En pointant du doigt la paralysie de l’équipe gouvernementale dirigée par Najla Bouden, le SG de la centrale syndicale, Noureddine Taboubi règle en vérité de vieux comptes avec le locataire du palais de Carthage. Il y a du ressentiment dans l’air!
La lune de miel entre Noureddine Taboubi et Najla Bouden aura été de courte durée. Avant même leur première rencontre, le 27 octobre 2021, le SG de la centrale syndicale ne tarissait pas d’éloges à l’égard de la nouvelle locatrice du palais de la Kasbah. Saluant même en elle « une envie de réussite, de persévérance et de patriotisme ». Un hommage rare dans la bouche de cet homme austère.
« Meskina la cheffe du gouvernement »
« Meskina la cheffe du gouvernement ». Ainsi, s’exprimait M. Taboubi jeudi 2 décembre sur les ondes de la radio Mosaïque FM. « Je la plains pour la situation dans laquelle on l’a mise. En effet, elle n’a aucun pouvoir de décision. Elle ne peut prendre la moindre initiative, sans se référer au président de la République », déclarait-il.
Puis, il poursuivait: « Najla Bouden n’a aucune autorité. C’est le président de la République, Kaïs Saïed, qui détient le pouvoir exécutif, conformément au décret N°117. A chaque question que nous lui posons, elle demande à se référer au président, avant de prendre toute décision. Elle devient une médiatrice dans les négociations ».
Et d’insister lourdement: « Pauvre cheffe du gouvernement, nous étions fiers de sa nomination à ce poste. Je n’aurais pas souhaité que la femme tunisienne soit mise dans cette situation », ajoutait-il en substance.
Goujaterie
De la compassion pour Mme Bouden? Le SG de l’UGTT ignore-t-il qu’en vertu du Décret présidentiel n°117 du 22 septembre 2021, les articles 18 et 19 stipulent que: « Le Gouvernement est responsable de ses actes devant le Président de la République ». Et que « le Chef du Gouvernement dirige et coordonne l’action du Gouvernement. Il dispose de l’administration aux fins de l’exécution des orientations et choix définis par le Président de la République ».
De toute manière, il s’agit d’un mot déplacé pour ne pas parler d’une forme de goujaterie. D’ailleurs, M. Taboubi s’en est excusé le soir même lors de son intervention téléphonique sur le plateau Rendez-vous 9 d’Attessia. Et c’est tout à son honneur.
Un Président enfermé dans une bulle
La vérité c’est que Noureddine Taboubi attribue, d’une manière indirecte, l’inertie du « pouvoir de décision » de la Kasbah au président de la République en personne. Puisque le décret n°117-2021 limite la marge de manœuvre du gouvernement. Tous les pouvoirs se concentrant entre les mains du président de la République.
C’est dans cet esprit qu’il a tenu à souligner, mercredi 1er décembre en marge d’un atelier autour de la réforme de la société SIPHAT, que le processus du 25 juillet devait continuer « dans un cadre participatif ». Au lieu de s’impliquer dans cette démarche, « le chef de l’Etat s’enferme sur lui-même. En monopolisant tous les pouvoirs, il devra en assumer les conséquences », estime le dirigeant syndical.
Ressentiment
D’où vient la colère du patron de la centrale syndicale? Noureddine Taboubi, qui, rappelons-le, était à l’origine du Dialogue national, une initiative moquée par Kais Saied, lequel considère que le Dialogue national de 2013 mené par le quartette (UGTT, UTICA, LTDH et Conseil de l’ordre des avocats), « n’était ni un dialogue, ni national ». N. Taboubi prend donc sa revanche en critiquant à son tour l’organisation du Dialogue via les plateformes. Tout en rejetant également le régime politique proposé par Kaïs Saïed. A savoir: celui de la construction de la base au sommet. Certainement une idée saugrenue préconisée par le gourou du Président, Ridha Lenine.
« Les partis forment la vie politique et ne peuvent pas être exclus. Et leur exclusion ne pourrait avoir lieu qu’à travers les urnes », a-t-il martelé. Ajoutant que le pays ne se gère pas avec « des chimères et des slogans creux ». Le décor est planté.