Autant de questions sur les retombées de la TICAD 8. Quel serait donc l’impact? Avons-nous réussi à attirer des investissements en Tunisie?
Elyes Kasri, ancien ambassadeur et analyste politique dresse un bilan de la situation économique et diplomatique. Et ce, après le succès très mitigé qu’a été la TICAD 8 pour la Tunisie. Elyes Kasri estime la nécessité de se poser la question diplomatique. Notamment depuis une série d’initiatives internationales entreprises par la Tunisie depuis le 30ème sommet arabe (Tunis, le31 mars 2019). Il rappelle également que le Sommet de 2019 nous a laissé une présidence lourde qui nous colle jusqu’à ce jour à la peau. Faute de la tenue du prochain sommet arabe à Alger qui semble faire l’objet de divergences sérieuses au sein des pays arabes, notamment au sujet de son ordre du jour.
Accepter d’abriter un sommet arabe !
Il précise à cet effet: « Accepter d’abriter un sommet arabe alors que les pays arabes étaient plus divisés que jamais et à la veille d’une passation présidentielle n’était pas au sommet de la perspicacité. »
Il a également rappelé en ce sens la candidature et l’élection de la Tunisie à un mandat de deux ans comme membre non permanent du conseil de sécurité de l’ONU (2020-2021). « Ce qui a mis a nu les limites de la direction de diplomatie tunisienne. Et ce, avec le limogeage mouvementé de deux représentants permanents tunisiens auprès de l’ONU au cours de la même année (les ambassadeurs Moncef Baati et Kais Kabteni dont la compétence est reconnue par leurs collègues et les cercles diplomatiques). »
En clair, après la TICAD8, il est temps de s retrousser les manches pour faire réussir le Sommet de la Francophonie dont la Tunisie est membre fondateur. Et sans oublier le 20ème anniversaire de “la Déclaration de Bamako sur les pratiques de la démocratie, des droits et des libertés” (3 novembre 2000) qui avait déjà fait à l’époque l’objet d’une controverse avec le régime de Ben Ali et des réserves inscrites officiellement lors de la réunion ministérielle consécutive de l’OIF à Paris.
Le Sommet de la Francophonie à Djerba
A cet effet, l’analyste politique souligne qu’il est à craindre que la tenue (très hypothétique) du Sommet de la Francophonie au mois de novembre prochain à Djerba n’ait un impact similaire à celui du sommet mondial de la société de l’information (SMSI: novembre 2005) qui a réuni toute l’opposition contre Ben Ali et a sonné le début de la fin de son régime. Selon lui, la différence, c’est que la situation économique et sociale actuelle de la Tunisie et la conjoncture internationale défavorable risquent de précipiter les événements.
L’illusion du succès éclatant de la TICAD 8
Avant de poursuivre: « Par ailleurs, à ceux qui s’attachent encore à l’illusion du succès éclatant de la TICAD 8 de hausser le débat au niveau de l’objectivité requise, il faut se poser les questions suivantes qui sont les paramètres objectifs d’évaluation de toute manifestation internationale. A savoir, le niveau de la participation étrangère qualitativement et quantitativement.
Elyes Kasri: procéder par une comparaison avec les sept précédentes éditions de la TICAD
Et ce sont des raisons pour lesquelles, il y a urgence à procéder à une comparaison avec les sept précédentes éditions de la TICAD qui montrent incontestablement une grande différence soulignée surtout par l’absence des chefs d’Etat d’Afrique du Nord et des grands pays africains. En plus de l’accès de Covid-19 du premier ministre du Japon, pays organisateur.
Selon Elyes Kasri, il faut se rendre à l’évidence qu’à part le faux pas avec la délégation sahraouie et l’escalade qui s’ensuivit avec le Maroc, la TICAD 8 a presqu’été considérée comme un non événement par la presse économique internationale.
Quelles sont les retombées sur la Tunisie?
D’où l’interrogation vitale, quelles sont les retombées sur la Tunisie? « Les résultats semblent être très en deçà des espérances ou plutôt des illusions, selon certains observateurs », rétorque-t-il. Et ce, malgré la centaine de projets soumis et les milliards de dollars et la création des dizaines de milliers d’emplois en Tunisie.
De ce fait, les débats concernant l’investissement en Tunisie mettent l’accent sur les améliorations à apporter à l’environnement des affaires. Comme si la Tunisie venait de se mettre à attirer les IDE alors qu’elle le fait depuis un demi-siècle (1972).
Envisager une refonte profonde de la conduite de la diplomatie tunisienne
Il est vrai que la révolution de la liberté et de la dignité est passée par là avec sa horde de chacals et de vautours.
Il poursuit: « Face à cette situation alarmante, le président Kaïs Saïed gagnerait à envisager une refonte profonde de la conduite de la diplomatie tunisienne ayant dérapé à maintes reprises. Et ce, depuis 2011. Surtout sous la Troïka de triste mémoire et ses reliques qui ont fait preuve d’une capacité inouïe d’endurance et de survie. Il pourrait à cet effet envisager d’écouter l’analyse et les conseils de M. Habib Ben Yahia, ancien ambassadeur à Tokyo et Washington, ministre des Affaires étrangères et de la Défense nationale et secrétaire général de l’Union du Maghreb Arabe. »
Elyes Kasri: « Préserver les intérêts nationaux de la Tunisie »
Il pourrait même le dépêcher en qualité d’émissaire spécial auprès du Roi du Maroc et éventuellement pour une mission de contact et d’explication à Washington auprès du Congrès et des think tanks qu’il connaît très bien.
Et de conclure: « L’heure est grave. Elle est à l’audace et à l’initiative (bien conseillées et étudiées par de véritables patriotes qui ont fait leurs preuves). Afin de préserver les intérêts nationaux et éviter toute dégradation supplémentaire que la situation déjà critique de la Tunisie ne saurait tolérer. »