Le discours tant attendu de Kais Saied a été enfin prononcé avec une grande nouveauté : des dates pour les prochains rendez-vous.
En tout, ce sont sept décisions qui ont été prises et qui, de point de vue économique, auraient des conséquences.
Enfin un calendrier
La bonne nouvelle c’est que nous disposons enfin d’un calendrier. D’ici une année, nous aurons un nouveau parlement élu selon la loi électorale votée par le peuple le 25 juillet 2022. La fin de la consultation populaire est fixée pour le 20 mars 2022. Le Président joue ainsi des dates symboliques pour montrer la gravité du moment.
Fixer des deadlines était une demande générale de la scène politique nationale et, surtout, internationale. Politiquement, Tunis était sous pression. Le communiqué des ambassadeurs du G7 la semaine dernière était un message direct que les plus grandes puissances mondiales ne sont pas satisfaites du déroulement des événements. Il était clair que les partis politiques lésés par le 25 juillet 2021, Ennahdha à leur tête, ont jeté leur dernier dé pour pousser le Président à assouplir sa position.
Désormais, après le discours d’hier soir, personne ne peut contester l’absence de calendrier. Tout est clair. Les partis politiques qui veulent se positionner de nouveau dans l’échiquier n’ont qu’à commencer à s’organiser et à se préparer pour les prochains rendez-vous.
Encore douze mois de transition
Mais il y a quelques points qui inquiètent dans ce qui a été annoncé. De facto, nous allons rester encore une année dans la zone grise. Et ce, de point de vue légitimité. Cela pose problème.
Économiquement, évoluer encore durant douze mois sans une équipe stable n’est pas évident. Le soutien de Carthage à la Kasbah est incontestable. Mais le plus important reste l’impression de nos partenaires étrangers.
Pour le FMI à titre d’exemple, et bien que le Gouverneur de la BCT s’est montré optimiste quant à la signature d’un accord durant les quatre premiers mois de 2022, ne pas avoir un Gouvernement soutenu par un parlement n’est pas un bon point.
Le FMI ne va pas changer ses conditions antérieures, surtout celle concernant le consensus national quant aux réformes à entreprendre. Est-ce qu’un Gouvernement dont la durée de vie théorique est désormais une année aura la force de l’atteindre ? Nous allons prochainement entendre des propos que l’équipe de Madame Bouden ne peut pas mener des réformes. Elle doit se limiter à la gestion des affaires courantes et laisser les réformes au Gouvernement qui naîtra des élections de décembre 2022.
« Le soutien de Carthage à la Kasbah est incontestable, mais le plus important reste l’impression de nos partenaires étrangers »
Dans ce contexte, quelles seraient nos chances d’accéder aux ressources de financements extérieurs ? Est-ce que nous pouvons sortir sur les marchés internationaux même si nous avons signé un accord avec le FMI ? Si oui, sur la base de quel programme économique nous allons lancer des Eurobonds ?
Des élections en décembre signifient que le Gouvernement qui viendra trouvera déjà la Loi de Finances 2023 publiée au JORT, ce qui promet une Loi de Finances Rectificative 2023 !
Nous allons donc perdre un exercice budgétaire. L’histoire récente nous a montré que des élections signifient une année économique blanche. La Tunisie vient de traverser deux années difficiles. Aligner une troisième sera catastrophique. Elle aura même des conséquences sur les orientations de vote.
Les dernières années nous ont également appris que les syndicats haussent le ton durant ces périodes électorales afin de maximiser leurs acquis. Socialement, l’année sera difficile.
Le grand défi maintenant est d’atteindre les élections de décembre dans un contexte socio-économique stable et qui laisse à ceux qui prennent le flambeau la chance d’hériter une situation gérable. C’est loin d’être garanti.