La chambre d’accusation près le tribunal de la Cour d’appel de Jendouba a décidé, hier jeudi, de libérer la mairesse de Tabarka, Amel Aloui. Elle était en état d’arrestation depuis le 9 août 2022, pour des suspicions de corruption.
Selon l’acte de l’accusation, la mairesse de Tabarka aurait « attribué des licences dépassant le nombre autorisé dans l’espace maritime public ». Mais aux dires de son avocat, Abdennaceur Laouini, elle a été arrêtée sur la base d’accusations fabriquées par les « lobbyistes de la corruption dans la ville de Tabarka ». Quelle est la part de vérité dans cette étrange affaire?
Si le cas d’Amel Alaoui, la mairesse de Tabarka, a suscité une telle vague d’indignation, de solidarité et de soutien. Et ce, aussi bien de la part des habitants de la région qu’à l’échelle nationale et internationale. C’est que cette ténébreuse affaire pose une question demeurée à ce jour sans réponse. En effet, pourquoi l’élue, ancienne militante à l’UGET et mère de deux enfants en bas âge a-t-elle été incarcérée pour une sombre affaire et pour quelle raison elle a été relaxée? Alors qu’entre temps le premier juge d’instruction au bureau n°3 près du tribunal de première instance de Jendouba refusait mordicus le 10 août dernier la demande de libération.
Corruption? Règlement de compte ou vengeance des lobbies de la région qui n’avaient pas, parait-il, eu leur part du gâteau des parasols loués par la mairie?
Le juge d’instruction soupçonné de manque « d’impartialité »
Car, la chambre d’accusation près du tribunal de la Cour d’appel de Jendouba a décidé, hier jeudi, de libérer la maire de Tabarka, Amel Aloui, arrêtée depuis le 9 août 2022 pour des suspicions de corruption.
Pour sa part, le membre du comité de la défense de la mairesse, Maître Kais Mahsni a déclaré à la TAP que l’équipe de la défense examine la possibilité du renvoi du dossier devant une autre juridiction. Et ce, en raison du « manque d’impartialité » du juge d’instruction. Puisque ce dernier, selon l’avocat, « a émis un mandat de dépôt contre sa cliente avant d’avoir entendu les plaignants et les témoins dans cette affaire ».
Pourquoi tant de précipitation?
Notons que suite à une plainte pour corruption financière dans le cadre de l’exercice de ses fonctions à la tête de la municipalité de Tabarka, pour une affaire d’appel d’offres pour l’installation de parasols sur la plage de la ville, la mairesse, qui aurait « attribué de licences dépassant le nombre autorisé dans l’espace maritime public», selon l’acte de l’accusation, avait été présentée devant le juge d’instruction du tribunal de première instance en état d’arrestation. Puis elle était incarcérée le 9 août dernier à la prison civile du Sers, dans le gouvernorat du Kef.
Amel Aloui : « Complot et règlement de comptes »
De sa cellule, Amel Aloui avait publié dans la matinée de son incarcération un post sur les réseaux sociaux. Elle affirme être « la cible d’un complot et de règlement des comptes ».
« Aujourd’hui, c’est mon procès et comme toute personne qui combat la corruption et qui est irréprochable, on fomente des affaires contre elle », poursuit-elle.
« Les corrompus se baladent dans le pays sans être inquiétés. Mais quand on est maire, qu’on fait l’effort de trouver des solutions pour les habitants, on nous accuse d’avoir donné des parasols aux citoyens les plus pauvres ». Ainsi, écrivait-elle dans son post.
Et de conclure amère: « Je suis consciente que le but de ces accusations est de nous effrayer et de nous pousser à démissionner. La dernière campagne contre les contrebandiers a commencé à porter ses fruits. Et par conséquent, nous devons être écartés. Je ne regrette rien et je n’ai pas honte au contraire. Cela prouve que le chemin emprunté est le bon ».
Mais qui est au juste cette mairesse de Tabarka, élue en mai 2022? Elle qui se dit chantre du combat contre la corruption et qui serait la cible des « contrebandiers »?
Héroïne des temps modernes
Activiste au sein de l’UGET avant la révolution quand elle était étudiante à l’Institut de presse et des sciences de l’information; l’Histoire retiendra quelle était là en mars 2012 avec Khaoula Rachidi pour empêcher un jeune salafiste qui tenta de remplacer le drapeau national tunisien par un autre drapeau noir sur le toit de la faculté de La Manouba. Les deux héroïnes ont été par la suite accueillies au palais de Carthage et également honorées par la présidence de la République.
Disons pour finir que loin de nous l’idée d’interférer dans une affaire de justice en cours. Ce n’est ni notre vocation, ni notre métier de journaliste. Mais, il est légitime de s’interroger. Dans cette affaire de soupçons de corruption relatifs à la distribution de parasols sur le domaine maritime d’une superficie de 400 m2, y a-t-il eu enrichissement personnel de la part de la mairesse? Et pourquoi cet empressement du juge d’instruction du tribunal de première instance à l’incarcérer sur le champ. Et ce, pour une affaire somme toute mineure. Puisqu’elle aurait « attribué des licences dépassant le nombre autorisé dans l’espace maritime public », au profit des pauvres, selon ses dires?
D’ailleurs, les motifs de son arrestation « ne sont pas convaincants », selon La Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH). Et c’est peu dire.