Les nominations et les limogeages opérés depuis 2011 servent-ils l’Etat et ses missions en quelque chose? Voici quelques réflexions qui montrent que ce n’est pas le cas. Car, il ne faut pas sortir de la célèbre université américaine de Harvard, qui a formé le plus grand nombre de président des Etats-Unis d’Amérique, pour comprendre que former un haut fonctionnaire compétent et comptable des intérêts de tous n’est pas facile.
La rumeur (information) a fait, le 16 août 2022, le tour de Tunis : Sarra Rejeb, la secrétaire générale du gouvernement a (aurait) été limogée. Une donne qui au-delà de tout ne peut constituer une bonne nouvelle pour toute personne qui ne peut que deviner la fonction assumée par l’intéressée ainsi que le profil de cette haut fonctionnaire, ingénieure de surcroît d’une grande institution universitaire française, compétente et appliquée qui a géré de grandes entreprises. Et a de ce fait un bagage et une expérience lui permettant de gérer au mieux les affaires de l’Etat.
Mais, si la rumeur a réussi à faire son petit bonhomme de chemin, c’est parce que les Tunisiens ont pris le pli de ces limogeages à répétition et de ces révocations à n’en plus finir que nous vivons depuis 2011. Pas plus tard que le 11 août 2022, on nous annonçait la révocation d’un directeur général au Palais de la Kasbah. Et, le 8 août 2022, celle de trois directeurs de sociétés de transport.
Un nouveau personnel politique
Il va sans dire que des limogeages, il y en a eu de tout temps, comme il en aura dans le futur. Reste que trop c’est trop. Dans la mesure où ces limogeages quasi constants sont extrêmement mauvais et ceux qui les décident ne comprennent pas le tort qu’ils font à l’appareil de l’Etat. Car, il ne faut pas sortir de la célèbre université américaine de Harvard, qui a formé le plus grand nombre de président des Etats-Unis d’Amérique, pour comprendre que former un haut fonctionnaire compétent et comptable des intérêts de tous n’est pas facile.
On ne peut, à ce niveau, que constater des changements importants au stade des nominations et des limogeages depuis 2011. Date à laquelle un nouveau personnel politique s’est installé et avec lui de nouvelles règles de fonctionnement. Des règles qui ont opéré une réelle rupture avec le passé.
Deux grandes remarques peuvent être faites à ce sujet. La première et, sans doute, la plus importante réside dans le fait que les nominations décidées n’ont pas toujours réussi à placer les meilleurs là où il fallait.
Qu’il s’agisse des formations ou des expériences des responsables nommés, il y a eu souvent des travers. On a vu ainsi la nomination, et à des postes très élevés, des personnes qui n’ont jamais occupés un poste de responsabilité au sein de l’appareil de l’Etat. Ou même une personne dont le premier emploi était celui pour lequel elle a été choisie.
Du jamais vu! On dira que ce fut le cas par le passé. Certes, mais cela dépend beaucoup des profils. Il s’est agi d’universitaires ou de consultants ou encore d’avocats qui avaient assez de moyens pour gérer des institutions.
Le système les a exclus
Il faut dire que la logique révolutionnaire exigeait quelque part que l’on ferme la porte aux hommes du passé et que l’on choisisse des hommes nouveaux. Et de ce côté des choses, il faudra reconnaître que le mode opératoire mis en place depuis l’indépendance jusqu’à l’avènement de la révolution de 2011 ne favorisait pas le choix d’opposants pour s’occuper des affaires de l’Etat. Le système les a exclus.
D’où souvent l’incompétence et la méconnaissance constatées jusqu’à de hauts responsables qui n’ont eu pour quotidien que la prison et le harcèlement –pour ne pas dire- de la police politique de l’ancien régime.
Certains d’entre eux ont été, à ce titre, quelquefois la risée de leurs collaborateurs. D’où aussi de mauvaises décisions prises à l’endroit de certains dossiers. Car, il ne suffit d’être un honnête homme ou encore un défenseur des droits de l’Homme pour gérer les affaires publiques.
Et lorsqu’on ajoute à cela d’autres éléments, comme la méconnaissance du terrain. Ce n’est un secret pour personne que l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali tenait à jour une liste exhaustive des compétences dans le pays auxquelles il faisait appel pour les responsabilités. Une liste détaillée avec nom et prénom, qualifications, expériences, mœurs, appartenance politique, faits et gestes, etc. Il n’était pas un technicien de la sécurité pour rien! On pourrait aussi ajouter cette instabilité qui a marqué la décennie 2011-2021 avec onze gouvernements. Et avec ce que ces changements de gouvernements comportent et exigent dans l’esprit des gouvernants comme remplacements à pratiquement tous les niveaux décisionnels ou presque.
Mais, ce n’est pas tout. Car, avec ces pratiques qui répondent à des motifs de « clanisme » et de recherche de tributs, il est quasiment impossible de constituer une pépinière de cadres expérimentés comme cela était le cas avant 2011 sous des régimes où l’on se souciait beaucoup aussi de l’importance de la fidélité. Pouvait-on du reste ne pas être fidèle lorsqu’on était gouverné comme on l’était, forcé et contraint?
Bref, les hauts fonctionnaires et autres hommes d’Etat ne pouvaient grâce à ce moule qu’acquérir savoir et savoir-faire. Tout en ayant une large de connaissance de l’appareil de l’Etat, de son fonctionnement et des hommes. Et cela, évidemment, en raison de la durée. Sauf accident, il était rare qu’un ministre, par exemple, soit révoqué sans atterrir plus tard quelque part. Beaucoup restaient en réserve de la République, comme on dit, et il arrivait qu’ils soient repêchés plus tard.
Une pratique connue, et qui, quoi qu’on dise, favorisait la constitution d’une pépinière souvent aguerrie. Il arrivait, dans ce contexte, que l’on nomme même des responsables, et à dessein, dans des fonctions précises pour leur permettre d’acquérir un savoir-faire qui servira demain dans d’autres fonctions ou missions. Rien de tel évidemment aujourd’hui où les gouvernants n’ont pas, comme par le passé, une réelle longueur d’avance.
Observez ce qui se passe ailleurs à commencer par les régimes démocratiques. C’est le même mode opératoire: on prend les mêmes et on recommence.