Les marchés, tous les marchés, décrochent, et avec violence. Les prix, tous les prix, grimpent. C‘est la valse des étiquettes et des factures. Des pénuries de produits essentiels à répétition. Le dinar est à son plus bas niveau historique…
Pour défendre sa monnaie nationale, la Tunisie dépense sans compter, sachant que les réserves de la Banque centrale de Tunisie diminuent à vue d’oeil dans le cadre de sa lutte contre l’effondrement du dinar. Mentionnons brièvement que la croissance de l’économie semble « subitement » remise en question, voire même devoir brutalement s’inverser. Tout le monde accuse, a priori, la BCT de vouloir réduire dès l’automne, le rythme de ses contributions au financement de l’économie. La politique monétaire restrictive de la BCT – qui consiste à tenter de contenir la demande intérieure – a un effet sur la confiance de ses agents (consommateurs et entreprises). Cette stratégie de désinflation a montré ses limites dans les pays en crise, au creux d’un cycle baissier. Elle démontre, aussi bien empiriquement que socialement, qu’elle influence et conditionne l’allocation des investisseurs et des entreprises qui emploient, qui produisent et qui distribuent des revenus.
La fièvre saisit donc les acteurs du pays – consommateurs, entreprises et même les décideurs publics – qui subissent à la fois une hausse des charges financières et des coûts de financement induite par la hausse des taux de l’intérêt et le tarissement des flux de liquidités. Au niveau des ménages, c’est la baisse indiscutable du pouvoir d’achat et du niveau de vie, allant de pair avec l’escalade du niveau général des prix. Notons que les firmes seront tirées bien en-deçà de leurs capacités. Et les pressions inflationnistes risquent de s’y développer via l’émergence des coûts fixes. A cela, il y a le risque de formation de bulles spéculatives sur le marché des produits (marché noir).
« Au niveau des ménages, c’est la baisse indiscutable du pouvoir d’achat et du niveau de vie, allant de pair avec l’escalade du niveau général des prix… »
Pour autant, les retombées positives des hausses des taux et la baisse des flux de liquidités sont incontestables pour un pays, sauf quand il s’agit d’une économie en haut du cycle, en surchauffe, qui bénéficie d’un emballement de sa demande globale et d’une diminution des taux d’intérêt réels (le taux d’inflation supérieur au taux d’intérêt nominal).
Aujourd’hui, en Tunisie, dans la mesure où le marché des produits est de plus en plus biaisé et que les entreprises et les investisseurs (locaux et étrangers) se sont « retirés » du fait du tarissement des liquidités et de leurs coûts de financement, la croissance, l’investissement et l’emploi (ou ce qui en reste) y ralentissent inexorablement.
Corrélativement, d’une part, le pays subit un accroissement d’importants déficits de sa balance commerciale et des paiements qui seront le plus (et les premiers) touchés. En outre, ce sont les ménages et les firmes qui seront contraints de refinancer leurs dettes à des taux excessifs, et qui seront le plus menacés.
D’autre part, les prix à l’importation grimpent, au fur et à mesure que le dinar fond. Cet effondrement ne profite même pas aux exportations. Ces dernières sont pénalisées, notamment par la hausse des coûts et des charges financières.
Le décrochage de l’activité et des marchés explique, en grande partie, la perte de confiance généralisée envers un pays naguère jugé « stable ». Autrement dit, ces chocs de gouvernance interne – certes violents mais encore contenus – risquent de tourner à la panique.