A bien analyser la situation, la réforme de la Caisse Nationale de Compensation (CNC) n’est pas facile à mener. A quel modus operandi l’administration va-t-elle recourir ? Le gouvernement en place début 2023, date du déclenchement de l’opération, adoptera-t-il la réforme dans l’ordre établi le 7 juin 2022 ? Peut-on, de plus, zapper l’UGTT qui a dit la rejeter ?
Le gouvernement entamera donc l’application de la réforme sur la Caisse Nationale de Compensation en 2023. Il aura, si l’on comprend bien, six mois et quelques jours pour préparer tout le dispositif permettant de préparer la gestion d’un dossier des plus difficiles et qui est au rendez-vous de bien des gouvernements depuis de très longues années. Cela fait bien longtemps que l’on parle de réserver cette compensation à ceux qui la méritent : les familles et personnes nécessiteuses.
Cette période sera sans doute mise aussi à profit pour mener une campagne de communication pour convaincre le pays de la nécessité d’agir à ce niveau et bien au-delà des recommandations pressantes depuis quelque temps du Fonds Monétaire International (FMI).
Soit. Mais, la question mérite que l’on s’y attarde étant donné certaines variables somme toutes importantes qui font que traiter le dossier n’est point facile. Une de ces variables concerne l’efficacité du procédé utilisé. Comment réussir effectivement à bien déterminer la cible des compensations. On dit que l’administration possède une liste des personnes qui ont bien besoin des aides qui seraient servies !
Le clientélisme et l’à-peu-près
On ne peut que l’espérer. Mais, aussi que douter. Dans un pays où une bonne partie de la population vit de l’informel et sous toutes ses formes (celui-ci ne concerne évidemment pas que les produits qui traversent illégalement la frontière ou presque), il y a lieu d’émettre des craintes de voir la ligne poursuivie ne peut aboutir aux objectifs. Est-il possible de compter sur les agents locaux au niveau des délégations et des « imadattes » ? N’y a-t-il pas là l’occasion de faire fonctionner le clientélisme, l’à-peu-près, la désinformation, pour ne pas dire la fraude et la corruption ?
On nous dit aussi qu’on laissera les nécessiteux faire des déclarations auprès de l’administration. Mais là aussi toutes les personnes le feraient-elles ? N’y a-t-il pas possibilité qu’il y ait des défaillants qui viendraient par la suite demander leur part du gâteau parce qu’ils n’auraient pas entendu l’appel ! Concernant la gouvernance de ce type de dispositif, il y lieu de croire que cela pourrait être, comme on dit, la croix et la bannière !
Peut-il oublier aussi que le dispositif imaginé par le gouvernement Bouden et présenté le 7 juin 2022 aura lieu après le 17 Décembre 2022, date de l’aboutissement logique du Processus du 25 juillet 2021. Venons-en au fait. Le gouvernement qui sortira des urnes obéira-t-il concernant ce dossier, comme pour d’autres, comme le fait Madame Najla Bouden, aux orientations de Kais Saied ?
Peut-on zapper l’UGTT ?
Certes, il y a lieu de penser que la nouvelle constitution, si tout va comme le souhaite le chef de l’Etat, donnerait au président de la République une place centrale dans la conduite de la politique du pays.
Mais jusqu’à quel point ? Et quelle attitude pourrait avoir un parlement qui ne serait pas, de par sa composition, sur la même longueur d’onde que le premier magistrat du pays ?
Dernier point à ne pas perdre de vue : l’UGTT, dont on canonnait bien la position sur le dossier, pourrait-elle être bien plus clémente concernant la réforme de cette CNC ? On sait, à ce niveau, que l’UGTT vient de faire savoir qu’elle « rejette le programme national de réformes présenté par le gouvernement » (dixit son secrétaire général adjoint, Slaheddine Selmi).
En affirmant que « le programme comprend un ensemble de mesures d’austérité. Celles-ci exigent la suppression de la compensation et le désaveu des accords d’augmentation salariale des agents du secteur public et de la fonction publique ».
Le tout est de savoir si le gouvernement pourrait zapper la principale organisation syndicale du pays ? Ou faire même un passage en force ?
Déjà que les relations entre les deux parties sont bien tendues ! De tout manière, d’ici là beaucoup d’eau coulera sous les ponts.