« Grandir en janvier », un nouveau roman de Amine Snoussi co-écrit avec Eloise Ledoux, qui l’a également illustré. Ce roman se compose de lettres fictives, où il nous conduit à l’époque où tout se faisait par écrit et où le digital n’était encore que très peu popularisé. Rencontre avec les deux auteurs Amine Snoussi et Eloise Ledoux. Interview:
– Avec ce nouvel essai, cet amour pour le dialogue, on note bien des inscriptions qui vous ont marqué. Quel constat faîtes-vous donc après ce troisième essai ?
Amine: Je voulais principalement changer de format. L’épistolaire crée un effet oral, ce qui rend l’ouvrage facile à lire. J’ai toujours eu un souci avec l’accessibilité. L’un des grands maux de la Tunisie post-révolution, c’est que les élites n’ont jamais cherché à démocratiser l’accès à la culture et à la politique. J’ai toujours essayé de le faire, dans les limites du possible quand l’on écrit en langue française. Et je pense que cet ouvrage, de par sa facilité et ses personnages identifiables et inspirés du réel, peut attirer de nouveaux lecteurs de la fiction vers la politique.
– Le livre s’intitule « Grandir en janvier ». En l’écrivant, cela vous a-t-il aidé à mûrir?
Eloise: Me concernant j’ai pu apprendre beaucoup de choses en écrivant dans ce livre; et notamment sur la politique en Tunisie. En lisant au fur et à mesure les parties d’Amine, j’ai pu en comprendre davantage sur comment fonctionne le pays et ce qu’il traverse ou ce qu’il a traversé politiquement parlant.
Avoir coécrit ce livre est une grande fierté pour moi. Et je pense que c’est lorsqu’on se donne les moyens de réaliser ses projets qu’on grandit.
Amine: Je crois également qu’on grandit en simplifiant et en rendant ce que l’on crée utile à toutes et tous. On en tire une grande satisfaction.
Si on résume, dix ans plus tard, quel constat faites-vous?
Amine: Déçu. La facilité par laquelle on a perdu la démocratie parlementaire montre le peu qu’on a construit: on l’a troqué contre des promesses. Je ne connais pas de régime autoritaire qui ait fonctionné sur le long-terme. Je ne connais qu’un système, avec tous ses défauts, qui développe et qui nous rapproche de l’égalité: la démocratie. Et, on s’en éloigne dangereusement.
La répression des opposants du président se durcit face à un silence médiatique, serait-ce un clin d’œil de l’avant 14 janvier?
Amine: Dans ce livre, j’essaye de coller des éléments de la période dictatoriale de Ben Ali sur la situation actuelle avec Kaïs Saïed, qui tend vers l’autoritaire. La caricature est clairement assumée, car je pense que c’est un bon moyen de prendre conscience de la gravité de ce qui nous entoure et la fragilité de nos acquis. A savoir: la liberté d’opinion, et donc de s’opposer, mais aussi celle de s’informer et donc de nous garantir une presse libre et indépendante; sans le glaive de la répression ou des subventions qui peut lui tomber dessus à tout moment.
Quel est l’après « grandir en janvier » ?
Eloise: Nous espérons avec Amine continuer de pouvoir écrire des romans.
Nous avons déjà une idée de suite de « Grandir en Janvier » ou/et même d’une toute nouvelle fiction.
Amine: Je pense que je veux continuer d’écrire à plusieurs mains et explorer de nouveaux styles. Peut-être le fantastique ou la poésie. Et pourquoi pas une suite pour l’un des personnages de « Grandir en Janvier »? Je travaille également sur une longue enquête sur les écoles de journalismes en France, mais c’est un projet plutôt long-terme.
Le mot de la fin?
Amine: Merci. Je n’aurais jamais cru qu’un jour j’écrirais un livre, encore moins trois. Donc, je pense toujours qu’il faut que je dise merci à tous ceux qui m’entourent pour m’avoir aidé à parcourir ce bout de chemin.
Eloise: Écrire ce livre était pour moi un petit bout de rêve qui s’est réalisé. J’espère maintenant qu’il plaira à nos lecteurs.