Le président de la République Kaïs Saïed annonçait dans la soirée du lundi 13 décembre une feuille de route en sept points. Laquelle aboutira dans la logique des choses à la fin de l’état d’exception. Avec la tenue d’élections législatives prévues en décembre 2022. En d’autres termes, le Président disposera de tous les leviers du pouvoir pour une année supplémentaire. Pour quoi en faire? Analyse.
Abid Briki, le SG du mouvement « Tunisie en avant » et ancien ministre de la Fonction publique prédisait que le président de la République allait annoncer le 17 décembre des mesures qui seraient « un véritable tremblement de terre dans l’histoire du processus politique ». A la surprise générale, les décisions prises par le chef de l’État, Kaïs Saïed dans la soirée du lundi 13 décembre furent plutôt « light » dans l’ensemble. Car, la plupart des observateurs politiques s’attendaient à des mesures radicales. A l’image de l’homme qui s’est arrogé les pleins pouvoirs en juillet. Notamment la dissolution définitive du Parlement gelé et la suspension de la constitution de janvier 2014. Mais, le pouvait-il sans sortir des clous de la Constitution qu’il avait juré de respecter lors de son intronisation, le 23 octobre 2019 à la tête de l’Etat?
Une main de fer dans un gant de velours
Or, une analyse fine du discours présidentiel nous apprendra que le président de la République n’a pas changé ses anciennes convictions d’un iota. Mais, il a su, non sans habilité, les « vendre » d’abord à ses compatriotes et à l’étranger en deuxième lieu.
Ainsi, dans son discours à la Nation, Kaïs Saïed, annonçait lundi deux mesures phares. A savoir: la prolongation de la suspension du Parlement jusqu’à la tenue de nouvelles élections législatives le 17 décembre 2022. Et la réforme de la Constitution après une consultation organisée en ligne, à partir de janvier prochain. Ainsi, les apparences sont sauves et le tour est joué.
L’ARP est dissoute de facto
Faut-il conclure que l’état d’exception instauré le 25 juillet et officialisé par le décret n° 2021-117 du 23 septembre prendra fin tout de suite après la proclamation du nouveau Parlement issu des élections législatives de l’année prochaine? Si la logique plaidait pour cette interprétation, rien n’a cependant filtré dans le discours présidentiel. Lequel reste très flou sur ce point essentiel.
Mais, d’évidence, le fait que « le Parlement restera suspendu jusqu’à l’organisation de nouvelles élections »… Revient de facto à dissoudre l’ARP d’une manière définitive. Et à écarter ainsi du pouvoir le parti islamiste Ennahda et ses acolytes; notamment Al Karama et Qalb Tounes.
Kaïs Saïed semble ainsi répondre à l’ultime provocation du mouvement d’Ennahdha. En effet, l’assesseur de Rached Ghannouchi chargé de la communication au Parlement, Maher Medhioub, s’était fendu d’une publication. Puisqu’il indiquait, dimanche 12 décembre 2021, dans un statut Facebook, que le Parlement est en réunion permanente. Et ce, depuis le démarrage de la nouvelle session parlementaire le 1er octobre 2021. De même que la convocation d’une séance plénière de l’ARP, même dans le cadre des mesures exceptionnelles, est « très probable ».
D’autre part, le Président annonçait aussi, hier lundi dans son discours à la Nation, « qu’une nouvelle loi électorale ainsi que des amendements constitutionnels seront élaborés. Et ce, dans le cadre de consultations populaires qui auront lieu à partir du 1er janvier jusqu’au 20 mars 2022 ». Ajoutant à l’occasion que « les réformes constitutionnelles et autres seront soumises à référendum le 25 juillet 2022. Soit le jour anniversaire de la proclamation de la République ».
« Une Constitution obsolète »
Nous sommes donc loin de la volonté présidentielle d’abroger d’un trait de plume la Constitution actuelle, mais de l’amender. Faut-il rappeler l’hostilité manifeste de Kaïs Saïed à l’égard de la Constitution actuelle. Un système hybride selon lui, mi- parlementaire, mi-présidentiel. « La Constitution de 2014 est obsolète. Cinq ou six ans après son élaboration, il s’avère que cette Constitution n’est plus valable, dans le sens où elle n’a aucune légitimité. Pour la simple raison qu’elle ne respecte pas la souveraineté du peuple », avait-il martelé jeudi 9 décembre. Et ce, lors de l’audience qu’il avait accordée aux deux doyens Sadok Belaïd et Mohamed Salah Ben Aissa; ainsi qu’au juriste Amine Mahfoudh.
Notons, enfin, qu’à la fin de son discours de 39 minutes, le Président s’est adressé à ses détracteurs avec ces énigmatiques termes: Wassalam ala man arad assalam. Littéralement: « Salut à ceux qui veulent la Paix ». Une parole de réconciliation ou un casus belli à peine voilé?