Invité dimanche 23 octobre 2022 par Hamza Balloumi, le contre-amiral à la retraite Kamel Akrout, est revenu entre autres sur: les raisons de son limogeage; la piètre idée qu’il a du président provisoire Moncef Marouki; et l’admiration qu’il porte à son ancien patron, feu Béji Caïd Essebsi. Enfin, de sa répulsion épidermique au gourou de Montplaisir, coupable à ses yeux de tous les maux de notre pays. Passionnant témoignage.
Bien qu’issu de la Grande muette, le contre-amiral à la retraite Kamel Akrout, ancien conseiller principal à la Sécurité Nationale auprès du feu président Béji Caïd Essebsi, est réputé pour son franc-parler, son regard lucide sur les enjeux sécuritaires et géostratégiques de la Tunisie; ainsi que sa finesse d’analyse du microcosme politique de son pays.
Un CV long comme un bras
Le Curriculum Vitae de ce natif d’Al Hawaria est impressionnant. Ainsi, ayant démarré son parcours professionnel à l’Institut de défense nationale de Tunis, puis à l’École d’état-major; il consolide sa formation à l’Académie navale d’Athènes, puis à l’école de Guerre de Hambourg et au College of International Security Affairs, à Washington DC.
Expert en sécurité, défense, cyber sécurité et sécurité nationale, il est l’unique officier de la marine tunisienne à avoir été directeur général de la sécurité militaire. Il fut limogé par le président Moncef Marzouki en 2013 qui l’éloigne en le nommant attaché militaire à l’ambassade de Tunisie à Abou Dhabi.
Son exil prend fin en 2015 quand le président Béji Caïd Essebsi le charge des questions de défense nationale auprès de la présidence. Toujours en poste à l’investiture du président Kaïs Saïed, il démissionne le 29 octobre 2019 ,après l’annonce du limogeage du ministre de la Défense, Abdelkrim Zbidi. Et ce, pour lancer avec d’anciens hauts commis de l’État et des experts un think-tank. En l’occurrence l’Association internationale de prospective et d’études stratégiques et sécuritaires avancées (Ipasss).
Les motifs d’un limogeage
Lors d’une longue interview d’une heure 41 minutes animée par le journaliste Hamza Balloumi, dimanche 23 octobre 2022 sur les ondes de Mosaïque FM, Kamel Akrout est revenu sur son limogeage en 2013 sur décision de l’ancien président de la République Moncef Marzouki. Une décision qui apparemment lui est restée en travers de la gorge.
« Durant cette période trouble, mon déplacement au mont Châambi et à Kasserine pour réconforter nos soldats en première ligne face au terroristes a irrité le pouvoir en place. J’étais en route vers Gafsa lorsque j’ai appris mon limogeage. J’ai rencontré le ministre de la Défense qui m’avait appris que le président, Moncef Marzouki avait décidé de m’écarter et qu’il comptait m’envoyer en Libye. Cela m’a rappelé Saddam Hussein qui avait envoyé l’un de ses généraux en disgrâce au front afin qu’il revienne dans un cercueil. J’ai demandé à être affecté à Abou Dhabi, sachant que le poste était vacant. Après l’installation de Béji Caïd Essebsi au palais de Carthage, j’ai demandé à rentrer au bercail », a-t-il expliqué.
Et de poursuivre : « La vérité, c’est que j’ai été écarté, alors que j’occupais le poste très sensible de chef des renseignements militaires. Parce j’ai toujours été profondément convaincu que l’institution militaire devait être à l’écart des querelles et tiraillements politiques. C’est pour cette raison que j’avais strictement interdit la formation des syndicats au sein de l’armée » ; a-t-il précisé. En ajoutant avoir également interdit le port de l’habit islamique au sein de l’institution militaire.
L’invité de Mosaïque FM a rappelé à cet égard que « certaines parties », suivez-mon regard, ont demandé, pendant cette période, d’autoriser le port du voile par la gent féminine de l’armée. « J’ai catégoriquement refusé le port de l’habit islamique au sein de l’institution militaire. En arguant qu’il y a des rituels dans l’institution militaire que tout le monde doit respecter ».
Marzouki et l’obsession du putsch
S’adressant à l’occasion à l’ex-président provisoire, Moncef Marouki, qu’il n’a pas l’air de porter sur le cœur, M. Akrout lui a ironiquement rappelé que la Grande muette a toujours été une armée républicaine. Et que, s’il espère changer le régime par un putsch, c’est qu’il « ne connait pas la nature des Tunisiens ».
BCE : « Une fierté pour la Tunisie »
Rien à voir par contre avec l’admiration qu’il porte à son mentor, l’ancien président de la République, Béji Caïd Essebsi. Ce dernier, et « alors que la plupart des présidents choisissent de se faire soigner à l’étranger, avait choisi l’hôpital militaire et a été pris en charge par des médecins tunisiens. C’est une fierté pour la Tunisie ». Ainsi s’exprimait son ancien conseiller principal à la Sécurité. Puis il glissait, énigmatique, un démenti en réponse à la question de Hamza Balloumi sur la suspicion d’empoisonnement de l’ancien président de la République, Béji Caïd Essebsi. En effet, l’amiral démentait catégoriquement mais reconnaissait qu’on n’avait pas traité au plan de la communication ce sujet d’une manière professionnelle ». Une fine manière de botter en touche…
Ghannouchi, le Raspoutine tunisien
D’autre part, il était prié de livrer son sentiment sur le leader historique du mouvement islamiste d’Ennahda. Ainsi, l’amiral Kamel Akrout rappelle qu’il l’avait appelé au mois de juin dernier « à présenter des excuses au peuple tunisien et à procéder à des auto-examens. Afin de réformer les attitudes qui sont à l’origine de ce que le pays vit actuellement ». Puis, catégorique, il ajoute que Rached Ghannouchi est porteur d’une « idéologie destructrice » qui vise dans sa quintessence « à saper les fondements de l’Etat laïc ».
Et de poursuivre, sans équivoque, « cet homme a fait beaucoup de mal à notre pays; surtout lorsqu’il était à la tête du Parlement […] Il a cherché à détruire ses fondements, lui, qui vivait en Angleterre. Il est revenu en Tunisie pour se venger », a-t-il déduit, implacable.
« Rached Ghannouchi, à qui je n’accorde aucune confiance, est incapable de se remettre en question, ni d’opérer une révision. D’ailleurs, je ne lui ai jamais serré la main », révèle-t-il.
Terrible conclusion tirée par un homme qui était aux premières loges lorsque Ennahdha et consorts étaient au pouvoir durant les années de braise.