Une décision de politique monétaire suppose une bonne lecture de la balance des risques. Dans le cas tunisien, l’évaluation de la décision de la BCT ne doit pas se limiter à estimer le coût de la hausse du taux directeur sur les acteurs économiques. Un coût que personne ne pourra éluder. Mais plutôt à le comparer au coût du statu quo monétaire.
L’inaction face à la montée des pressions inflationnistes nourrit un comportement de stockage des produits importés (matières premières, produits semi-finis…) qui pèse sur la balance commerciale et exerce des pressions baissières sur les réserves de change.
Ce comportement spéculatif qui alimente les anticipations de dépréciation du dinar débouche sur une forte inflation importée, ravageuse pour le pouvoir d’achat et les grands équilibres macro-économiques. Tant que les gains espérés (côté prix et côté change) sont supérieurs au taux d’intérêt, les entreprises continuent d’emprunter pour financer leurs importations. La BCT ne pourrait casser cette spirale spéculative qu’en augmentant ses taux directeurs.
Tant que les pressions sur les réserves de change pèsent sur la balance courante, générant ainsi un déficit qui dépassera facilement les 10% du PIB à la fin de l’année, la BCT ne pourra pas rester dans l’expectative. Une situation très embarrassante lorsqu’elle débarque dans un contexte d’assèchement des sources de financement externes !
Peut-on calmer les pressions baissières sur les réserves en puisant uniquement dans la boîte à outils de la Banque centrale ? Avec une facture énergétique qui pèse à la fois sur le budget (subventions) et la balance commerciale (plus du tiers du déficit), alors que la transition énergétique avance à pas de tortue, avec une politique agricole qui creuse le déficit alimentaire et nourrit le stress hydrique, avec une incapacité de réformer en profondeur les entreprises publiques malgré leurs déficits colossaux dévoreurs de devises…, il est difficile d’atténuer ces pressions.
Aujourd’hui, le coût du resserrement monétaire est largement inférieur au coût de l’inaction, qui est à la fois économique, social et politique. Une telle situation n’est pas viable. L’heure est plutôt au policy-mix. Sans une détermination politique pour déclencher une dynamique de réformes structurelles, le dérapage des finances publiques finira par déclencher une crise de dette et du coup, la politique monétaire perdra toute son efficacité.
(Publié dans le numéro 845 de l’Economiste Maghrébin du 25 mai au 8 juin 2022)