La prestation calamiteuse de Chiheb Mekki, alias Ridha Lénine, lors de son passage dimanche dernier dans une émission radiophonique largement écoutée dans le pays, soulève de pressantes interrogations sur son état « anormal ». Permettant ainsi aux adversaires du président de la République de l’atteindre par ricochet.
Mais que c’est-il passé ce dimanche 26 décembre pour que la toile s’enflamme de la sorte? En effet, l’animateur de la radio Mosaïque FM Hamza Balloumi recevait à une heure de grande écoute un énigmatique invité, Chiheb Mekki, alias Ridha Lénine. L’homme qui de l’avis général a l’oreille du président, tenait un discours incohérent.
Etat d’ébriété ou malaise de santé?
Ainsi, durant une heure et demie, Chiheb Lénine a tenu un discours décousu. S’exprimant avec une voix à peine audible, il arrivait à peine à dire une phrase complète, sans l’aide bienveillante de l’animateur qui volait à son secours chaque fois qu’il dérapait.
De plus, ayant des idées confuses, il changeait de sujet sans raison apparente. Bref, tous les ingrédients étaient réunis pour que nombreux internautes, dont des hommes politiques, estiment qu’il était dans un état d’ébriété manifeste. Les plus cléments soulevaient plusieurs interrogations quant à la réalité de son état de santé. Présentait-il des symptômes annonciateurs d’une attaque cérébrale?
Mais le hic, c’est que trois jours plus tôt Ridha Lénine participait à l’émission « Le grand débat » de Malek Bakkari sur la Chaîne Attessia. Il s’y distingua par sa prononciation, certes un peu traînante, mais normale. Ainsi que par son discours bien argumenté, fluide et cohérent dans l’ensemble. Alors pour quelle option pencher?
Explications embarrassées
D’ailleurs, le journaliste Hamza Belloumi était blâmé par certains pour avoir accepté de l’interviewer dans cet état. Et de rétorquer: « J’ai vu les commentaires à propos de mon interview avec Ridha Chiheb Mekki. Et j’avais reçu beaucoup de questions. Or, il n’est pas dans mes habitudes de demander à mes invités ce qu’ils ont mangé ou bu avant l’émission. Tant que l’invité respecte les auditeurs dans ses propos et répond aux questions, je termine l’interview avec lui jusqu’au bout. Et c’est ce qui s’est passé. » Puis, il conclut: « Je préfère qu’on discute les idées et les positions sans toucher aux personnes. Mais aussi sans se moquer de leur façon de parler ou de leur maladie. »
Pour sa part, voulant justifier la prestation controversée de son père, Fadhel Mekki, fils de Ridha Lénine, assurait dans un post que son père avait été victime d’un malaise de santé. « Mon père a été victime d’un malaise sanitaire il y a peu. Ceci a eu un impact sur lui et sa santé s’est relativement dégradée dans la période passée. Malgré son état de santé, il a voulu honorer un engagement passé ». Pas très convainquant.
La vérité, c’est que Hamza Balloumi, et c’est tout à son honneur, a botté en touche. En ayant l’élégance et la discrétion de ne pas révéler l’état « anormal » de son hôte. Avait-il un verre dans le nez, ou souffrait-il de troubles de l’élocution, étant réellement malade? Nous n’en saurons pas plus. D’ailleurs, il n’avait pas le choix d’interrompre une émission de grande écoute annoncée avec force publicité. Il fallait coûte que coûte sauver la situation, quitte à imposer aux auditeurs une émission affligeante. Et le mot est faible.
Le Président visé par ricochet
Alors, pourquoi somme toute un fait divers au-delà de son aspect moralisateur a-t-il soulevé un tel tollé sur les réseaux sociaux?
La raison tient sans aucun doute à la promiscuité de Ridha Lénine, avec le président de la République Kaïs Saïed. Lequel l’avait présenté en le recevant le 22 juin dernier au palais de Carthage, comme « un frère, un ami et un compagnon de route depuis des décennies ».
En effet, cet ancien activiste d’EL WATAD, un mouvement de gauche radicale avec un zeste de nationalisme arabe, passe pour être la tête pensante, le mentor idéologique et l’un des fondateurs de son projet politique. Dont le fil conducteur de sa pensée s’articule sur la démocratie de la base. Et ce, au mépris des corps intermédiaires des démocraties représentatives.
Or, souvenez-vous de récents propos du Président qui traitait ses adversaires politiques, lors d’une réunion du Conseil supérieur des armées, « d’ivrognes ayant leurs habitudes dans les tavernes ». Et si, par sa prestation dimanche dernier, en apparence tout au moins « son frère et ami » était lui aussi un adepte de ces mêmes tavernes?