Shireen Abou Akleh a été tuée en héros; alors qu’elle accomplissait son devoir de journaliste. Elle a été assassinée de sang-froid pour permettre aux forces de l’occupation israélienne de masquer la vérité. Et ce, afin de commettre leurs crimes en silence, loin des regards.
La victime, 51 ans, est l’une des journalistes-vedettes de la chaîne Al-Jazeera et une icône médiatique pour des millions de téléspectateurs. Elle a succombé hier mercredi matin à ses blessures à l’hôpital. En effet, Shireen Abou Akleh avait été touchée par balle réelle en pleine tête. Alors qu’elle couvrait une opération de l’armée israélienne à Jénine. A savoir, le bastion des factions armées palestiniennes, dans le nord de la Cisjordanie.
Le terme « Press » arboré en évidence
Mais que s’est-il passé au juste pour que la journaliste américano-palestinienne soit mortellement touchée à la tête? Alors que sur des images vidéo elle apparaît portant un gilet de protection et un casque. De même qu’elle arbore, bien en évidence, le terme « Press » sur le devant de son gilet.
Tout s’est donc déroulé dans le camp de réfugiés de Jénine. La région est l’épicentre des tensions depuis le début de la vague d’attentats anti-israéliens qui a fait 19 morts en moins de deux mois. Sachant qu’une partie des auteurs des attentats venaient de Jénine. Et que l’armée israélienne y a multiplié les raids pour arrêter des Palestiniens recherchés.
Duplicité et cynisme
Côté palestinien, il ne fait pas le moindre doute que ce sont les soldats israéliens qui ont ouvert le feu dans sa direction. Côté israélien, Tel-Aviv a tenté comme d’habitude de semer le doute. Et ce, en affirmant à ceux qui veulent bien le croire que les tirs provenaient « sans doute » de Palestiniens. Lesquels échangeaient des coups de feu avec les militaires israéliens.
Ainsi, aux réclamations faites par les Etats-Unis et la France pour l’ouverture d’une enquête « approfondie » et « transparente », et alors que la chaîne d’information qatarie accuse Tsahal d’avoir abattu Shireen Abou Akleh, le Premier ministre israélien Naftali Bennett a émis « l’hypothèse » qu’elle ait été touchée mortellement par un tir palestinien. « Selon les informations que nous avons réunies, il semble probable que des Palestiniens armés, qui ont ouvert le feu sans discernement à ce moment là, sont responsables de la mort malheureuse de la journaliste », déclarait-il cyniquement.
L’art de la désinformation
Preuve de la duplicité des autorités israéliennes? Gideon Levy, journaliste et écrivain israélien, livre un glaçant témoignage sur l’art de la désinformation pratiquée par l’ennemi sioniste. Et ce, dans un article publié hier mercredi 11 mai sur les colonnes du quotidien israélien Haaretz et traduit de l’anglais par notre confrère de Leaders, Mohamed Larbi Bouguerra. « Au moment de la rédaction de cet article, on ne savait toujours pas qui avait tué Abou Akleh. C’est là l’exploit de la propagande israélienne: semer le doute. Que les Israéliens s’empressent de considérer comme un fait et une justification; alors que le monde ne les croit pas et qu’il a généralement raison », écrit-il.
Et de rappeler les terribles images de l’enfant palestinien tué également par les balles de l’armée israélienne; alors que son père tentait de le couvrir par son propre corps. « Lorsque le petit Palestinien Mohammed al-Dura a été tué en 2000, la propagande israélienne a également tenté de brouiller l’identité de ses assassins. Elle n’a jamais prouvé ses affirmations et personne n’y a cru ».
« Même si l’on trouve la balle israélienne qui a tué Abou Akleh, et même si l’on trouve des images montrant le visage du tireur, il sera traité par les Israéliens comme un héros au-dessus de tout soupçon.
« Elle était une journaliste plus courageuse que tous les journalistes israéliens réunis. Elle s’est rendue à Jénine, et dans de nombreux autres lieux occupés, où ils ne se sont rarement, voire jamais, rendus. Et ils doivent maintenant baisser la tête en signe de respect et de deuil. Ils auraient également dû cesser de diffuser la propagande de l’armée et du gouvernement concernant l’identité de ses assassins. Jusqu’à preuve du contraire, sans l’ombre d’un doute, la conclusion par défaut doit être: l’armée israélienne a tué Shireen Abu Akleh ».
Et de conclure ironiquement: « Il est tentant d’écrire que si des Palestiniens innocents doivent être tués par des soldats israéliens, mieux vaut qu’ils soient connus et détenteurs de passeports américains, comme Abou Akleh. Au moins, le Département d’État américain exprimera un peu de mécontentement- mais pas trop- à propos du meurtre insensé d’un de ses citoyens par les soldats d’un de ses alliés ».
Tout a été dit avec courage et dignité. Chapeau pour l’auteur de ces lignes. Un Juste parmi les Nations.