La Tunisie connaît aujourd’hui une grève dans 159 entités publiques. Un avertissement clair destiné à la Kasbah par l’UGTT, qui tente de protéger ce qui reste du pouvoir d’achat effrité de ses adhérents et de rappeler qu’elle n’a rien perdu de son poids politique.
Estimer l’impact financier de ce mouvement social n’est pas évident. Lors de la dernière grève générale, nous avons entendu des chiffres astronomiques (par rapport à la taille de notre économie), allant jusqu’à des centaines de millions de dinars.
Ce que nous allons présenter ne sert que pour donner une idée sur l’ampleur de cet impact et ne pourra, en aucun cas, traduire des statistiques précises. L’idée est tout simplement d’estimer des seuils logiques pour éviter les dérapages.
Nous avons pris la liste de entités concernées, en les répartissant en trois groupes.
Le premier est pour les entreprises qui offrent plutôt des services administratifs. La grève n’aura quasiment aucun impact et le service que ne sera pas rendu aujourd’hui pourra être accompli demain.
Le second groupe englobe des entreprises dont le mouvement social va les priver d’encaisser des recettes, mais momentanément. Ellouhoum, à titre d’exemple, ne va pas jeter dans la poubelle la viande qu’elle ne vendra pas aujourd’hui. Il y’aura juste un décalage dans la réalisation du chiffre d’affaires.
Pour ces deux types d’entités, l’impact sera même positif pour une simple raison : si la journée de la grève ne sera pas rémunérée, il y’aura une économie au niveau du charge de personnel.
Le dernier groupe regroupe les entreprises qui ne pourront pas récupérer l’argent non encaissé aujourd’hui, à l’instar des sociétés de transport. Nous avons pris comme base de calcul les chiffres d’affaires publiés dans le dernier rapport sur les entreprises publiques. 19 entreprises y sont présentes et sont déjà les plus importantes.
Ainsi, en moyenne, la journée de grève devrait priver ces entreprises de recettes de 42,754 MTND selon les performances de 2020. Si nous tenons de l’effet COVID-19 et du reste des entités, ce chiffre ne pourra jamais dépasser 100 MTND. C’est très logique étant donné qu’en termes de valeurs ajoutées (au prix courants), une journée d’activité en Tunisie génère 523,576 MTND (chiffres 2021). C’est l’impact si toute la machine économique s’arrête, ce qui n’est pas le cas.
Publicité négative
Mais au sens large, il y a un effet négatif sur l’image du pays. Actuellement, la Tunisie est quasiment absente des radars des flux d’investissements mondiaux. Nous avons perdu des points précieux sur l’échelle de la compétitivité. Les contrexemples existent, heureusement, mais il s’agit généralement d’entreprises privées installées depuis des années. Mais est-ce que notre économie est capable d’attirer aujourd’hui des groupes mondiaux et les convaincre de s’y installer ? La réponse ne demande pas beaucoup d’efforts.
Nous avons toujours des atouts et l’image que certains portent sur le pays ne traduit pas fidèlement la réalité. Nous avons des problèmes de finances publiques, mais nous avons respecté le calendrier de remboursement des dettes souveraines. Le baisse de notre rating s’inscrit plutôt dans une politique de précaution par ces agences qui ne veulent pas prendre le risque dans l’évaluation d’une petite économie. Si l’on ajoute le contexte politique tendu, le nombre de paramètres dans l’équation de la reprise devient ingérable.
Il a fallu qu’Ons Jabeur brille sur les terrains de tennis, qu’un groupe de jeunes ingénieurs invente une machine qui transforme l’air en eau potable pour que la presse mondiale parle positivement de la Tunisie. Certes, l’image changera ce matin.