Les pénuries de ressources et le changement climatique qui s’annoncent risquent de provoquer des crises majeures : guerre pour contrôler les dernières réserves de pétrole, ou d’eau; vagues massives de réfugiés climatiques qui ont fait déjà de la Méditerranée le plus grand cimetière au monde; pénuries de ressources alimentaires avec leur cortège de tensions sociales mettant à mal les jeunes démocraties, déjà fragilisées par la guerre russo-ukrainienne. Question, et non des moindres: comment serait-il possible de sortir de cette logique suicidaire?
Le chemin est certes balisé, mais il sera long, difficile et coûteux pour nous sans doute plus que pour d’autres. Et ce, en raison de la modicité de nos moyens et de nos difficultés financières. C’est pourquoi nous avons placé cette année notre Forum – le 23ème – sous le signe « Les défis de l’économie tunisienne sous l’effet des transitions écologique et énergétique ».
Question globale mais qui renvoie à de multiples questions d’ordre techno-économique, voire à des enjeux sociaux et, au final, politiques.
« Nous avons placé cette année notre Forum – le 23ème – sous le signe « Les défis de l’économie tunisienne sous l’effet des transitions écologique et énergétique »
On l’aura compris : les entreprises tunisiennes seront en première ligne dès lors qu’elles seront exposées à la taxe carbone aux frontières que l’Union se prépare à mettre en place. La question a un impact direct sur les relations commerciales et économiques entre la Tunisie et l’UE. On en mesure les défis pour les entreprises concernées par cette politique bas carbone. Et les enjeux financiers, économiques et politiques pour le pays.
L’idée est simple, mais ses implications le sont beaucoup moins. Il s’agit de taxer certaines importations en fonction des émissions de CO2 liées à leur production. En clair, cette taxe carbone aux frontières de l’UE vise à instaurer un prix carbone sur certains produits fabriqués par des entreprises locales hors d’Europe. Elle fonctionne à la manière d’un droit de douane qui finit par imposer un surcoût aux produits au sein de l’Union.
Cette taxe entrera en vigueur entre 2023 et 2025. Et concernera au départ cinq grands secteurs d’activité : l’acier, l’aluminium, le ciment, les engrais et l’électricité. Elle a vocation à s’étendre à d’autres à l’issue de la période de transition.
« Les entreprises tunisiennes seront en première ligne dès lors qu’elles seront exposées à la taxe carbone aux frontières que l’Union se prépare à mettre en place »
Sur au moins trois secteurs : ciment, engrais et pourquoi pas électricité, les entreprises tunisiennes sont tenues de « verdir » leur procédé de fabrication. L’UE cherche ainsi à éviter les « fuites carbone », notamment les délocalisations d’entreprises européennes vers des pays aux normes environnementales plus lâches, et à s’armer face à la concurrence déloyale. Cela revient à imposer les normes environnementales européennes et à inciter- ce qui est de bonne guerre- les autres pays à réduire leurs émissions.
L’Europe est dans son rôle de se servir de la taxe carbone comme d’outil phare de la lutte contre le réchauffement climatique rôle. Elle est même exemplaire sur ce sujet. Il n’en reste pas moins, que vue d’ici, cette taxe a un effet protectionniste. Elle permet même de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Union.
Les entreprises tunisiennes concernées- demain, elles le seraient toutes- savent ce qui les attend, elles doivent relever ce défi et s’engager dans de véritables et coûteux programmes de mise à niveau de décarbonisation. L’État- et avec quels moyens- doit pouvoir, comme en son temps en 1995, les aider au moyen d’un plan d’accompagnement.
De quelle manière l’UE pourrait-elle se saisir de cette question pour donner plus de chair à sa politique de bon voisinage ? Doit-elle, au nom de la solidarité euro-méditerranéenne, participer au financement de ce PMN en y consacrant, ne serait-ce que durant la période transitoire, une partie des rentrées de la taxe carbone à ses frontières?