Un débat sur « Le droit d’accès à l’information pour une meilleure e-Gouvernance et un climat d’investissement transparent et durable » vient d’être organisé par l’Instance nationale d’accès à l’information (INAI), l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et la Banque mondiale (BM). Les trois partenaires ont ainsi commémoré à Tunis, le 4 octobre, la Journée internationale de l’accès universel à l’information où ils ont appelé à l’urgence de lancer un débat et de sensibiliser les citoyens au droit d’accès à l’information.
Résumons le dilemme… Quand il s’agit de garantir aux citoyens l’accès à l’information, l’intelligence artificielle (IA) et le e-Gov peuvent jouer un rôle capital, à condition d’en saisir les opportunités et le potentiel.
C’est à partir de cette base que l’on peut alors mobiliser des partenariats et favoriser la coopération internationale afin d’atteindre le seizième Objectif du développement durable (ODD 16) de l’Agenda 2030 de l’UNESCO sur les « garanties constitutionnelles, statutaires et politiques pour l’accès à l’information ».
De fil en aiguille, ce droit d’accès à l’information dynamise la transformation numérique des services publics et pave ainsi la voie au développement économique et social et à la création d’un climat propice aux investissements.
Ceci dans un monde parfait ! Car, dans la Tunisie d’aujourd’hui, des incohérences persistantes nous avertissent que l’accès à l’information ne se décrète pas et que des efforts concertés, des garanties constitutionnelles et politiques et des moyens matériels et humains doivent être déployés.
Un état des lieux
Devant un tel dilemme et la foule de détails qu’il implique, l’INAI, l’UNESCO et la BM ont organisé ce colloque pour tirer les choses au clair. Hédi Mechri, journaliste, DG de l’Economiste Maghrébin, et modérateur de l’événement, estime que la communication autour du droit d’accès à l’information tourne autour de la redevabilité et de la transparence : « Le sujet n’en est qu’à ses prémices, mais mieux vaut tard que jamais ! Nous parlons depuis le Sommet de l’information (SMSI) en 2005 de la résorption de notre retard en matière de faille numérique ! Il faut élucider les points de friction car, avant de foncer dans l’Intelligence Artificielle, vérifions d’abord où nous en sommes de l’intelligence humaine ! »
Les interventions vont s’efforcer de répondre à ce dilemme. Adnène Lassoued, président de l’Instance d’Accès à l’Information (INAI), rappelle les 3 dynamos de ce cheminement : promotion de la démocratie participative, TIC pour rapprocher et faciliter, mondialisation. Il place le devoir de transparence entre l’accès à l’information et le climat de l’investissement car c’est la première revendication des investisseurs.
Nizar Yaïche, ancien ministre des Finances, propose 4 ingrédients pour relancer l’investissement via l’information : transparence, confiance dans les chiffres et le processus démocratique, droits de l’homme, accès technologique et numérique.
Il insiste sur l’impact attendu de l’arrivée imminente du Métaverse combiné à l’IA, ce qui va libérer l’info et dépasser le dilemme entre l’étendue et la profondeur de l’analyse.
Du devoir de transparence
Mettant en lumière le caractère central de l’info, Mohamed Ouertani, DG de l’Instance tunisienne de l’investissement (TIA), soutient que la loi 2016 d’accès à l’information n’est rien de moins qu’un pilier du développement global et de la réussite du processus d’investissement. La TIA travaille ainsi aux services de proximité, avec les meilleures technologies pour aider les investisseurs mais, encore une fois, il estime qu’il faut plus de transparence.
Adnène Lessoued, DG de l’INS, rappelle que la statistique officielle est un outil indispensable à la bonne gouvernance mais convient que la politique n’est jamais très loin des statistiques. Lui aussi parle de transparence mais aussi d’indépendance, d’évaluation, de confiance…
Chokri Hammouda, DG de l’Instance de l’évaluation et accréditation de la Santé, dévoile une facette particulièrement importante des statistiques appliquées à la santé : une plate-forme d’accréditation qui permet la reconnaissance internationale des cliniques prouvées et facilité l’exportation de leurs services auprès de patients étrangers.
Des outils de pérennité de l’investissement
Quant à l’accès à l’info du point de vue opérationnel. Aslan Ben Rejeb, CONECT, souligne que la bonne gouvernance constitue une toile de fond au climat des affaires pour l’investisseur.
Kamel Ayari, juge, avocat général, dénonce les problèmes de la disponibilité de l’info alors qu’au registre des entreprises 428 000 sociétés ne sont pas inscrites et ne déposent pas leurs états financiers malgré les sanctions prévues) et que la cartographie de l’investissement et la cartographie foncière restent embryonnaires.
Salma Khaled, avocate, se demande de quel accès à l’info parle-t-on avec un taux d’analphabétisme de 27% et affirme qu’il faut y mettre les moyens (les centres, les chargés de l’accès à l’info) et que le gouvernement tunisien mette ce sujet dans la liste des objectifs à réaliser.
Le débat lancé lors de la rencontre a débuté sur des questions de fond à propos de la signification de l’information, son utilité, sa sélection, sa sécurité, le principe de confiance et de transparence, l’enjeu d’utiliser les infos pour construire de nouveaux indicateurs, les défis de l’Open Data, la coordination entre administrations, la valeur ajoutée des masses d’information… Mais il a vite viré vers les problèmes que rencontre l’INAI dans la Com avec les ministères, la possibilité de réutilisation des données et la création de richesse, le cadre réglementaire, les 5700 dossier qu’elle doit traiter et le monitoring de 842 structures publiques, les moyens matériels et humains, la rareté des formateurs…
Des nombreuses interventions ont également dénoncé la situation des chargés de l’accès à l’info au sein des instances publiques qui ne sont pas encore reconnus légalement alors qu’ils travaillent depuis 2012 et qu’ils sont victimes de ‘harcèlements’.