Après deux mandats à la tête du Brésil (2003-2010) et deux ans en prison (2018-2019), l’ancien sidérurgiste de 77 ans, Luiz Inacio Lula da Silva fait un retour impressionnant au pouvoir. Il a été élu à nouveau président de la République, dimanche 30 octobre, pour un troisième mandat dans le plus grand pays d’Amérique latine.
Le score très étroit (50,9 % pour Lula da Silva et 49,1 % pour le chef d’Etat sortant Jair Bolsonaro), montre la grande division du pays. Des 215 millions de Brésiliens, 156 millions sont allés aux urnes pour en sortir divisés en deux masses à peu près égales. L’une ayant le cœur à gauche, l’autre ne jurant que par son idole d’extrême droite, le chef d’Etat sortant.
Il est pour le moins curieux que le président sortant, après une gestion économique et écologique désastreuse, puisse encore avoir le soutien massif de dizaines de millions d’électeurs. Car, en plus des politiques racistes et de l’hostilité aux institutions démocratiques brésiliennes, sa gestion de l’économie a aggravé les inégalités sociales à un point tel qu’aujourd’hui au Brésil, 33 millions de personnes souffrent de la faim.
Sans parler de sa gestion catastrophique de la Covid-19, qu’il qualifiait de « grippette »; une épidémie qui a fait près de 700.000 morts.
En outre, le mal fait par Bolsonaro au cours de son mandat dépasse les frontières du Brésil pour englober la planète entière. En effet, le président sortant assume une responsabilité dans l’aggravation du changement climatique par sa politique d’encouragement systématique de déforestation de l’Amazonie.
D’après l’Institut brésilien de recherche spatiale, doté d’un satellite de surveillance depuis 2015, « la déforestation en Amazonie a augmenté de 48 % en seulement douze mois, de septembre 2021 à septembre 2022. » Pendant les quatre ans de son mandat, le président populiste d’extrême droite traitait par le mépris les protestations de la communauté internationale contre les ravages causés au « poumon de la planète ». Ce n’est pas sans raison que l’antenne brésilienne de Greenpeace considère que les quatre années que Bolsonaro a passé au pouvoir constituent « l’une des périodes les plus sombres pour notre environnement ».
Ainsi, Luiz Inacio Lula da Silva entamera son troisième mandat le 1er janvier 2023. Des défis immenses, exacerbés par la crise profonde multiforme qui secoue la planète, l’attendent. Le plus grand défi est sans doute la division du Brésil où la moitié des électeurs danse de joie, tandis que l’autre pleure de chagrin. Réussira-t-il à convaincre partisans et adversaires de laisser de côté leurs émotions fortes, retrousser leurs manches et assumer leur devoir envers le Brésil?
Il a commencé déjà à y travailler. En effet, dès l’annonce des résultats, face à une foule en liesse, Lula a affirmé : « Dès le 1er janvier 2023, je serai le président des 215 millions de Brésiliens et pas seulement de ceux qui ont voté pour moi. Il n’y a pas deux Brésils. Nous sommes un pays, un peuple, une grande nation. »
En attendant, Lula n’est pas seulement en train de vivre l’euphorie de la victoire, mais aussi l’honneur de la reconnaissance mondiale. Dès l’annonce des résultats du scrutin, les messages de félicitations n’arrêtent de parvenir au nouveau président des quatre coins de la planète.
Du président américain Joseph Biden, au président chinois Xi Jinping, du président russe Vladimir Poutine au Premier ministre indien Narendra Modi, du président français Emmanuel Macron, à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, en passant par les présidents des divers pays latino-américains, tous ont envoyé des messages plus chaleureux les uns que les autres. En félicitant Lula et en exprimant leurs prédispositions à coopérer avec lui.
C’est que le Brésil est le plus grand pays d’Amérique latine et membre des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). A savoir, un groupement économique gigantesque, représentant plus de 40 % de la population mondiale et près d’un quart du PIB de la planète.
Le président américain fut donc parmi les premiers à féliciter son homologue brésilien fraichement élu. Mais c’est plus par obligation protocolaire que par conviction. Car, la Maison-Blanche ne peut pas être contente de l’élection d’un homme de gauche dont les choix politiques et surtout économiques sont forcément aux antipodes de ceux recommandés généralement par l’establishment washingtonien.
Cet establishment a bien des soucis à se faire en effet. Surtout que l’élection de Lula est la dernière d’une série de victoires électorales ayant amené au pouvoir des candidats de gauche en Argentine, en Colombie et au Chili. Il est bien loin le temps où l’Amérique latine était la chasse gardée du puissant voisin du nord. Et où celui qui n’est pas en odeur de sainteté à Washington n’a aucune chance d’accéder au pouvoir.