieux. Défiant Kairouan, la capitale malékite de leurs prédécesseurs, ils y enterrèrent leurs califes et leurs princes. Cette donne essentielle est évoquée hâtivement par l’auteur (pp.39-40).
Lors de la lutte entre les Espagnols et les Ottomans en Méditerranée, Monastir, Mahdia, Sousse, Sfax et Djerba devinrent des établissements corsaires. Faudrait-il attribuer à ces autonomies de fait, le statut glorieux de « république » ? (pp.40-41).
De la résistance aux Byzantins au statut de ville de savants
L’auteur échappa cependant à la dérive du cheikh Makhlouf, auteur du livre Sajarat an_nour ezzakiya, qui adopta une lecture littérale d’un hadith, accordant le paradis à celui qui dort une nuit à Monastir. Il s’agissait en réalité d’encourager les musulmans de Kairouan, à rejoindre le ribat, participant ainsi au jihad, de fait, par la défense contre les Byzantins.
Outre la description pertinente des ribats et l’historique des portes principales de la ville, l’auteur fait valoir le statut de savant de l’imam Mézri, érigé tardivement par une transgression populaire en marabout. Mais l’élite n’a pas perdu de vue son statut originel de savant religieux. D’ailleurs l’imam de la grande mosquée, Abdesselam Choukkou lui rendait visite et lui récitait une prière avant de rejoindre la mosquée pour la khotba de vendredi.
Monastir s’illustra lors de l’insurrection de 1864 et fut durement réprimée par le général Zarrouk, ainsi que toutes les villes et villages du Sahel. Elle dut payer de fortes amendes, qui l’endettèrent. Son caïd et son mufti furent punis. Marquée par cette épreuve, les sahéliens se soumirent, sans grande résistance à la colonisation, alors que Sfax et le Sud luttèrent courageusement. Cette phase historique importante fut hâtivement relatée par l’auteur.
Le chapitre « élan patriotique et lutte pour l’indépendance » fut consacré à l’histoire de Monastir de 1943 à l’indépendance (pp. 71-105. Texte d’un grand apport, il étudia la naissance de la première cellule destourienne, l’épreuve de la lutte contre la naturalisation, l’ère de l’occupation allemande et la participation à la lute nationale.
Le témoignage de Guy Sitbon, originaire de Monastir, qu’il cita, révéla la situation des juifs de Monastir, dont le nombre augmenta, suite à l’afflux des juifs de Sousse, après le bombardement de cette ville. Ce chapitre permit d’enrichir l’histoire de la résistance; genèse, développement, stratégie actions effectives.
D’une ville fermée, Monastir devint une ville éclatée
Le cinquième chapitre fut consacré à la métamorphose de la ville, après indépendance. « Fils terrible » de Monastir et qui lui voua un grand amour, Habib Bourguiba ordonna un plan d’aménagement de la ville. L’architecte Clément Cacoub s’en chargea, sous la direction du leader.
Ainsi, d’une « ville fermée, Monastir devint une ville éclatée ». De nouvelles routes furent ouvertes. Monastir fut amputée de deux quartiers: Al-Blad et Houm aj-Jabbana. Alors que le quartier Houmt Trabelsia et le souk central subissaient de grandes transformations. Monastir s’embellit, malgré ses habitants, souvent hostiles à leur installation à l’extérieur de l’enceinte.
Option évidente pour l’habitat dispersé, mais évolution de statut: la ville artisanale et agricole s’érigeait en centre touristique. D’autre part, Habib Bourguiba y construit le palais présidentiel et son mausolée. Monastir et d’ailleurs les différents centres urbains de Tunisie, ont bénéficié, dans l’ère de l’indépendance d’une évolution accélérée.
Après une description des différentes localités du gouvernorat, l’auteur effectue un flash-back, à l’occasion de l’étude de la municipalité. Il évoque l’institution, dès 1760, de la Kolla, organisation de gestion collective, une « municipalité avant la lettre », selon l’auteur.
Ultime analyse les légendes et les traditions
Ce livre présente un éclairage sur l’histoire et le vécu de la ville. Une multiplication d’études des villes et localités tunisiennes enrichiraient l’histoire globale du pays, par une collecte de témoignages et un rappel de l’histoire immédiate. Wait and see.