Je me rends cette semaine en Afrique, un continent dynamique qui prépare son avenir en promouvant la transformation numérique, en rendant son agriculture plus efficace et plus durable, en construisant de nouvelles infrastructures pour renforcer les liens entre les peuples, en façonnant la sécurité collective du continent et en investissant dans la plus grande ressource de l’Afrique : sa jeunesse.
Par : Josep Borrell, Haut représentant de l’Union européenne (UE) pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
Dans tous ces domaines, nous proposons que l’Europe devienne le partenaire de choix de l’Afrique. Les investissements européens en Afrique sont plus de cinq fois supérieurs à ceux de la Chine. Un quart du commerce africain se fait avec l’UE contre 15% seulement avec la Chine et 2% avec la Russie. Et 90% des exportations africaines entrent dans l’UE en franchise de droits.
L’UE travaille avec ses partenaires africains à la construction des premières usines de vaccins du continent et nous avons approuvé, lors du sommet UA-UE, un programme d’investissement de 150 milliards d’euros dans le cadre de la « Global Gateway« . Avec la Facilité européenne de soutien à la paix et nos missions de formation, nous contribuons à renforcer la paix et la sécurité.
Cependant, l’avenir du monde est assombri par les conséquences dévastatrices de la guerre de la Russie contre l’Ukraine sur la sécurité alimentaire, les prix de l’énergie et les questions de sécurité. Cette guerre touche tous les continents, mais l’Afrique est l’une de ses principales victimes collatérales. Nous savons que certains pays du continent envisagent cette guerre sous un angle différent du nôtre, mais nous pouvons, je pense, nous accorder sur quatre points fondamentaux.
Premièrement : L’Europe, l’Afrique – et le monde entier – ne peuvent accepter un monde où « la force fait le droit », où les grandes puissances peuvent revendiquer des « sphères d’influence » et attaquer leurs voisins pour annexer leur territoire. L’agression russe contre l’Ukraine est un parfait exemple du type d’impérialisme cruel que l’Afrique a connu au 19ème et au 20ème siècle. C’est précisément parce que les Européens sont conscients de leurs responsabilités à cette époque que l’UE entend s’opposer à ce renouveau de l’impérialisme. Nous devons revigorer le multilatéralisme pour défendre l’État de droit, comme nous l’avons décidé lors du récent sommet UE-Afrique. C’est notamment pour cela que l’UE soutient l’appel du président Sall en faveur d’un siège au G20 pour l’Union africaine.
Deuxièmement : nous devons réagir sans délai face à la crise alimentaire. Avec plus de 70 partenaires, dont beaucoup en Afrique, l’UE agit selon quatre axes : solidarité avec ceux qui n’ont pas les moyens de se nourrir; soutien à la production alimentaire; facilitation du commerce agricole, notamment par l’acheminement de céréales ukrainiennes vers l’Afrique; alignement de notre réponse avec celle du système multilatéral, avec les Nations unies au cœur du dispositif.
Pendant ce temps, d’autres tentent de détourner de leur responsabilité en rejetant la faute sur les sanctions. Pourtant, les faits sont clairs. Les sanctions de l’UE n’interdisent pas aux pays africains d’importer des produits agricoles russes, ni de les payer. C’est la guerre russe qui pose problème. Si toutefois nos partenaires africains étaient confrontés à des problèmes concrets qui semblent être liés à nos sanctions, nous examinerons cette question ensemble.
Troisièmement : nous devons intensifier notre travail commun pour préserver la sécurité et la sûreté de l’Afrique. Dans ce domaine, avec 11 missions, l’UE est le partenaire le plus fiable du continent. En avril dernier, nous avons donné à l’Union africaine 600 millions d’euros supplémentaires pour la prévention des conflits, la gestion des crises et la lutte contre le terrorisme. Cette semaine, je me rends au Mozambique et en Somalie.
Au Mozambique, l’UE soutient les forces armées pour rétablir la sécurité dans la province de Cabo Delgado, et notre aide s’élève désormais à 89 millions d’euros. Nous sommes également en train de finaliser le soutien aux contingents de la Southern African Development Community (SADC) et du Rwanda. De même, la Somalie peut compter sur nos missions de lutte contre la piraterie et de formation des forces armées somaliennes. Avec 2,3 milliards d’euros, l’UE est également depuis plus de 10 ans un soutien fiable de la mission de l’UA en Somalie.
Avec 78 personnes, la Russie contribue très peu aux opérations de paix des Nations unies en Afrique, par rapport aux 6 000 soldats des pays de l’UE. Au contraire, la Russie contribue à la détérioration de la sécurité en Afrique avec plusieurs centaines de mercenaires des sociétés privées comme Wagner ou Patriot. Cette présence ne fait qu’aggraver les crises et multiplier les violations des droits de l’homme, comme on le voit au Mali et en République centrafricaine.
Quatrièmement : l’Afrique et l’Europe doivent préparer l’avenir au lieu de se tourner vers le passé. Certains tentent de ressusciter de vieux schémas pour nous diviser, mais c’est ignorer le long chemin parcouru ensemble. Le colonialisme est une tache indélébile pour l’Europe, mais le fait d’assumer notre responsabilité pour le passé a fait de nous un meilleur partenaire pour l’avenir. L’Europe regarde désormais l’Afrique avec optimisme et confiance et donne toujours la priorité dans notre partenariat aux « solutions africaines aux problèmes africains ».
Cependant, d’autres semblent tentés de répéter les erreurs commises jadis par les Européens, en cherchant à s’approprier les matières premières africaines, à contrôler les terres, à placer les pays africains dans une dépendance financière ou à exploiter le dynamisme de sa jeunesse à leur avantage.
Nous travaillons à renforcer notre autonomie stratégique et nous soutenons la volonté de l’Afrique de faire de même. Nous devons travailler avec de multiples partenaires, sur la base du respect mutuel et du droit international. Telle est la règle du jeu au 21e siècle. C’est dans ce cadre, que l’Afrique et l’Europe doivent approfondir leur coopération, car nous partageons un avenir commun.