« Transition énergétique, de l’ambition à l’action ». Tel est le sujet du premier panel de la 23ème édition du Forum de l’Economiste Maghrébin. Il se tient aujourd’hui 14 juin sur le thème: « La Tunisie face aux défis économiques des transitions écologiques et énergétiques ». Les panélistes ont été unanimes quant à la nécessité de déployer plus d’efforts pour accélérer la transition énergétique. A un moment où l’Union Européenne s’apprête à mettre en place la taxe carbone. Zoom sur la transition.
Il s’agit de débattre autour de la transition. Le PDG de Cap Bank Habib Karaouli a pris soin de modérer le débat, en replaçant le sujet dans son contexte. Prenant la parole, le Directeur des Energies Renouvelables au ministère de l’Industrie, Belhassen Chiboub est revenu, lors de son intervention, sur la stratégie de son département ministériel concernant les énergies renouvelables et la transition énergétique. Il a indiqué que le premier souci du ministère est la sécurité et l’approvisionnement. Sachant que le gaz naturel sera dans le futur une ressource limitée.
D’ailleurs, la Tunisie prévoit de produire 30% de son électricité à partir de l’énergie renouvelables, à l’horizon 2030. Dans le même contexte, il rappelle le cadre réglementaire de l’autoproduction de l’électricité de 2015 amendée en 2019 visant toute personne voulant produire sa propre énergie qu’il soit particulier et/ou entreprise. L’intervenant affirme que des investissements lourds ont été déployés à cet effet. Concernant le déficit énergétique, il est de l’ordre de 52%. Alors qu’il était de 59% en 2019.
Que prévoit la Tunisie?
Concernant, la taxe carbone, le responsable affirme que la Tunisie a commencé à demander l’empreinte carbone des produits importés. Il souligne l’importance que la Tunisie soit compétitive à ce niveau. Et notamment en ce qui concerne l’exportation vers l’Afrique qui sera l’avenir de la consommation dans le monde. L’intervenant s’est exprimé également sur les différents régimes des énergies renouvelables. Il s’agit de régimes de concessions, d’autorisations et d’autoproduction.
Le responsable estime qu’il n’y aurait pas de pétrole en 2050. D’où la nécessité de se mobiliser dès maintenant. Et donc d’intégrer les énergies renouvelables. Par ailleurs, la Tunisie a pris soin de supprimer le droit de douane sur les véhicules électriques. En conclusion, il affirme que le ministère mobilisera ses efforts pour accompagner les industriels et réduire le taux de carbone dans leurs produits. L’intervenant affirme que 70% des appels d’offres sont des partenariats entre des sociétés tunisiennes et étrangères. Cela nécessite de bien examiner les aspects techniques, financiers et juridiques. Il estime qu’en mettant en place l’hydrogène vert, la consommation et la production d’énergie vont se réduire. Revenant sur le programme Prosol Elec, il affirme que ce programme crée un tissu industriel d’installateurs. « Nous en sommes à 75 000 installations dans les maisons », étaye-t-il.
L’objectif est loin d’être atteint
De son côté, le directeur général de la Fondation Prospective et Innovation, Serge de Galaix, rappelle qu’il reste cinq mois avant la tenue de la Conférence de Charm el-Cheikh de 2022 sur les changements climatiques, dite COP 27. Il rappelle que l’Egypte a présenté un certain nombre de propositions. L’intervenant cite l’exemple de l’Afrique du Sud qui fournit un effort important pour réduire le taux des énergies polluantes. En passant du charbon vers des énergies moins polluantes; si non cela n’a guère de sens.
Pourtant, l’Europe est le seul continent qui a pu honorer ses engagements en matière de réduction des gaz à effets de serre et de carbone. Les USA sont au même niveau en 2020 qu’en 1990. Autre indice qui en dit long sur la situation: dans un rapport publié par la Banque mondiale sur la taxe carbone, il est écrit qu’il existe 36 taxes carbone, avec 32 marchés du carbone. Mais seulement 4% des émissions de carbone dans le monde sont taxées à un prix assez dissuasif. Et ce, pour convaincre de la nécessité de la transition.
Une révélation !
Lors de son intervention à distance, le Chairman de Aaqius (organisme travaillant sur la chaîne de valeur hydrogène) Stéphane Aver affirme que le vecteur énergétique de l’hydrogène est disponible sous forme de ressources naturelles, découvert en 2008 en Russie.
Revenant sur sa valeur ajoutée, il explique qu’il s’agit d’une ressource ayant une valeur ajoutée et des spécificités exceptionnelles. En outre, il révèle que cette ressource ne nécessite pas de forage pour l’extraire.
D’ailleurs, le Maroc, l’Afrique centrale et l’Afrique du Sud s’y intéressent. L’intervenant relève en effet que, suite à des travaux de dix ans, il s’avère que l’Afrique bénéficie d’un grand potentiel de cette ressource. Pour lui, l’objectif est bel et bien clair: répondre aux besoins dans un horizon très proche avec un niveau réduit d’émissions. A titre d’exemple, le coût de l’hydrogène naturel au Mali est de 0,50 centime le kilo.
Zoom sur l’expérience française
Pui, le Conseil en transition énergétique et écologique Aymar de Germay est revenu sur l’expérience française en la matière. Il affirme que la France est revenue aux sources. Ainsi, il déclare que son pays a mobilisé des efforts après la deuxième guerre mondiale avec l’entreprise publique Electricité de France.
Il rappelle dans le même contexte l’expérience des collectivités locales en matière d’énergies renouvelables. L’intervenant souligne la nécessité de les sensibiliser davantage. Cependant, l’intervenant rappelle que long est le chemin. En effet, « 27% de la consommation finale d’électricité est couverte par les énergies renouvelables. Nous pourrons atteindre les 30% d’ici 2030 », explique-t-il. Baisser la consommation d’énergie et produire des énergies renouvelables tels sont les fondamentaux majeurs de la transition énergétique, estime-t-il.
La Tunisie ne manque pas de potentiel
Associé EY, Climate Change & Sustainability Alexis Gazzo cite un certain nombre de chiffres à l’échelle internationale. Ainsi, en 2021, environs 830GW de capacité éolienne étaient en service dont 326 en Chine. Il prévoit un doublement de la capacité éolienne pour la décennie à venir dont la Chine reste le marché principal. En effet, dans le même sillage, il considère que 3600 GW est attendue en 2031. 59% des capacités installées sont concentrées par la Chine, les Etats-Unis et l’Inde en 2031. Evoquant le cas de la Tunisie, Alexis Gazzo considère qu’un énorme potentiel de stockage pour les énergies renouvelables et l’hydrogène est déjà une piste privilégiée par le gouvernement tunisien.