L’étau se resserre sur les architectes et les artisans du monde d’avant le 25 juillet 2021, à mesure que se précise et qu’arrive le nouveau monde politique de Kaïs Saïed. Le système conçu par et pour les islamistes sera définitivement rayé de la carte, provoquant la fureur de leurs dignitaires et de leurs acolytes.
Poussés aujourd’hui dans leurs derniers retranchements, ils font feu de tout bois sans le moindre scrupule quant au choix des armes. Quitte à provoquer l’impensable : décrédibiliser et jeter le trouble sur les institutions républicaines, avec pour principal cible le chef de l’État, déstabiliser l’économie ou ce qu’il en reste à cause de leur gestion calamiteuse du pouvoir. Et répandre, dans les esprits, le doute et la peur. Serait-ce déjà l’automne du printemps tunisien ?
Les réseaux sociaux dans ce qu’ils ont de plus terrifiant et abject sont déjà à l’oeuvre, les réseaux souterrains remontent à la surface, torches à la main, les forces occultes et celles de l’ombre s’agitent en tout sens : le déluge de déballage médiatique et de fake news donne la nausée.
Stratégie non payante, car le choix des armes n’est pas indifférent. En l’espèce, il rejette encore plus Ennahdha et ses supplétifs au banc de la société et acte définitivement leur rejet. Ce dont profite le chef de l’État Kaïs Saïed qu’ils cherchent à disqualifier.
Ceux qui s’imaginaient que le pays avait atteint le fond, le degré zéro de la politique et des valeurs morales doivent se raviser devant un tel spectacle. On n’arrête pas de creuser et d’élargir les tranchées de la division et de la discorde. Il n’y a pas de limites chez nous à l’irresponsabilité, l’incivilité, l’ingratitude, la trahison, l’hypocrisie, bref, à la bassesse.
« Le système conçu par et pour les islamistes sera définitivement rayé de la carte, provoquant la fureur de leurs dignitaires et de leurs acolytes »
Le pays renoue avec ses vieux démons et s’en délecte, quitte à en mourir. L’arène politique s’est transformée en zone de guerre, où tous les coups et toutes les armes, même celles prohibées, sont permis.
Les déballages publics d’une rare obscénité, les flots d’éloquence nauséabonde comme seul argumentaire pour règlement de compte sont dignes d’une république bananière. Où l’on découvre avec effroi, sidération et indignation à quel point des personnalités publiques et politiques de tout premier plan – qui ne méritent pas ce qualificatif – étaient dépourvues de sens de l’État, de code d’honneur, de morale et d’éthique. Elles n’avaient que mépris pour le pays. Et on mesure aujourd’hui à quel point elles sont méprisables.
Cette meute de politiciens assoiffés de pouvoir et de privilèges ne serait que des imposteurs propulsés à de hauts niveaux de responsabilité par effraction ou par accident. Elle a rabaissé le pays. La condamnation et le rejet de la classe politique qui a abusé du pouvoir ne s’expliquent pas autrement.
On ne s’étonne pas non plus qu’elle ait à ce point abimé l’économie, amplifié les déficits et l’endettement, dégradé le pays après l’avoir vidé de ses ressources et de ses substances physiques, financières et humaines. Elle s’est employée, de ce fait, à allumer les feux de l’inflation. De quoi faire fondre le dinar, accentuant ainsi la paupérisation et l’isolement du pays.
« Les déballages publics d’une rare obscénité, les flots d’éloquence nauséabonde comme seul argumentaire pour règlement de compte sont dignes d’une république bananière ».
Ennahdha et ses auxiliaires de service, qui versent aujourd’hui des larmes de crocodile et jouent aux vierges effarouchées, ont fait plus qu’aggraver les inégalités sociales, régionales et la corruption. Ils les ont démocratisées avec la même intensité qu’ils ont mise pour briser tous les ressorts de la croissance et de la démocratie naissante.
Jamais, à aucun moment, le pays n’aura connu une telle régression en si peu de temps. La croissance est au plus bas et l’avenir est incertain. L’économie est quasiment à l’arrêt. Il n’y a plus rien à partager que l’on puisse produire, sinon les pénuries, l’inflation, la perte du pouvoir d’achat, la pauvreté et la misère qui se répandent et s’étendent. L’investissement est très en deçà de son seuil d’alerte et menace même d’arrêt, faute d’un signal politique fort à l’effet de réhabiliter les chefs d’entreprise, aujourd’hui voués aux gémonies, et de restaurer la confiance, principal moteur de l’action.
Dans ce contexte d’incroyable fragilité économique, financière et sociale et devant la montée des périls interne et externe, les opposants politiques soufflent sur les braises d’une crise globale qui n’en finit pas de finir. Ils défient le pouvoir central, appellent sinon à la sédition, du moins à la désobéissance civile. De là à fracturer le pays et à semer le chaos, il n’y a que très peu de pas que certains ont osé franchir.
Il est peu probable que le départ simultané de feux à Gabès, Sfax et ailleurs relève d’une simple coïncidence, tout juste après évocation par le chef de l’État de la IIIème République. Faut-il y voir les prémices d’une offensive de déstabilisation sur une grande échelle ?
« Ennahdha et ses auxiliaires de service, qui versent aujourd’hui des larmes de crocodile et jouent aux vierges effarouchées, ont fait plus qu’aggraver les inégalités sociales, régionales et la corruption, Ils les ont démocratisées… »
Le choc Kaïs Saïed-Rached Ghannouchi fait autant de dégât socio- politico-économique que la guerre et le choc des empires russe et américain par Ukraine interposée.
Nous n’avons pas attendu la guerre russo-ukrainienne pour voir s’enflammer les prix du carburant, de la viande, des fruits et légumes, des oeufs, des médicaments…
Ce conflit n’a fait qu’exacerber les tensions sur les marchés. Il n’a fait qu’ajouter de la crise à la crise, au grand dam des Tunisiens. Qui sont pris en otage, moins par l’effet d’une guerre lointaine que par les défaillances d’un mode de gouvernance sur lequel il y a beaucoup à dire.
Le pays va à la dérive, sans vrais repères, sans perspectives et sans être rassuré par les diatribes du Président qui entretient l’ambiguïté et se complaît dans sa zone de confort. L’acharnement jusqu’à la conspiration de ses irréductibles opposants ajoute au désarroi des Tunisiens, choqués, sidérés qu’ils sont par la perfidie et la guerre des ombres d’une classe politique qui a perdu le sens des réalités.
Comment oser, dans ces conditions, regarder l’avenir et se projeter, ne serait-ce que dans le futur immédiat ? Comment ne pas ressentir l’humiliation, la colère et une réelle déchirure à l’évocation de ces scandales d’État devenus au fil « des fuites » des scandales de l’État ?
« Le choc Kaïs Saïed-Rached Ghannouchi fait autant de dégât socio- politico-économique que la guerre et le choc des empires russe et américain par Ukraine interposée »
Annoncer, dans ce tumulte, l’avènement d’une IIIème République pour effacer l’image d’une IIème République au relent bananier, oui et mille fois oui, dans le respect de la légalité et l’esprit du droit.
Promettre une nouvelle ère politique plus sereine, plus apaisée et un nouveau système politique plus transparent, plus juste, plus opérationnel au milieu de tant d’incertitude, d’absence d’État, d’affaissement économique et de délitement social est ce qu’il y a de plus audacieux. On veut bien y croire, en l’absence de toute zone d’ombre et dans la clarté la plus totale.
D’ici là, l’intendance doit impérativement suivre pour éviter que le projet politique ne dérape. Il faut, dans le peu de temps qui reste, remettre la machine économique en marche, briser tous les tabous et lever tous les obstacles, créer de vrais emplois et distribuer de vraies richesses.
Le compte à rebours est déjà enclenché, mais il n’est pas trop tard pour faire naître une nouvelle lueur d’espoir, pour réenchanter un pays aujourd’hui au bord de la dépression… Et pas que nerveuse.