« Je ne suis pas au fait des détails de l’affaire ». Voilà comment l’homme le plus informé de la planète a répondu, le 13 mai 2022, à un journaliste qui lui demandait s’il fallait condamner l’intervention policière israélienne musclée contre les porteurs du cercueil de Shireen Abou Akla, devant l’hôpital français d’Al Qods. Tout le monde, y compris ses proches collaborateurs, Jen Psaki et Anthony Blinken, étaient pourtant bien au courant et ont même dit être « profondément troublés ».
Cela a bien un nom : prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages. Une expression qui veut dire prendre les gens pour des imbéciles. C’est ce que le président américain a tenté-vainement- de faire, le 13 mai 2022. Lorsqu’il a soutenu, en réponse à un journaliste qui lui demandait s’il lui fallait condamner la police israélienne qui avait brutalisé, le même jour, les participants au cortège funèbre de la journaliste palestino-américaine Shireen Abou Akla. Il répondait qu’il n’était pas « au fait des détails de l’affaire ». Tout en ajoutant qu’il fallait faire une enquête au sujet de l’affaire.
En fait– et disons-le sans ambages- le président de la première puissance mondiale n’a pas voulu condamner Israël et sa police. Car, tout le monde sait qu’il ne dit pas vrai. En effet, les images de l’intervention policière israélienne au sortir du cercueil de l’hôpital français d’al Qods ont été diffusées dans le monde entier. Et il est impossible qu’il ne les ait pas du tout vues ou n’ait pas reçu les concernant un compte rendu à temps.
Contradiction
Car, et cela est gravissime, comment croire que ses services, et notamment les agents américains sur les lieux, à commencer par ceux de la CIA, les services de renseignements américains, n’aient pas aussitôt averti le chef de l’Etat concernant l’intervention de la police israélienne suivie par des centaines de chaînes de télévision. Si c’est le cas, force est de constater, le cas échéant, que les services de renseignement américain ne sont plus ce qu’ils ont toujours été. Cela contredit du reste des faits passés relatés à longueur d’articles de presse et de rapports publiés par des commissions, dont certaines officielles.
Cela contredit, en plus, les propos tenus le même jour par la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki. Puisque celle-ci déclarait: « La Maison-Blanche est profondément troublée par les images des obsèques de la journaliste palestino-américaine marquées par une charge de la police israélienne au départ du cortège funèbre ». En précisant: « Nous avons tous vu ces images, elles sont profondément troublantes. Nous déplorons l’intrusion dans ce qui aurait dû être une procession dans le calme. Nous avons demandé du respect pour la procession funèbre, aux proches de la défunte et la famille dans ce contexte sensible ».
La vérité finira par être connue
Même son de cloche du secrétaire d’Etat américain, Anthony Blinken. Il affirme que les Etats-Unis d’Amérique « ont été profondément troublés par les images de l’intrusion de la police israélienne au sein du cortège funéraire ». Faut-il croire que Jen Psaki et Anthony Blinken aient pu dire ce qu’ils ont dit sans qu’ils sachent que le chef de l’Etat américain ait pu être briefé avant qu’il fasse sa déclaration ou qu’il n’y ait pas eu de coordination entre ce dernier et ses collaborateurs directs? Encore une fois ce n’est pas ainsi– on le comprend bien- que fonctionne l’appareil de la Maison Blanche. De quoi perdre, comme on dit, son latin!
Une chose est sûre : le président a tenté une esquive. Vainement. Pourrait-il persévérer sur la même voie? Une chose est également sûre: l’affaire Shireen Abou Akla ne peut que continuer à intéresser les médias et ne peut à terme que mettre la pression sur les Etats-Unis et Israël.
En clair, la vérité finira pas être connue. Il est certain, dans ce cadre, que des médias ne lâcheront pas le morceau. A commencer par Al Jazeera, qui est en train de mobiliser l’opinion mondiale en révélant le moindre détail sur l’assassinat de la journaliste palestino-américaine.
Elle ne fait que rendre plus volumineux le dossier d’Israël concernant ce chapitre. Elle est d’autant plus tentée de le faire qu’elle a là une occasion en or pour rattraper un temps perdu; pour retrouver en fait la place qu’elle occupait avant le Printemps arabe, lorsqu’elle dominait l’audiovisuel arabe. Et pour s’en convaincre, il suffit d’entendre les explications de cette chaîne, qui, faut-il l’oublier, a perdu un des siens, parler concernant la réponse du président Biden d’une réaction bien attendue de la part d’un homme dont le « registre » pro-israélien est notoire; fournissant moult faits et gestes le concernant.
Et quand on ajoute à cela l’action des organismes de droits de l’Homme, qui vont maintenir la pression sur les auteurs du crime odieux de Shireen Abou Akla, on comprend bien que le président Biden aura en fait tenté l’impensable. Pour ne pas dire plus.