Janvier pointe le bout de son nez. Et en Tunisie, ce mois est synonyme de mobilisations sociales. Une crise sanitaire, un président aux pleins pouvoirs et des partenaires inquiets. Cette année, la conjoncture est donc encore plus compliquée.
Kaïs Saïed gardera donc les pleins pouvoirs jusqu’à l’année prochaine. Gouvernant par décret, ce dernier organisera des élections législatives fin 2022. Entre temps, les premières mobilisations contre l’ultra-populaire président ont eu lieu. Ainsi, les diplômés chômeurs sont en perte de confiance. Et ce, depuis que M. Saïed a refusé d’activer la loi n°38, prévoyant l’affectation exceptionnelle des titulaires de diplôme du supérieur au chômage depuis 10 ans.
Pourtant, cette loi avait été intégrée à la loi de finances de 2020 par le Parlement tunisien, désormais dissout. Nourrissant les espoirs d’une frange de la population tunisienne oubliée par la révolution, cette évaporation de l’écran de fumée risque de porter préjudice à Kaïs Saied.
Un contexte politique défavorable
Kaïs Saïed a participé à la haine des partis, du système politique installée depuis 2011 et enfin de la constitution. Et la dissolution de l’ARP est venue matérialiser la situation politique actuelle. Dans ce contexte, le président ne peut plus dévier de sa responsabilité. En effet, depuis le 25 juillet, la présidence de la République est le dernier organe légitime pour une majorité des Tunisiens.
Mais que se passera-t-il une fois cette légitimité perdue? Une fois les espoirs déchus ? Une fois que la réalité politique du pays viendra contrer les projets du président de la République? Lesquels, pour de nombreux observateurs, sont totalement irréalisables. À titre d’exemple, le référendum digital proposé par M. Saïed est confronté aux limites technologiques et techniques. Déjà la première journée d’application du pass vaccinal le démontre parfaitement. Une partie des Tunisiens voulant télécharger leur attestation se sont retrouvés devant une page blanche.
Désormais seul aux manettes et s’étant débarrassé des corps intermédiaires et de l’opposition politique, Kaïs Saïed doit prendre les coups. Et cela n’est pas son genre.
Une réponse par l’autorité
Ainsi, le 10 décembre 2021, la cheffe du gouvernement Najla Bouden émettait une circulaire appelant à mettre en place des garanties légales pour l’exercice du travail journalistique. Et ce, afin de préserver le droit d’accès des Tunisiens à l’information. Le Syndicat National des Journalistes Tunisien a qualifié ce projet de « honteux ».
Du côté politique, l’ancien président Moncef Marzouki a été condamné in absentia. Et ce, à quatre ans de prison, mercredi 22 décembre, pour « atteinte à la sécurité extérieure de l’État ». Ce dernier avait appelé la France à arrêter de soutenir l’administration tunisienne après le 25 juillet.
Les journalistes et les opposants sont donc sous la menace du contrôle exécutif ou de la justice. Sans remparts contre le pouvoir unique, l’inévitable crise sociale dans laquelle nous sommes propulsés est unique, de par la situation économique. Mais surtout à cause de la différence majeure entre les attentes populaires insufflées par les promesses du chef de l’Etat et leur faisabilité. L’unicité de la situation se confirme aussi par l’imprévisible sortie de crise. En effet, le président de la République nous confie une tâche monstrueuse. A savoir celle de construire de nouveaux espoirs après ceux qu’il est sur le point d’anéantir.
Par Amine Snoussi Essayiste politique,