Christian de Boissieu est un familier du terrain tunisien. L’économiste de renom, professeur émérite à la Sorbonne et président du Conseil scientifique de l’Institut tunisien des administrateurs, était, comme à son habitude, au rendez-vous du colloque annuel de l’Institut. A l’ordre du jour, une conférence magistrale sur le thème : « L’administrateur indépendant dans les standards internationaux : Affichage et réalités ». Vaste sujet, d’une brûlante actualité.
L’ancien président du Conseil d’analyse économique en France et pilier du Cercle des économistes français s’est livré à un exercice de haute voltige, avec sa verve habituelle à défendre la présence des administrateurs indépendants dans les entreprises. Et pas seulement les grandes entreprises. Il n’a pas manqué, par ailleurs, d’évoquer nombre de questions relatives à la pratique de cette fonction. Professeur émérite de sciences économiques et conseiller auprès de nombreuses entreprises en Europe et en Afrique, Christian de Boissieu était l’un des principaux conférenciers.
Avec une intervention sur un sujet de grande actualité et d’un grand intérêt : les administrateurs indépendants. L’administrateur indépendant, un acteur présenté de plus en plus comme « garant d’une bonne gouvernance d’entreprise ».
Le sujet, l’universitaire français le connaît bien, ayant exercé lui-même – et il continue de le faire – la mission d’administrateur indépendant. Une mission dont il a essayé de tracer quelques contours, à commencer par l’essor, aujourd’hui, de l’administrateur indépendant.
« L’administrateur indépendant, un acteur présenté de plus en plus comme garant d’une bonne gouvernance d’entreprise »
Un essor qu’il dit « inéluctable, mais aussi souhaitable », soulignant le rôle que doivent et peuvent jouer la régulation et l’autorégulation dans le bon fonctionnement et le contrôle des entreprises.
Il a indiqué, à ce propos, deux données fondamentales. La première concerne le souci d’exiger des entreprises, les banques notamment, le respect des règles de bonne conduite. En somme, le « comply or explain » (appliquer ou expliquer). « C’est un principe clé d’origine anglo-saxonne en matière de gouvernement d’entreprise, selon lequel les sociétés volontairement soumises à un code de gouvernance, doivent en appliquer
les dispositions ». La seconde idée présentée par Christian de Boissieu consiste à désigner du doigt les entreprises qui rechignent à vouloir appliquer ce code de bonne conduite. Un « name and shame » qui conduit, quoi qu’on dise à l’heure des réseaux sociaux et de la toute transparence, à mettre une réelle pression sur les entreprises qui peuvent ne pas s’y soumettre.
Des définitions « négatives »
Autre remarque évoquée par l’universitaire français à l’endroit des administrateurs indépendants : l’absence d’une définition positive de cet acteur du monde de l’entreprise.
Et Christian de Boissieu de déclarer que les définitions répandues sont « négatives ». Elles disent, par exemple, ce qu’un administrateur ne doit pas être. Et lorsque les définitions sont positives, elles sont floues. Que veut dire, à ce titre, être compétent ?
Troisième remarque de l’orateur : les extensions du domaine d’intervention de l’administrateur indépendant rendues nécessaires. Celui-ci ne doit pas se limiter au domaine des grandes entreprises, dont celles financières, cela doit concerner aussi les PME, les entreprises de taille moyenne, les fonds d’investissement, les sociétés de gestion… «
Les PME, qui ont quelques réticences à ouvrir leur capital, ne peuvent être exclues de l’application du code de bonne conduite », fait-il remarquer. D’où le développement de « nouveaux » marchés pour les administrateurs indépendants.
Dans certaines entreprises, encore gérées selon un mode qui donne aux PDG beaucoup de pouvoir, l’administrateur indépendant, dit-il, peut constituer un « point d’équilibre ». Et dans le même ordre d’idées, il peut jouer un rôle au niveau de points sensibles, comme la rémunération des dirigeants. Un point qui focalise, à l’heure d’aujourd’hui, l’intérêt de l’opinion. C’est essentiel, quand on sait que les entreprises ne peuvent se désintéresser de leur image et de la confiance de l’opinion publique.
Un mandat ni trop court ni trop long
Evoquant les défis à relever, Christian de Boissieu a, tout d’abord, souligné le débat qui se fait jour concernant le nombre des administrateurs indépendants. Faut-il que leur nombre soit au moins de 50% ou le 1/3 des administrateurs ou encore être fixé plus ou moins d’une manière arbitraire ?
La question est en débat. Quelle formation doit avoir un administrateur indépendant, comment doit-il être recruté ?
Pour Christian de Boissieu, le marché se développe, mais sans que des réponses soient apportées à ces deux questions. Quelle est la durée d’un mandat d’administrateur indépendant ?
Les réponses ne sont pas là aussi d’une grande précision. Certains préconisent des mandats de six ans, d’autres deux mandats de cinq ans, d’autres encore de douze ans. L’important est, affirme- t-il, que cela ne soit ni trop court ni trop long, afin de rentabiliser au maximum le travail que peut accomplir l’administrateur indépendant. Quelle rémunération doit-on accorder à un administrateur indépendant ?
Là aussi, il n’y a pas de consensus ni encore de pratiques similaires. Il ne faut, préconise-t-il, ni surpayer ni sous payer un administrateur indépendant, qui se doit d’être bien impliqué dans sa tâche et d’accomplir un bon travail au service de l’entreprise.
Et l’universitaire de clore son intervention par une sorte d’appel en vue d’une pédagogie qui mette en évidence le rôle accompli par les administrateurs indépendants dans les PME, qui forment l’essentiel du tissu des entreprises un peu partout dans le monde, et de la chance que constituent ces acteurs de la gouvernance des entreprises.