L’inflation mondiale est à son niveau le plus élevé depuis des décennies, surtout dans les économies avancées, et la croissance du PIB ralentit déjà fortement. C’est ce qu’on appelle la stagflation, mais sa gravité varie selon les pays.
La zone euro a toujours été confrontée au défi d’être une union monétaire sans être encore une union fiscale ou bancaire. En tant que telle, elle manque d’outils essentiels pour faire face efficacement aux chocs qui frappent l’économie de manière asymétrique dans ses pays membres. Les récentes mesures visant à permettre l’émission mutuelle d’obligations vont dans le bon sens, mais pourraient s’avérer insuffisantes face à un choc aussi important que celui que la guerre en Ukraine a fait subir à l’approvisionnement énergétique européen.
La Banque centrale européenne (BCE) a la tâche impossible de définir une politique monétaire unique qui convienne à un ensemble de pays aux situations très différentes. Cette semaine, nous faisons le point sur le niveau de l’activité économique et des prix dans les quatre plus grandes économies de la zone euro : Allemagne, France, Italie et Espagne.
Tout d’abord, nous examinons l’activité économique telle que mesurée par le PIB. Selon les prévisions d’avril du FMI, seules la France et l’Allemagne devraient dépasser en 2022 leur niveau d’activité économique d’avant la pandémie (2019), et ni l’une ni l’autre de façon significative (graphique 1). En revanche, l’Italie et l’Espagne ont toutes deux connu des contractions de l’activité économique beaucoup plus importantes pendant le pic de la pandémie en 2020, et n’auront pas atteint leur niveau pré-pandémique en 2022. Les performances de ces quatre pays sont faibles par rapport à celles des États-Unis, mais c’est la divergence au sein de la zone euro qui importe pour la BCE : les économies italienne et espagnole sont dans une position beaucoup plus faible en 2022 que les économies française et allemande.
Ensuite, nous considérons le niveau des prix dans les quatre économies de la même manière. Nous constatons que le niveau des prix a augmenté en Allemagne beaucoup plus que dans les trois autres pays (graphique 2). En fait, il est facile de voir sur le graphique que le taux d’augmentation des prix, c’est-à-dire ce que nous appelons normalement l’inflation, est largement conforme à l’objectif d’inflation de 2 % de la BCE en France, en Italie et en Espagne.
La conclusion de notre analyse est donc assez simple. Ni la vigueur de l’économie globale de la zone euro, ni la hausse des prix (inflation) ne justifient un resserrement significatif de la politique monétaire.
Nous ne devons pas ignorer le fait que l’Europe est frappée par un choc massif d’approvisionnement en énergie, qui devrait à la fois affaiblir considérablement l’activité économique et pousser l’inflation à la hausse par rapport aux prévisions d’avril du FMI. En ce sens, l’Europe est confrontée à un choc stagflationniste bien pire que celui des États-Unis. En effet, les prix de l’énergie ont augmenté beaucoup plus en Europe qu’aux États-Unis et les économies européennes sont de gros importateurs nets d’énergie. Cela rend la prise de décision de la BCE encore plus difficile et suggère un scénario pour la BCE, à savoir que la politique monétaire de la zone euro doit être beaucoup plus favorable que celle des États-Unis.
Les orientations actuelles de la BCE sont les suivantes :
- À partir du 1er juillet 2022, la BCE mettra fin aux achats nets dans le cadre de son programme d’achat d’actifs ; puis…
- Elle a l’intention de relever ses taux d’intérêt de 0,25 % en juillet et de les augmenter à nouveau en septembre, les hausses ultérieures dépendant de l’évolution de l’inflation..
La zone euro devrait entrer en récession
Cette perspective pour la politique de la BCE est en effet beaucoup plus accommodante que celle de la Fed, surtout après son relèvement de 75 points de base. Même avec un rythme de resserrement modéré, les spreads obligataires des pays périphériques, comme l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce, ont subi des pressions ces dernières semaines. Cette situation a incité la BCE à annoncer qu’elle ferait preuve de souplesse lors du réinvestissement du produit de son programme d’achat d’actifs afin de « préserver le fonctionnement du mécanisme de transmission de la politique monétaire ». Cela signifie concrètement qu’elle soutiendra les pays plus faibles et plus endettés en achetant davantage de leur dette. En outre, la BCE a également chargé divers sous-comités de concevoir un nouvel « instrument anti-fragmentation ». Les paramètres exacts d’un tel instrument sont encore incertains et doivent encore être définis.
En conclusion, nous pensons que la zone euro devrait entrer en récession et que l’inflation devrait chuter fortement dans le courant de l’année. Dans ces conditions, la BCE va progressivement resserrer sa politique monétaire tout en utilisant les achats d’actifs pour soutenir les pays les plus faibles de la périphérie afin d’éviter une résurgence de la crise de la dette souveraine dans la zone euro.
Source : communiqué