Que les révélations attribuées à tort ou à raison à l’ex-cheffe du cabinet présidentiel, Nadia Akacha, sur « les troubles psychologiques » dont souffrirait le chef de l’État, Kaïs Saïed » soient authentiques ou des fake news; il n’en demeure pas moins que tout locataire du palais de Carthage est sommé de faire valoir un bilan de santé officiel. Et ce, dans le cadre de la transparence et de la démocratie.
Qu’y a-t-il de commun entre les hommes qui ont présidé à la destinée de la Tunisie depuis l’Indépendance? Et que nous apprennent les derniers enregistrements fuités attribués à Nadia Akacha?
Atteints physiquement ou psychologiquement, ils cachaient minutieusement à leurs concitoyens leurs maladies. Et surtout ils passaient sous silence les conséquences terribles de l’amoindrissement de leurs facultés. Le tout sous le sceau du secret d’État. Bien entendu, les médias étaient tenus à l’écart de ce sujet tabou, par éthique ou par raison d’État.
Ainsi, le Combattant suprême souffrait de bipolarité et d’une terrible insomnie qui l’empêchait de fonctionner sauf pour quelques heures dans la journée. Et encore.
Évidemment, les médias officiels justifiaient ses longs séjours dans les cliniques suisses par des banales rages de dent. D’ailleurs, il fut écarté du pouvoir un certain 7 novembre 1987 sur la base d’un certificat médical pour justifier sa « sénilité » qui l’empêchait d’exercer pleinement le pouvoir.
Des secrets bien gardés
Trois ans plus tard, son successeur, Zine El Abidine Ben Ali, souffrait d’un cancer de prostate. Le Tout Tunis chuchotait la maladie présidentielle, mais black-out total dans les médias. On ne badinait pas avec l’homme fort de Carthage!
Après la Révolution, le sujet de la santé mentale du président mal élu, Moncef Marzouki, fut évoqué avec insistance. Des rumeurs bruissaient sur d’hypothétiques troubles psychiatriques du Président. On parlait même de fréquents séjours dans un hôpital psychiatrique parisien. Mais jamais les médias n’osèrent poser la question sur la scène publique. Par déontologie ou parce que personne n’osait s’aventurer, sans preuves irréfutables à l’appui, dans ce terrain savonneux?
D’ailleurs, en 2014, en pleine campagne électorale, Moncef Marzouki rendait public un certificat médical attestant de sa bonne santé physique pour exercer le pouvoir. Pour quel motif? Certainement pas par souci de transparence. Mais pour acculer le grand âge de son adversaire, Béji Caïd Essebsi, 88 ans à l’époque, qu’on disait de santé fragile. Et donc inapte à exercer un quinquennat jusqu’à son terme. Perfide.
A souligner que BCE est le seul président mort dans l’exercice de ses fonctions. Âgé de 92 ans, il s’est éteint jeudi 25 juillet 2019, le jour où la Tunisie commémore la proclamation de la République en 1957; après avoir été hospitalisé dans la nuit en soins intensifs. Le président du Parlement Mohamed Ennaceur assura l’intérim et disposa de 90 jours pour organiser une nouvelle élection présidentielle.
Des signes troublants
Mais alors qu’en est-il de l’état de santé de l’actuel président de la République Kaïs Saïed? On aura remarqué sa démarche raide, sa voix monotone, son visage souvent fermé, ses montées brusques d’adrénaline, ses discours décalés à minuit, sa pulsion à mettre fin aux fonctions d’innombrables responsables à des heures tardives. Mais aucun média n’avait franchi le Rubicon en s’interrogeant ouvertement sur la santé d’un président venu d’une autre planète.
Troubles psychiatriques?
Et c’est Nadia Akacha, son-ex cheffe de cabinet avec grade de ministre, sa boîte noire, la dépositaire de tous ses secrets, même les plus intimes, qui brisa le tabou. En soulevant le couvercle de la marmite sur ce qui se trame au palais de Carthage.
Et qu’apprennent les Tunisiens? Dans une série de communications fuitées qui lui sont attribuées, elle s’adresse, quasiment à raison d’un enregistrement par jour, à un interlocuteur dont la voix a été masquée.
Ainsi, Mme Akacha démissionnaire ou démise de son poste, révèle que son ancien patron souffrirait « de troubles psychiatriques ». Et qu’elle est inquiète de l’état de santé mentale du chef de l’État. Ce dernier « va très mal sur le plan psychologique » et « finira mal »; dans la mesure où il « néglige le traitement qui lui est prescrit ».
Pour sa part, l’ancienne directrice de la communication, Rachida Ennaïfer a déclaré sans rire, mercredi 4 mai en cours sur la Chaîne Attessia que le président « travaille vingt heures par jour ». Serait un grand insomniaque d’où ses apparitions à des heures tardives de la nuit?
N’est pas femme d’État qui veut
Que Nadia Akacha, à moins qu’il ne s’agisse d’un montage audio et d’enregistrements fabriqués, colporte des mensonges au Café du coin ou qu’elle dise vrai, un haut responsable ayant occupé des postes au sommet de l’État est tenu au devoir de réserve. Il ne saurait déroger à cette règle de courtoisie en déballant les secrets de l’État sur la place publique.
S’agit-il d’un acte de vengeance où de règlement de comptes avec son ancien patron à ce moment précis où il s’apprête à instaurer « une nouvelle République »? Dans les deux cas de figure, ce n’est pas convenable et c’est fort regrettable, surtout pour l’image de la Tunisie.