A deux jours de la publication du texte final de la future constitution, au journal officiel, et à moins d’un mois du référendum, tout pousse à croire que le oui l’emportera haut la main. Or le texte en question reste jusqu’à ce jour une énigme, et aucune sérieuse indiscrétion, ne permet de connaître la structure et le contenu fondamental de ce document qui décidera de l’avenir du pays, peut être pour des générations.
Ceux qui se sont aventurés à prendre position, pour ou contre, et ils sont nombreux, ressemblent tous au shaykh Ben Mrad, dans sa réplique à l’ouvrage de Taher al Haddad.
Seule l’UGTT, école de pragmatisme, qui a stigmatisé au début toute la démarche de KS, pour l’avoir sciemment écartée de la fameuse commission en lui allouant un rôle mineur, tente de corriger le tir. En appelant à participer au vote, tout en se réservant quant au contenu, dans l’attente de connaître le texte final. De ce fait, elle met hors jeu toutes les forces politiques qui ont appelé à boycotter le scrutin, et qui tablaient sur une position similaire de la part de la centrale syndicale.
En premier lieu Ennahdha et ses amis, qui croyaient isoler KS en poussant l’UGTT à appeler au boycott. Mais aussi Abir Moussi, qui a vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué, en appelant à faire front commun avec la centrale ouvrière pour faire capoter tout le processus allant du référendum aux élections législatives de décembre prochain. L’on reste bouche bée devant une position aussi radicale et improductive politiquement, qui va à l’encontre de la tradition destourienne de pragmatisme et de sagesse politique. On comprendrait mieux que cette attitude jusqu’auboutiste soit celle de l’extrême gauche de Hamma Hammami. Mais refuser de participer au vote sur une constitution n’est pas dans la longue tradition politique initiée par les pères fondateurs du mouvement destourien. Encore, plus grave, tabler sur une alliance avec la composante syndicale, représentée par l’UGTT, c’est oublier l’histoire récente où ces mêmes syndicalistes tiraient à boulets rouges sur les destouriens. Et se positionnant comme des Robespierre de la dite révolution tunisienne et dans tous les cas de figure, les dirigeants actuels de la centrale sont politiquement de loin plus proches de KS que de Abir Moussi.
Les oppositions ont déjà perdu la partie
Les stratèges de l’ombre qui entourent KS ont bien calculé leur coup. En poussant les différentes oppositions politiques qui pèsent dans l’électorat, au boycott, ils n’ont fait que diminuer le risque de voire le non l’emporter. Ce qui aurait eu pour conséquence la défaite cinglante du camp (politique) Saïed et un cataclysme général aurait secoué le pays. Puisque le Président en exercice aurait perdu toute sa légitimité électorale, qui reste toujours intacte selon les derniers sondages. Ce qui a poussé la centrale syndicale a réviser sa position et à revenir à des meilleurs sentiments.
D’ailleurs, cette dernière a même utilisé son artillerie lourde, la grève générale des fonctionnaires pour faire reculer KS, sans résultats. Cette action a été très impopulaire, tout en étant bien suivie par les adhérents. Et c’est ainsi que les syndicalistes ont épuisé leurs munitions, sans atteindre les résultats escomptés.
Si l’on comptabilise les groupes ou petits partis politiques qui soutiennent aveuglement KS sans même connaître le texte de la constitution et qui appellent déjà à voter oui, aussi étrangement que cela puisse paraître, l’on peut dire qu’ils ne pèsent pas lourds, politiquement et électoralement. Sauf que KS dispose d’une popularité que confirment les sondages et qu’une grande réserve d’électeurs est à sa disposition à condition qu’il arrive à les convaincre de se déplacer ce 25 juillet et voter massivement le oui. Ce qui est le grand défi de l’équipe qui entoure le chef de l’État.
La vraie victoire du camp présidentiel viendra du boycott, qui va affaiblir considérablement le non et permettra à la future constitution de passer haut la main avec un oui massif. Et les absents auront toujours tort, tandis que la politique de la chaise vide ne peut amener qu’à l’isolement qui va aller en grandissant après le scrutin.
L’échec annoncé des différentes oppositions qui appellent au boycott, est déjà inscrit dans la logique des faits. Car l’abstention même massive ne peut en aucun cas être imputée à ces oppositions aussi hétéroclites que diverses. Car ce n’est pas un suffrage électif, et l’abstention ne signifie en aucun cas un rejet de la politique menée par le chef de l’Etat.
Ce qui comptera politiquement, c’est la validation d’un texte, quelque soit son contenu, qui régira la vie politique, économique, sociale, et même culturelle des Tunisiens. Qu’on continuera par la suite à le critiquer ne changera rien sur le cours des événements qui vont suivre. Les cris des oppositions seront des cris dans le désert que personne n’écoutera.
Leur erreur, c’est d’avoir cru un instant, après le 25 juillet dernier qu’Ennahdha sera de retour aux affaires grâce aux pressions étrangères et notamment grâce aux pressions américaines. Or comme le dit si bien le proverbe arabe: Les vents peuvent souffler contrairement aux vœux des capitaines des navires! Et c’est le vent d’Ukraine qui souffle pour pousser le bateau Saied! Les Américains et les Européens ont plus que jamais besoin d’une Tunisie stable, dans un environnement régional et international plus instable que jamais. Tout au plus, ils tenteront et tentent déjà d’exercer des pressions, certes parfois gênantes sur le Président de la République, ce qui, souvent donne l’effet inverse.
La pression par les sous
Pendant des mois, Ennahdha et ses satellites ont claironné haut et fort que le FMI et la Banque Mondiale conditionnent l’octroi des prêts au gouvernement tunisien, au retour de ce qu’ils appelaient la légitimité c’est-à-dire, le retour au perchoir de Rached Ghannouchi.
Ils applaudissaient de toutes leurs mains cette mesure néocoloniale. Plusieurs déclarations et même des rapports des deux institutions citées, abondaient dans ce sens. Et même les ambassadeurs du G7 en poste en Tunisie, ainsi que les multiples menaces lancées par le secrétaire d’État américain lui même, sont venus conforter les nahdhaouis et leurs amis que KS n’a aucun choix que de se plier aux pressions, ou il sera écarté par la force!
Mais ceci avant que ne souffle le vent du nord venu de l’Ukraine, imposant de nouvelles politiques européennes et même américaines. Ce fût d’abord un haut représentant de la commission européenne, qui après avoir rencontré KS a déclaré que désormais l’Europe va injecter des sommes énormes dans le développement de la rive sud de la Méditerrané, dont la Tunisie et en annonçant un chiffre faramineux.
Ensuite, le FMI qui traîne les pieds pour ouvrir des négociations avec le gouvernement tunisien a tout d’un coup accéléré sa démarche. En annonçant pour bientôt le début des négociations sur un prêt de quatre milliards de dollars. Tout en mettant en sourdine sa « condition politique ». Et surtout l’accord de l’UGTT sur le plan de réformes. Ce qui signifie que l’ami américain a levé son veto. Ce que les opposants à KS n’ont pas encore compris et s’entêtent à attendre une intervention salutaire pour eux des puissances occidentales.
De son côté l’UE a oublié les menaces de couper les fonds proférées par son porte-parole et s’est mise à injecter continuellement des sous pour venir au secours du gouvernement tunisien. Bientôt des fonds émiratis et saoudiens qui étaient conditionnés par l’accord du FMI et de la BM, vont venir renflouer les caisses de l’Etat tunisien qui en a réellement besoin. Sachant qu’on avance inéluctablement vers un bouleversement de la situation et de la carte politique en Tunisie juste après le référendum.
Alors, une question nous a toujours tourmentés. Pourquoi les oppositions à KS ne prennent pas acte de cette nouvelle situation? Sont-t-elles à ce point incapables ou serait-ce uniquement la haine qui les guide?
De toute façon, souhaiter que tout un pays soit étranglé pour cause de calculs partisans, n’est pas seulement anti patriotique; mais surtout anti populaire. Rappelez vous Bouchleka qui témoignait que, sous Ben Ali il souhait toujours que l’équipe nationale du football soit toujours perdants et souffrait de voir le peuple heureux et en euphorie quand son équipe gagnait.
De même, ils n’ont pas caché leur joie de voir leur pays étranglé financièrement pourvu qu’ils retournent au pouvoir! Le patriotisme ce n’est pas vraiment leur point fort! Les vociférations du gendre de Ghannouchi sur les réseaux sociaux témoignent qu’ils ont renoué avec leur haine légendaire du pays. Chasser le naturel, il revient au galop. Et dire que certains continuent à les blanchir et à les présenter en authentiques patriotes, il est vrai pour quelque chose dans l’âme de Jacob comme le dit si bien le proverbe arabe! (li ghayia fi nafsi ya3koub)!
Alors que la majorité des Tunisiens se préparent à se livrer aux joies des baignades et à la saison des amours et des noces, au son du mezoued, sans parler des fiestas improvisées et des festivals culturels comme au bon vieux temps, seule une minorité rumine sa rage en voyant s’approcher la date fatidique du 25 juillet où tous les dés seront jetés et où la Tunisie entrera dans une nouvelle ère. Aussi bien pour les partisans de la nouvelle Constitution que pour ses adversaires. La Tunisie éternelle en a vu d’autres étés chauds, mais celui là a un goût particulier! La fin d’une époque dite révolutionnaire! Et tant mieux pour ce pays qui tente désespérément de rester souverain!