La vidéo montrant les échanges d’amabilité entre la cheffe du gouvernement, Najla Bouden et le président israélien Isaac Herzog a été massivement partagée sur les réseaux sociaux. Un acte banal et anodin? Que nenni.
Coup de théâtre à Sharm el-Sheikh. Une vidéo filmant la cheffe du gouvernement Najla Bouden, avenante et souriante et le président israélien Isaac Herzog, apparemment aux anges, échanger aimablement dans les coulisses de la COP 27, a fait le tour de la toile.
Najla Bouden : attitude de complaisance?
Attitude de complaisance de sa part alors que les participants se préparaient à une photo de groupe? A-t-elle cherché à entrouvrir la porte à un éventuel rapprochement avec l’Etat hébreu? S’est-elle trompée sur l’identité de son interlocuteur? Difficile à croire…
A savoir que, eu égard au dossier du réchauffement climatique qui touche la planète entière et notamment la région de l’Afrique du Nord, le président de la République Kaïs Saïed a préféré zapper la Conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques 2022 ayant réuni près de 110 chefs d’Etat et de gouvernement. Ainsi, il dépêchait à la station balnéaire située sur la Mer Rouge sa cheffe du gouvernent Najla Bouden. Cette dernière est à la tête d’une délégation composée notamment: du ministre de l’Economie et de la Planification, Samir Saïed; de la ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Energie, Neila Gonji; et de la ministre de l’Environnement, Leila Chikhaoui.
Le grand schisme du monde arabe
Or, l’échange plus que cordial- n’ayons pas peur des mots- entre Mme Bouden et Isaac Herog, qui serait passé inaperçu si ce n’était l’œil implacable de la caméra présente sur place, soulève des réelles et légitimes questions sur le sensible dossier de la normalisation avec « l’entité sioniste ».
A savoir que, après l’Egypte en 1979, la Jordanie en 1994, la Mauritanie en 1999, c’est au tour de quatre autres pays arabes de normaliser leurs relations avec Israël : les Emirats Arabes Unis, Bahreïn, Soudan et le dernier est le Maroc.
De plus, en marge du Sommet de Charm el-Cheikh, le président israélien a rencontré le président égyptien Abdelfattah El-Sisi. De même qu’il s’entretenait avec le président des Émirats arabes unis Cheikh Mohammed bin Zayed et le roi de Jordanie Abdullah II.
Modération et realpolitik
Rappelons à ce propos que, contrairement aux sept pays arabes qui ont établi in facto des relations diplomatiques avec Israël, Tunis et Alger détiennent un discours radical s’opposant à toute forme de rapprochement avec Tel-Aviv.
Mais, le chef de l’Etat tunisien qui a toujours mis en avant son statut de fervent défenseur de la cause palestinienne, semble revenir à une certaine realpolitik.
Ainsi, le slogan de « la normalisation est une trahison » n’est plus qu’une envolée lyrique appartenant au passé. La preuve? Alors que tout le monde s’attendait à un appel à la « criminalisation de la normalisation avec l’entité sioniste usurpatrice», Kaïs Saïed s’est contenté, lors de son discours au Sommet arabe d’Alger, de réitérer un a minima soutien à « la Palestine indépendante avec El Qods comme capitale ».
Même ton modéré de la part de l’intransigeant président algérien, Abdelmadjid Tebboune. Lequel, tout en réaffirmant, mardi dernier à Alger, la disposition de son pays à porter devant le conseil de sécurité de l’ONU la demande palestinienne de devenir membre à part entière de l’organisation internationale, a réitéré la position de son pays quant « à l’édification d’un État palestinien indépendant sur la base des frontières de 1967, avec comme capitale, Jérusalem-Est ».
Un ton modéré qui tranche avec le traditionnel « appui inconditionnel d’Alger à la cause palestinienne. Est-ce pour ne pas froisser une partie de ses hôtes ayant franchi le Rubicon avec l’Etat Hébreu? Sans aucun doute.
Déni
Aussitôt la vidéo montrant « l’incident diplomatique » propagée en boucles sur les réseaux sociaux, Ibrahim Rezgui, secrétaire général du Syndicat du corps diplomatique, a soutenu que l’échange que la cheffe du gouvernement a eu avec le président israélien, lors du Sommet COP 27 au Caire, « ne peut être considéré comme une normalisation ».
« Il s’agit en réalité d’une conférence scientifique, la Tunisie sait qu’Israël participe à cette conférence. Dans l’usage diplomatique, saluer quelqu’un ne signifie pas normalisation. D’ailleurs, des ministres tunisiens avaient, auparavant, rencontré des responsables israéliens, à l’instar du ministre de la Défense. La Tunisie s’assoit avec Israël pendant les réunions des Nations-Unies. La normalisation réside dans la reconnaissance et l’échange d’ambassadeurs ». Ainsi, argumentait-il lors de son passage hier mardi à l’émission Midi Show sur Mosaïque FM.
Enfin, peut-on conclure que, consciente des bouleversements géostratégiques ayant durablement impacté l’interminable conflit-palestino-israélien, la cheffe du gouvernement, Mme Bouden, a entrouvert par son geste la porte en direction de l’ennemi déclaré d’hier. Et ce, en échangeant des mots et des sourires avec le président israélien Isaac Herzog? Dans l’affirmatif, ce serait une étape décisive qu’elle aurait allégrement franchie.