Le débat concernant la planche à billets a commencé très tôt cette année. Historiquement, il apparaissait vers le troisième trimestre, mais en 2022, les pressions médiatiques sur la BCT sont déjà là.
Dans l’économie, ce genre de propos trouve généralement des adeptes. Car, au-delà d’une faible culture économique, l’idée enracinée dans les esprits est celle d’une Loi de Finances 2022 qualifiée de catastrophique.
Jugement injuste
Est-ce qu’elle l’est vraiment ? Certes, elle est le fruit d’un travail humain, donc reste perfectible. Néanmoins, il faut être juste dans le jugement et tenir compte des spécificités de l’équation tunisienne que personne n’est parvenu à la résoudre, même partiellement.
Ces mêmes « experts » qui contestent cette Loi, auraient probablement pris des décisions similaires s’ils étaient aux commandes. Il convient de se rappeler que le poste de ministre des Finances a été occupé par plusieurs personnalités bien connues dans la sphère de l’économie tunisienne, mais rien n’a changé. Pourquoi ? Parce que les contraintes politiques sont très importantes et les urgences sont à flux tendus.
Les techniciens du Trésor bossent dur pour générer des ressources récurrentes et suffisantes pour payer les salaires. C’est la clé de la paix sociale et la locomotive de la consommation, l’un des moteurs de la croissance de l’économie. Il faut toujours être prêt à fournir de la liquidité aux entreprises publiques qui emploient des dizaines de milliers de personnes et qui pèsent lourdement dans l’équilibre du pays. Les principaux biens et services sont assurés par ces entités qui ne doivent pas se trouver en panne.
Ainsi, il serait un non-sens de demander de faire baisser les impôts car c’est la seule source sûre de liquidité. L’Etat ne peut ni réduire la masse salariale, ni céder les entreprises publiques. Il doit continuer à supporter le fardeau de la compensation qui dépasse 7 milliards de dinars par an. Il doit investir davantage, mais il ne peut pas également s’endetter davantage. Car à ce rythme, il tombera en faillite au bout de quelques années. Donnez cette équation à n’importe qui et observez le projet de Loi de Finances qu’il proposera.
Le sauvetage est possible
Ceci dit, nous ne sommes pas au niveau de détresse financière que certains l’évoquent. Ce qui s’est passé n’est pas une planche à billets, mais un swap de devises. L’accroissement conséquent de la masse monétaire n’est pas ex-nihilo, mais il y a bien une contrepartie. Certes, il y a un effet inflationniste, mais il est minime par rapport à ce que la planche à billets pourra causer.
C’est vrai que la situation économique est difficile, mais l’Etat reste capable de générer assez de ressources pour couvrir le minimum syndical pour fonctionner. Le remboursement des dettes internes est en train de se dérouler comme prévu, bien qu’il soit réalisé dans la douleur.
Cette semaine, le Trésor a levé 651 MTND. Il a ainsi sécurisé son remboursement pour le 02 février prochain. Il vient de lancer une adjudication d’échange pour une ligne de BTA de 808,155 MTND. Le Trésor propose d’échanger ces titres par l’une des trois nouvelles lignes : BTA 8% Novembre 2025, BTA 7,5% Décembre 2028 et BTA 8% Mars 2033.
Quant à l’endettement externe, l’Etat pourra réussir 2022 même s’il ne parvient pas à un accord avec le FMI. Toutefois, le prix sera très cher. Car il sera obligé de puiser dans ses réserves, ce qui affaiblira le dinar, et déclenchera une bulle inflationniste.
La situation est critique, mais il y a toujours une marge pour s’en sortir, à condition que le Gouvernement prenne des décisions pour arrêter l’hémorragie. La non-décision a un coût.