C’est une caricature qui fait le tour des réseaux sociaux. La scène se passe en France. Un homme qui regarde par la fenêtre parle à une femme qui se tient à côté du chauffage. « Tu peux remettre sur 21°, la police est partie. »
En Suisse, ce n’est pas une caricature sur le chauffage, mais un panneau d’affichage qui fait le tour des réseaux sociaux représentant une jeune femme au téléphone. La légende se lit comme suit: « Le voisin chauffe-t-il l’appartement à plus de 19 degrés? Veuillez nous en informer. »
Le gouvernement suisse nie la réalité de l’affiche, la qualifiant de fausse. Mais la presse maintient que les sanctions auxquelles les citoyens suisses seront confrontés s’ils mettent le chauffage de leur maison au-delà de 19 degrés sont bien réelles. En effet, selon le journal suisse Blick, le citoyen qui viole la limite de chauffage à 19 degrés pourrait encourir… jusqu’à trois ans de prison!
Qu’en est-il dans la triste réalité d’aujourd’hui? Dans les principales villes européennes les manifestations du week-end s’intensifient semaine après semaine. Des centaines de milliers de citoyens ont déjà défilé à Prague, Vienne, Berlin, Paris, Madrid et Rome. Les revendications sont pratiquement les mêmes dans toutes les manifestations. A savoir: annulation des sanctions imposées à la Russie; remise en service de Nord Stream I; et ouverture de Nord Stream II. Mais aussi appels insistants à la classe politique européenne de s’occuper des problèmes de leurs citoyens, plutôt que de ceux de l’Ukraine etc.
Il y a là un avant-goût de ce que serait l’Europe dans les semaines qui viennent quand les citoyens seront confrontés à la fois aux morsures du froid hivernal et aux difficultés de chauffage des foyers.
Les sanctions occidentales contre la Russie et leur effet boomerang resteront dans l’histoire comme une bourde géostratégique monumentale commise par les décideurs américains qui ont réussi à entrainer derrière eux une classe politique européenne leur obéissant au doigt et à l’œil.
Beaucoup de chercheurs, de commentateurs et d’observateurs se penchent sur les raisons qui ont amené les dirigeants européens non seulement à s’aligner obséquieusement derrière Washington; mais à continuer dans cette attitude. Et ce, malgré les immenses dommages infligés à leurs populations et à leurs économies par les sanctions contre la Russie.
Car Washington leur a promis que ces sanctions allaient appauvrir la Russie, provoquer de violentes manifestations de Moscou à Vladivostok et aboutir au renversement de Poutine. Et, avec un peu de chance, son remplacement par un clone de Boris Eltsine.
Le résultat est exactement le contraire de ce qu’escomptaient les stratèges américains et leurs « alliés » européens. La Russie est le pays où l’on n’enregistre aucune pénurie; où le taux d’inflation est insignifiant par rapport à celle à deux chiffres qui mine les économies occidentales. Où le rouble est l’une des monnaies les plus fortes; où, dans le premier semestre de cette année, Gazprom a vu ses bénéfices augmenter de 100%. En un mot, la Russie s’enrichit tandis que les Européens font face à un hiver glacial et à un effondrement économique.
C’est que depuis des décennies, l’Occident, les Etats-Unis en tête, a utilisé les sanctions comme un moyen de forcer les autres pays à faire ce qui leur est dicté. L’indifférence à l’égard des conséquences sur les populations a toujours été le dernier des soucis des dirigeants européens et américains.
L’on se rappelle la réponse de l’ancienne secrétaire d’Etat, Madeleine Albright, quand une journaliste lui demandait si les sanctions contre l’Irak valaient la peine qu’un demi-million d’enfants irakiens soient sacrifiés? « Oui » a-t-elle répondu, « cela valait la peine ».
Aujourd’hui, et alors que les dommages sont du côté occidental avec des effets sur pratiquement toute la planète, les dirigeants euro-américains agissent avec le même état d’esprit que Madeleine Albright. Leurs comportements et leurs attitudes, jusqu’à ce jour, semblent nous dire: « Oui, les sanctions contre la Russie valent la peine. »
Sauf que dans le cas de Madeleine Albright, la mort d’un demi-million d’enfants irakiens ne l’a pas empêchée de dormir. Alors que les décideurs à Washington et Bruxelles ne savent plus sur quel pied danser.
Le grand problème est que ni à Washington ni à Bruxelles, ces dirigeants ne semblent prêts à regarder la réalité en face et à changer leur fusil d’épaule. Pourtant, comme l’a expliqué l’ancien parlementaire américain Ron Paul, le monde aurait pu éviter les malheurs qu’il est en train de vivre. Et ce, si les Occidentaux s’étaient abstenus de s’ingérer dans les affaires des autres, de s’ingénier à déclencher des « révolutions de couleur » et d’imposer des sanctions aux pays qui veulent suivre leur propre politique et non celles dictées par Washington et Bruxelles. C’est aussi simple que cela.