« La Tunisie débloque environ 100 millions de dollars chaque semaine pour répondre à ses besoins en hydrocarbures ». C’est ce que déclare l’économiste tunisien Radhi Meddeb.
Radhi Meddeb s’exprimait lors de son intervention sur les ondes de Shems FM, aujourd’hui vendredi 14 octobre. Dans le même contexte, il affirme que la Tunisie a commencé à puiser dans son stock stratégique d’hydrocarbures qui « se rétrécit considérablement pour atteindre le zéro ».
Revenant sur les possibilités de salut, il affirme que la priorité est à la conclusion d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI). Il rappelle que l’appui des autres bailleurs de fonds et institutions financières internationales à la Tunisie dépend largement de la conclusion d’un accord avec le FMI.
Le retard pour parvenir à cet accord a rendu difficile la mobilisation des ressources financières étrangères. Il rappelle aussi que, conformément à la loi de finances 2022, les ressources financières étrangères que l’Etat doit mobiliser sont estimées à 5 milliards de dollars. Ce qui n’a pas été fait pour le moment, à l’exception d’un montant dérisoire. Dans ce cas de figure, l’Etat se trouve dans l’obligation, à titre d’exemple, de reporter le paiement des dus des entreprises publiques.
Vision archaïque !
L’économiste a souligné que la conclusion d’un accord avec le FMI pourrait être aussi confrontée à son rejet par la société.
Revenant sur les raisons de la crise, il pointe du doigt la dégradation de la situation des finances publiques et celle des entreprises publiques chargées des importations des produits monopolisés par l’Etat. Cela revient à une vision archaïque du rôle de l’Etat, à savoir « l’Etat providence ».
Il cite, également, un autre facteur à l’échelle internationale, à l’instar de la hausse vertigineuse des prix des hydrocarbures. Radhi Meddeb affirme que cette crise a bel et bien commencé une année avant la guerre russo-ukrainienne. Pour lui, cette guerre n’a fait qu’aggraver la situation en Tunisie.
« Quand le ministère des Finances a élaboré la loi de finances 2022, la ministre a déclaré que cette loi a été préparée sur la base de la conclusion d’un accord avec le FMI durant les trois premiers mois de 2022 alors que 2022 arrive à son terme et nous n’avons pas encore conclu un accord avec le FMI », étaye-t-il.
Répondant à une question qui porte sur les entreprises citoyennes en Tunisie, l’économiste affirme qu’il ne connaît pas d’expérience similaire dans le monde. «J’ai lu attentivement le décret-loi relatif aux entreprises citoyenne et j’ai trouvé un certain nombre de choses inadmissibles», lance-t-il. L’élaboration du décret-loi en question s’est inspirée de la loi relative à l’économie sociale et solidaire. «De ce fait, les entreprises citoyennes auraient pu faire partie de l’économie sociale et solidaire qui est une économie reconnue dans le monde entier», ajoute-t-il.
L’intervenant rappelle que l’économie sociale et solidaire est le troisième secteur après les secteurs public et privé. «On la trouve même dans les pays libéraux», a-t-il tenu à préciser. Pour étayer son idée, Radhi Meddeb rappelle que l’économie sociale et solidaire représente 10% du PIB en France. Dans les pays scandinaves, elle a créé 24% des emplois existant sur le marché. Cependant, il rappelle que l’ESS ne représente en aucun cas un substitut aux secteurs public et privé.
Pour la satisfaction des besoins sociaux
«L’ESS consiste au fait qu’une communauté se mette d’accord à subvenir à ses besoins sociaux. A titre d’exemple, dans les années ’60, chaque municipalité avait un jardin d’enfants sous sa tutelle financé par les habitants, ce qui n’est plus le cas maintenant, vu que le secteur privé a pris la relève. Actuellement, dans les zones défavorisées, les habitants peuvent, dans le cadre de l’économie sociale et solidaire, financer leur propre jardin d’enfants et recruter son personnel. Ainsi, il s’agit d’un projet à vocation sociale qui n’est pas lucratif», étaye-t-il encore. L’économiste affirme que l’ESS vient répondre aux besoins auxquels ni la loi du marché ni l’Etat n’ont de réponse. Et de souligner que l’économie sociale et solidaire n’a rien à voir avec les associations, car on parle de budget et d’actions. Il reproche au décret-loi le fait qu’aucun actionnaire n’a le droit d’avoir plus d’une action, ce qui pourrait provoquer le désintérêt des actionnaires et la chute de l’entreprise. Par ailleurs, il a cité un certain nombre de paradoxes dans ce décret-loi.