L’Etat a sans doute bien fait d’agir comme il l’a fait sur le prix de deux produits essentiels dans le couffin de la ménagère. Mais, ne peut-il pas faire plus en régulant au mieux et dans la durée le marché ? Car, la recette est connue.
L’Etat avait-il à fixer, comme il l’a fait le vendredi 2 septembre 2022, le prix et de la pomme de terre et des oignons ? La question peut paraître évidemment frustrante pour nombre de Tunisiens qui souffrent à n’en plus finir de la cherté de la vie. Et avec elle de pratiques souvent frauduleuses concernant l’écoulement de certains produits, dont les produits agricoles.
Certes, mais les choses auraient pu être toutes autres si le marché fonctionnait correctement. Il est vrai, à ce propos, que rien n’interdit à l’Etat, y compris dans les économies libérales, de réguler le marché et d’agir sur les prix. Tout récemment nous avons vu en France, un pays libéral, le ministre de l’économie, Bruno Lemaire, demander au secteur de la distribution de rogner ses marges. Une mesure pour lutter contre l’inflation (environ 9%).
Il n’y a pas que la spéculation
Reste que les choses peuvent ne pas en arriver là si, comme précisé plus haut, le marché fonctionnait, et dans la durée, autrement. Car, en Tunisie si les prix sont au niveau où ils sont ce n’est pas seulement dû au fait que le pays vit, avec la crise post-Covid et la guerre d’Ukraine, une inflation démesurée ou encore que la spéculation est bien installée. Mais ce sont bien d’autres facteurs qui sont en cause.
Deux d’entre eux sont, à ce niveau, essentiels. D’abord, un manque évident au stade de l’offre. En clair, dans une bonne partie du tissu économique, on ne produit pas assez. Il y a, et comparé au passé, comme le dit notre directeur Hédi Mechri, un décrochage. Du coup les prix flambent chaque fois qu’il n’y a pas d’équilibre entre une offre et une demande. Et l’Etat en est responsable, du moins en grande partie.
Des prêts bonifiés
N’est-il pas celui qui conçoit et régule la politique économique? Il a de ce fait les moyens d’agir. Interviewé dans le dernier numéro de l’Economiste Maghrébin (le n° 851, 31 août-14 septembre 2022), le patron de la Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie (CONECT), Tarek Chérif, nous disait, à titre d’exemple, qu’il n’était pas possible pour un agriculteur de produire avec des taux d’intérêt bancaire de 11 ou de 12%.
L’Etat, qui fixe la politique économique, peut décider des prêts bonifiés en faveur des agriculteurs. Comme il peut décider d’autres avantages. Donc, les inciter à produire plus. Il est bien plus facile, à ce propos, de parler du grenier à blé de Rome, que de mettre en place les fondements d’une bonne politique agricole.
Deuxième facteur : les dysfonctionnements au niveau des circuits de distribution. Cela fait des années que de nombreux opérateurs en parlent. Mais, beaucoup n’a pas été encore fait afin que ces circuits soient fluides et transparents. Comme en répondant aux normes interminables de qualité. Ou quand il s’agit d’être, dans ce cas d’espèce, innovant, par exemple, en encouragent la vente en ligne, utilisée sous d’autres cieux dans le secteur des fruits et légumes frais.
Développement d’une industrie agro-alimentaire
Toujours à ce stade, les acteurs économiques peuvent être soutenus par les autorités publiques pour créer des structures comme les coopératives de service pour mieux assurer l’écoulement des produits agricoles. Ou encore encourager le développement d’une industrie agro-alimentaire, nous dit Tarek Chérif, corolaire indispensable de toute activité agricole. Et qui se doit de construire les routes dans les zones agricoles pour un meilleur écoulement des fruits et légumes? La réponse est connue et coule de source: l’Etat.
Certains peuvent se demander cependant comment l’Etat peut agir alors que les finances publiques sont dans la situation que tout le monde connaît? Et la réponse coule également de source. Un élément, entre autres, peut faire comprendre qu’il peut mettre en place des réformes qui paraissent coûteuses: est-on en train de tout faire, comme il se doit, pour avoir le plein des recettes fiscales? La question mérite d’être posée quand on sait qu’entre 30 et 50% du tissu économique est dans l’informel. Car, on l’oublie souvent qu’une réforme se doit d’être globale. Sans oublier évidemment les moyens que peut offrir la coopération internationale.