Les enjeux résident dans la recherche, la vulgarisation, le PPP et l’adaptation au réchauffement climatique. L’Economiste Maghrébin vient d’organiser une table ronde sur le thème « Semences et sécurité alimentaire ».
Ont participé à cette table ronde animée par Hédi Mechri, directeur de l’Economiste Maghrébin, Sanaa Medimagh, directrice du laboratoire des grandes cultures de l’Institut national de la recherche agronomique de Tunisie (INRAT),Omar Brahmi, responsable de Liste catalogue qui valide les variétés, Mnawer Sghaier, représentant de l’UTAP, Mohamed Bessaker, Groupe semences (à vérifier), Maher Affès, directeur général de la société Carthage grains, Ridha Bergaoui, universitaire, Fayçal Ben Jeddi, directeur général de l’Institut national agronomique de Tunisie (INAT) et Aziz Boujebba, président de l’Association pour une agriculture durable (APAD).
Les participants ont commencé par relever les insuffisances : absence de vision, dispersion des structures et absence d’une institution centrale pour prendre en charge le développement de cette filière hautement stratégique pour la sécurité alimentaire du pays. Mention spéciale a été faite pour l’inexistence d’activités de recherche et de vulgarisation.
Au rayon des solutions, les participants ont proposé l’élaboration de stratégies cohérentes devant assurer une production de semences locales adaptées aux spécificités climatiques du pays et au réchauffement climatique. Au plan institutionnel, ils ont suggéré des partenariats publics-privés (PPP) entre privés et institutions de recherche publiques.
Plantant le décor, M. Hédi Mechri a indiqué que cette table ronde va se pencher sur « une question d’une brûlante actualité, en l’occurrence celle de notre sécurité alimentaire, mise à mal et fragilisée aujourd’hui comme elle ne l’a jamais été, à cause de la guerre qui oppose la Russie et l’Ukraine, principaux producteurs et exportateurs mondiaux de céréales. « Conséquences : les dommages collatéraux de cette guerre sont énormes et dévastateurs. Et on n’a pas fini d’en subir les effets en termes d’approvisionnement, de pénuries de céréales et de hausse des prix », a-t-il dit.
« Pis, a-t-il relevé, cette guerre, si l’on juge par l’évolution des statistiques nationales, n’a fait qu’amplifier, exacerber et accélérer un phénomène déjà à l’œuvre et dont les origines ne datent pas d’aujourd’hui ».
Et d’ajouter : « Alors, dira-t-on, à quelque chose malheur est bon. Car le propre des crises est qu’elles constituent à la fois une menace, mais qu’elles présentent aussi de réelles opportunités pour ajuster et corriger ce qui doit l’être. C’est à cela que vous êtes conviés cet après-midi. Moins pour parler des menaces qui n’échappent à personne que pour mettre en perspective les lignes d’actions à l’effet d’assurer notre sécurité alimentaire ».
…« Au commencement, dit-on, le verbe. Mais c’était hier. Au commencement… les semences, dirons-nous aujourd’hui, sécurité alimentaire oblige. Il y a urgence de débattre de cette question à l’instant même où l’on aborde la saison des semis. D’où l’impérieuse nécessité de garantir aux agriculteurs les intrants nécessaires en quantités suffisantes (au plan national, régional et local, accessibles pour tous), en qualité et à des prix convenables. C’est de cela que nous allons débattre, au motif de relancer la production nationale des semences et pour en améliorer les rendements ».
Ridha Bergaoui : La question des semences est très importante. Celles-ci jouent un rôle déterminant dans l’accroissement de la production nationale et notre sécurité alimentaire. Nous avons donc besoin de semences de qualité pour pouvoir améliorer le rendement des céréales et des autres cultures. Ce rendement est actuellement relativement faible.
Pour le moment, on peut considérer qu’il n’y a pas un grand problème pour les céréales quoiqu’il y ait un peu de concurrence entre les producteurs locaux de semences et les importateurs de ces graines traitées et sélectionnées.
Nous pensons que pour préserver les variétés locales et en améliorer le rendement, il y a nécessité d’accorder plus d’attention aux problèmes de la sélection et à ceux de la recherche. Il faut plus de moyens matériels et humains.
Pour les cultures maraichères, nous sommes obligés d’importer les semences. Actuellement, nous dépendons de l’importation.
Le gros problème concerne les semences locales ou les semences paysannes. La banque de gènes a fait un excellent travail en matière de collecte et de conservation des espèces et variétés locales. Nous pensons que les deux espèces sont nécessaires, c’est-à-dire les semences paysannes et les semences sélectionnées hautement productives.
« Nous pensons que pour préserver les variétés locales et en améliorer le rendement, il y a nécessité d’accorder plus d’attention aux problèmes de la sélection et à ceux de la recherche. Il faut plus de moyens matériels et humains »
Sanaa Medimagh : Pour faire face au changement climatique et à la diminution des précipitations qui en résultent, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) a lancé des programmes d’amélioration génétique des variétés pour la production de nouvelles variétés de cultures, plus résilientes à la sécheresse. Il s’agit de la création de nouvelles variétés paysannes et de croisement de céréales (blé +orge, blé + seigle).
Ces variétés ont un système racinaire plus développé qui aide la plante à absorber plus d’eau que celles qui ont un système racinaire moins développé. Cela permet donc la croissance de la plante. Cela pour dire que l’adaptation au changement climatique et à la diminution de la pluviométrie a été pour l’INRA une opportunité pour développer de nouvelles variétés plus résistantes.
« Pour faire face au changement climatique et à la diminution des précipitations qui en résultent, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) a lancé des programmes d’amélioration génétique des variétés pour la production de nouvelles variétés de cultures, plus résilientes à la sécheresse »
Fayçal Ben Jeddi : Je voudrais relever, de prime abord, qu’il n’y a jamais eu au niveau national de vision et de volonté réelle de développer la filière des semences afin de produire nos propres semences, qu’elles soient semi-locales, paysannes ou même importées.
La faiblesse constatée au niveau du rendement ne dépend pas de la variété mais de la qualité des précipitations et de leur variabilité. Le manque d’eau en Tunisie n’est pas une question de volume, mais de répartition.
Pour remonter un peu dans l’Histoire, les Romains, quand ils se sont installés à Carthage, ils ont construit un aqueduc. C’est la première chose qu’ils ont faite. Les ressources collectées étaient destinées à produire des semences pour tout l’empire romain.
Le talon d’Achille de l’agriculture tunisienne, c’est la dégradation du sol et son appauvrissement en ressources minérales. Les sols ont été trop travaillés.
La question qui se pose dès lors est de savoir si la Tunisie est capable, dans ces conditions, de produire ses propres semences, que celles-ci soient des semences dédiées à la consommation animale ou à la reproduction. La réponse est oui, à condition d’utiliser des ressources non conventionnelles telles que les eaux usées, traitées ou épurées, et de maîtriser la technologie adoptée en la matière.
Il s’agit ainsi d’utiliser ces eaux traitées dans l’irrigation des cultures fourragères et de mobiliser des moyens conséquents à cet effet. Actuellement, les investissements publics dans la recherche ont été orientés, principalement et en priorité, vers les filières céréalière et hydrique.
Quant à la filière des fourrages, elle est considérée comme la 5ème roue de la charrette. Elle est marginalisée, pour ne pas dire négligée. Pourtant, le pays dispose des moyens requis pour atteindre non seulement son autosuffisance en la matière, mais également pour devenir un pays exportateur de fourrages.
Concernant justement les cultures fourragères, celles-ci sont composées à hauteur de 70% d’avoine (australienne et américaine) et le reste d’orge locale et de luzerne. Pour être compétitif dans ce domaine, on peut se focaliser sur ces variétés de fourrages, moyennant leur irrigation par des eaux usées traitées.
Il faut reconnaître que les semenciers de fourrages en Tunisie se comptent sur les doigts d’une main, contrairement à d’autres pays comme l’Italie, l’Allemagne. Quant à la recherche, elle est en avance de plusieurs dizaines d’années. Ses résultats sont disponibles. Il suffit de les valoriser.
Au plan réglementaire, nous pensons que l’Etat peut s’engager, d’ici à 2030, à titre d’exemple, à promouvoir le développement de la production de certaines variétés de fourrages compétitives et à cesser d’en importer d’ici cette échéance.
Aziz Bouhejba : Je suis semencier, multiplicateur de semences de céréales et importateur de semences fourragères. Comme l’a dit Si Fayçal, le secteur des semences peut être générateur d’autosuffisance en termes d’alimentation et probablement excédentaire, ce qui ouvre d’importantes perspectives en matière d’exportation.
Aujourd’hui, après une décennie qui a mis à l’épreuve notre capacité de produire notre propre semence, c’est un vrai challenge. La filière manque cruellement de vision. Elle manque aussi cruellement de moyens en termes de budget, mais aussi en termes de concertation avec les professionnels, les producteurs, les instituts de recherche, d’enseignement…
Pour moi, le véritable challenge, ce n’est pas uniquement l’arrêt de la guerre russo-ukrainienne, mais le changement climatique. La Tunisie est au cœur du changement climatique qui est en train de se produire. Malheureusement, on n’a pas anticipé ce phénomène qui dure depuis une vingtaine d’années, en dépit des nombreuses recommandations faites à ce sujet.
En tant qu’agriculteurs semenciers, nous n’avons pas été préparés convenablement à ces changements. Ainsi, comme l’a dit Si Fayçal, en termes de matières organiques, nous étions, il y a quelques années à 5%, aujourd’hui nous sommes à 1%. La plante doit se nourrir du sol et qui dit sol, dit matières organiques. On me dira qu’il y a les engrais pour remédier à la situation. Les engrais ne peuvent jouer que le rôle de compléments, c’est comme les perfusions et le sérum pour l’être humain. La plante ne peut valoriser toute goutte d’eau qu’elle reçoit que s’il y a des matières organiques en quantités suffisantes.
L’APAD (Association pour une agriculture durable) a fait des efforts pour sensibiliser les agriculteurs à l’enjeu des matières organiques.
Ainsi, à travers notre expérience en matière d’utilisation du colza, nous sommes parvenus à récupérer, dans certains cas et sur une période d’environ cinq ans, les quantités requises en matières organiques. Et ce contrairement aux politiques actuelles qui suggèrent qu’en augmentant les superficies, on augmente la production.
Nous estimons que cette politique d’extension des superficies est contreproductive pour la teneur en matières organiques. Nous, en tant que professionnels, nous sommes proches du sol et de la physiologie des plantes, nous savons ce dont a besoin la terre pour donner les meilleurs rendements. La question des matières organiques est capitale pour l’amélioration des rendements.
Sur le plan des semences, l’enjeu est de booster la recherche pour obtenir de nouvelles variétés favorisant le développement durable de l’agriculture. Il y a nécessité de valoriser les recherches et leurs résultats.
Auparavant, il faut élaborer une politique de sécurité alimentaire. C’est autour de cette politique qu’on peut développer les filières santé humaine et autres. Il y a donc nécessité d’élaborer une carte agricole, l’objectif étant d’adapter chaque variété aux spécificités de chaque région.
Il y a nécessité également de promouvoir la vulgarisation agricole et il y a des semences rentables qui sont produites depuis 10 ans et que les agriculteurs ne connaissent pas encore.
« Auparavant, il faut élaborer une politique de sécurité alimentaire. C’est autour de cette politique qu’on peut développer les filières santé humaine et autres. Il y a donc nécessité d’élaborer une carte agricole, l’objectif étant d’adapter chaque variété aux spécificités de chaque région »
Mnawer Seghaier : Je ne suis pas d’accord avec les approches qui viennent d’être développées. De mon point de vue, le problème des semences ne réside ni dans la dégradation du sol ni dans le manque d’eau.
Je pense qu’on aurait pu développer une variété à même d’améliorer la qualité du sol. A cette fin, on aurait pu diversifier la production des semences. Seulement, le secteur manque de vision. La filière des semences n’a pas bénéficié de l’intérêt requis. Après l’expérience du collectivisme en 1969, la signature d’accords avec l’UE en 1979, et en 1985-86, la conclusion d’accords de libre échange multilatéraux (OMC) et régionaux (Accord d’association avec l’UE), la Tunisie a adopté une politique de sécurité alimentaire et non une politique de souveraineté alimentaire.
En vertu de cette politique, la sécurité est assurée en grande partie par l’importation et non par la production nationale. Le pays ne produit pas assez de semences.
Selon une étude que j’ai effectuée il y a deux ans sur les conséquences de la politique fourragère en Tunisie, je suis parvenu aux conclusions suivantes : exploitation excessive du concentré dans l’alimentation du bétail et ce contrairement aux normes internationales et importation de 75% des intrants de l’étranger. Au plan de la distribution, celle-ci est assurée à hauteur de 80% par l’informel et 20% par le formel, secteur qui comprend les organismes officiels en charge de la filière, les importateurs… A l’origine de cette situation, le peu de moyens consacrés à la filière. Le budget consacré à la recherche, à la formation et à la vulgarisation est dérisoire, quelque 8 MDT.
Autre conclusion de cette étude : l’absence de vulgarisation. Les sociétés de production souffrent elles aussi du manque d’encadrement et d’assistance pour les études de faisabilité de leurs projets. Les agriculteurs multiplicateurs ne bénéficient ni de suivi ni d’encadrement.
L’étude a fait ressortir également d’autres dysfonctionnements : absence de structures administratives spécialisées dans les semences – les quelques services en charge du dossier sont éparpillés ce qui génère une dilution de la responsabilité -, absence de contrôle (absence de laboratoire de contrôle) et non respect des contrats de production.
Au rayon des solutions, je suggère : le développement de la recherche et de la mobilisation, à cet effet, d’importants moyens financiers pour diversifier la production des semences, l’exploitation des terres domaniales dans la production des fourrages et la suppression des solutions de facilités contre productives (achat du blé par l’Etat). Les dernières augmentations des prix à la production vont encourager les agriculteurs à cultiver du blé et à bouder les cultures fourragères.
Il s’agit également d’encourager les céréaliers à pratiquer l’assolement et la rotation pour améliorer les rendements. Il faut créer une structure professionnelle pour prendre en charge la gestion de la filière.
« Au rayon des solutions, je suggère : le développement de la recherche et de la mobilisation, à cet effet, d’importants moyens financiers pour diversifier la production des semences, l’exploitation des terres domaniales dans la production des fourrages et la suppression des solutions de facilités contre productives (achat du blé par l’Etat) »
Omar Brahmi : Il est vrai que la filière des semences n’est pas organisée, elle engrange de bonnes choses mais aussi beaucoup d’insuffisances. Je voudrais rappeler que la Tunisie est un des rares pays à disposer d’une armada de réglementations conformes aux normes internationales. Nous avons adhéré aux principales conventions internationales qui régissent l’utilisation des semences. Conséquence : du point de vue de la structuration administrative, de la reconnaissance et la conformité internationales, la Tunisie est correcte.
Deuxièmement, je voudrais rappeler ces vérités : la Tunisie n’importe plus des semences de céréales (zéro importation de céréales) et les variétés de céréales hybrides n’existent pas en Tunisie. Passons maintenant aux variétés locales et aux variétés étrangères. Les variétés étrangères, lorsqu’elles sont importées, elles sont homologuées en Tunisie et soumises aux normes tunisiennes. Elles sont adaptées aux conditions tunisiennes.
A propos des variétés paysannes, la loi 1999 qui régit la filière des semences ne s’applique pas aux semences paysannes. Pourquoi ? Parce qu’elles ne répondent pas aux normes exigées dans le catalogue. La question qui se pose dès lors est de savoir si, pour atteindre notre autosuffisance alimentaire, on doit définitivement opter pour les variétés paysannes ou pour les variétés améliorées. En Tunisie, l’option est prise pour les semences sélectionnées.
Nos besoins sont estimés actuellement à hauteur de 80% des semences de ferme contre 20% pour les semences certifiées. Pour les satisfaire, il nous faut une industrie semencielle. Cette industrie n’existe plus. Il y a nécessité d’instituer des avantages et des incitations pour développer cette industrie et réaliser ce projet selon le PPP, avec des objectifs spécifiés et clairs sur le court, le moyen et le long terme.
Concernant le fourrage, on n’importe 5% de nos besoins. Là aussi, nous devons nous fixer des objectifs clairs.
Il y a des lois qui encouragent la production, mais à défaut de volonté politique, rien n’est fait. Il faut unifier les structures et les grouper en une seule structure disposant d’importants moyens et équipements pour prendre en charge la filière (coopératives…).
« Il nous faut une industrie semencielle. Cette industrie n’existe plus. Il y a nécessité d’instituer des avantages et des incitations pour développer cette industrie et réaliser ce projet selon le PPP, avec des objectifs spécifiés et clairs sur le court, le moyen et le long terme »
Maher Affès : Je suis, comme on dit, dans le colza. On connait maintenant les avantages de ce type de semence. Les agriculteurs sont de plus en plus sensibilisés aux avantages du colza. Le colza nous fait gagner d’importantes économies de devises. Outre sa capacité vérifiée à renforcer, par assolement, la résistance des plantes, ses produits dérivés sont également importants. L’huile non alimentaire extraite est une huile multiusages d’excellente qualité. Il y a aussi le tourteau, riche en protéines, qui est extrait aussi du colza. Il convient également à l’alimentation animale.
Concernant l’importation depuis plusieurs années des semences, nous avons constaté que leur rendement commence à diminuer d’une année à une autre, d’où l’enjeu d’aller vers de nouvelles variétés qui ne demandent pas beaucoup d’eau.
Et là, c’est le rôle de la recherche. Celle-ci peut être menée par une coopérative d’agriculteurs. Car on ne peut pas compter uniquement sur l’Etat. Il faut trouver une formule qui implique également les agriculteurs. La filière des semences est une filière rentable et son rendement est tributaire de trois facteurs : la qualité de la variété, la préparation du sol et les techniques utilisées.
L’enjeu est dans la vulgarisation et dans l’encadrement de l’agriculteur. A notre niveau, on peut aller vers un rythme beaucoup plus accéléré. Il y a moyen de développer des semences locales moins chères, grâce à la recherche.
A notre niveau, nous pensons à la culture du colza, mais nous ambitionnons de passer à un autre palier de croissance. Nous comptons beaucoup sur la recherche pour booster nos activités et nous sommes disposés à développer un partenariat public-privé (PPP) avec les établissements publics de recherche agricole.
« A notre niveau, nous pensons à la culture du colza, mais nous ambitionnons de passer à un autre palier de croissance. Nous comptons beaucoup sur la recherche pour booster nos activités et nous sommes disposés à développer un partenariat public-privé (PPP) avec les établissements publics de recherche agricole »
Mohamed Bessaker : Dans la semence, il y a deux choses : la recherche variétale et l’introduction de nouvelles variétés.
Concernant la recherche variétale, elle n’est pas orientée dans le sens où elle doit apporter une réponse à nos besoins. On a besoin d’une variété qui s’adapte au changement climatique. C’est à la recherche de résoudre ce problème d’adaptation.
S’agissant de la production de semences, il n’y a pas de problème sur le terrain, mais au niveau de la recherche.
D’autre part, il y a un choix à faire entre l’agriculture intensive et l’agriculture extensive. L’agriculture extensive se pratique sur de très grandes surfaces divisées en sections. Le rendement des terres est plus faible, mais il exige moins de travail spécialisé.
L’intensif, c’est pour produire et répondre à nos besoins. Avec l’extensif, le rendement des variétés hybrides est de loin supérieur.
Au niveau organisationnel, nous ne pouvons nous interdire de relever que l’anarchie règne dans le secteur des semences.
Le morcellement des terres agricoles pose, également, problème et n’encourage pas l’investissement. Est-il besoin de rappeler que 80% des agriculteurs sont touchés par la dispersion de la propriété agricole ?
La solution est dans la recherche/développement. A titre indicatif, la recherche peut aider à faire l’économie de mésaventures malheureuses. C’est le cas des agriculteurs du Nord-Ouest qui ont couru le risque de cultiver, sans études, des glibettes importées au titre de la consommation. Les dommages causés au sol ont été catastrophiques.
« Au niveau organisationnel, nous ne pouvons nous interdire de relever que l’anarchie règne dans le secteur des semences »
Fayçal Ben Jeddi : Les techniques utilisées pour améliorer, sélectionner et croiser dans l’ultime but d’aboutir à une variété viable, se sont beaucoup développées. C’est ce qu’on appelle la recherche pour l’amélioration génétique.
Et les moyens ont beaucoup évolué pour fixer une variété, avec des temps de plus en plus courts.
Sur un total de 1246 espèces végétales disponibles en Tunisie, plus de 600 espèces spontanées peuvent être contrôlées par la technique du croisement.
En Europe, on est revenu à l’agriculture traditionnelle et au système de rotation. En Tunisie, depuis 1990, on a commencé à chuter. La région qui adopte le plus la rotation est la région de Béja.
En général, l’agriculture d’aujourd’hui doit impérativement être en harmonie avec l’environnement.
Dans l’ensemble, nous pensons qu’un pays qui ne produit pas ses propres semences est un pays qui va à la dérive. A la base de tout projet de sécurité alimentaire, il y a la productivité et l’enjeu de l’accroitre. Il suffit de concevoir un équipement adapté.
La Syrie a développé une expertise dans ce sens. C’est un système de production régional adapté aux changements climatiques. Elle est parvenue à l’autosuffisance en développant la petite agriculture, et à cette fin, la productivité.
« Dans l’ensemble, nous pensons qu’un pays qui ne produit pas ses propres semences est un pays qui va à la dérive. A la base de tout projet de sécurité alimentaire, il y a la productivité et l’enjeu de l’accroitre. Il suffit de concevoir un équipement adapté »
Mnawer Seghaier : L’essentiel est de doter la recherche d’un budget conséquent. Les acquis de la recherche sont suffisants pour répondre aux problèmes actuels. Il s’agit pour l’essentiel d’opter pour des variétés qui sont peu consommatrices d’eau et de les privilégier.
Aziz Bouhejba : Selon moi, il est urgent de se préparer aux changements et aux aléas climatiques. Il y a nécessité de développer les technologies pour adapter les variétés aux aléas climatiques et de se préparer au plan réglementaire.