Interroger la dichotomie homme-femme demeure un objet d’étude pour les sociologues, psychologues et féministes. Un sujet qui continue à faire couler beaucoup d’encre. Habituellement, la dichotomie homme-femme est abordée à partir de l’angle du désir ardent, la passion dévastatrice et/ou l’amour platonique. Mais voici que la comédienne et scénariste Wafa Taboubi interroge les dichotomies et non la dichotomie homme-femme dans sa pièce de théâtre intitulée « La dernière » (أخر مرة) en langue arabe. Cette pièce de théâtre a meublé la soirée du 19 juillet de la 56ème édition du Festival international de Hammamet.
Cette pièce de théâtre, qui triomphe pour toutes les femmes, jette un regard accusateur sur un système socio-économique qui broie la gente féminine, une mentalité rétrograde qui enchaine Eve de bout en bout. « La dernière » dissèque, les clichés misogynes, dévoile toute sorte de violence (économique / psychologique / sentimentale / physique) subit par les femmes. Une violence dont l’auteur n’est que l’homme/mâle et dont l’origine est un héritage culturel qui ne date pas d’hier. Cet héritage veut que l’homme soit le dominateur et que la femme soit la soumise.
Ainsi, « La dernière », qui a remporté le grand prix de la 22ème édition des Journée théâtrales de Carthage en décembre 2021, ne se contente pas de jeter un regard accusateur et enflammé sur cet héritage. Mais elle essaie de le démanteler et en dévoiler les mécanismes. C’est un cri de rage que pousse Wafa Taboubi. Un cri de rage qui s’entend pendant les 70 minutes de la pièce. A travers quatre tableaux différents qui semblent, à première vue, incohérents mais il n’en est rien. Wafa Taboubi a abandonné le schéma classique de la pièce de théâtre (exposition, apogée et dénouement).
Loin de cette démarche typique, la pièce présente quatre tableaux. Chaque tableau présente un couple (homme/femme). Bien qu’il n’existe pas de relations narratives entre les quatre tableaux; le fil conducteur pour le spectateur est bel et bien clair: la mise à nu des relations conflictuelles entre trois couples.
Le premier tableau met en scène le rapport entre une secrétaire et son supérieur hiérarchique. L’exploitation économique, le harcèlement dans les milieux professionnels, la situation précaire de la femme prise entre le marteau de ses engagements familiaux et l’enclume de l’impératif d’atteindre ses objectifs professionnels.
Si le premier tableau a décortiqué le processus de l’exploitation économique et la précarité de la femme, le deuxième tableau met le spectateur face à un autre couple. Il s’agit cette fois d’une femme avec fils âgé ou disons une mère contre son fils âgé. Une mère castratrice et couveuse qui tient à instrumentaliser toujours son fils devenu âgé et ‘mature’ ayant comme seule arme « les sacrifices qu’elle a faits et le refus de refaire sa vie après la fuite de son époux ». D’ailleurs, dans un monologue, elle relate ses désirs enfouis, sa frustration de femme à travers de longue année ».
Son fils, s’est livré à l’oisiveté et l’alcoolisme et il demeure dans l’incapacité de couper le cordon ombilical. Une chose est sûre: le conflit entre deux générations n’a pas pris fin. Il s’agit d’un conflit entre une génération qui veut encore imposer ses dictats et une autre qui veut se déchaîner et voler de ses propres ailes.
Quant au troisième tableau, il expose une relation conflictuelle entre un couple où la femme prend le dessus et assume la responsabilité. Devant les yeux et le comportement nonchalant de son homme suite à plusieurs évolutions, la fin étant tragique pour ce couple.
Wafa Taboubi a choisi un décor minimaliste et sobre pour sa pièce à savoir une table et deux chaises. Mais le jeu d’acteur de Oussama Kochkar et de Meriem Ben Hmida qui ont incarné les trois couples dans tous les tableaux a su animer la scène par le biais d’une belle scénographie et de mouvement rimant, dans chaque tableau, la violence ou l’émotion ou le conflit entre les personnages. Les deux comédiens ont maîtrisé à la perfection l’incarnation des trois couples. Une tâche qui n’est pas aisée étant donné que chaque couple a son profil psychologique, ses traits de caractères et son propre conflit.