À l’origine, le terme de francophonie a été utilisé de façon purement descriptive par des géographes. En effet, dès 1880, le mot ayant été « inventé » par le géographe Onésime Reclus. Le terme est utilisé, pour décrire l’ensemble des personnes et des pays utilisant le français. C’est après la Seconde Guerre mondiale, à partir d’un numéro spécial de la revue Esprit (1962), qu’une « conscience francophone » s’est développée. Après que le mot « francophone » a fait son entrée dans Le Petit Larousse, « francophonie » y est inclus cette année-là, et caractérise la ‘‘collectivité constituée par les peuples parlant le français’’.
Le Président Habib Bourguiba évoque, à Montréal, l’historique de cette institution : »Le 24 novembre 1965, dit-il, ayant le privilège d’être reçu par l’Université de Dakar, Université sœur, elle aussi, de votre Université de Montréal comme de notre Université de Tunis, j’ai déjà parlé de la francophonie. L’idée que j’ai énoncée alors ne m’appartient pas en propre. Sous d’autres formes et avec le talent que vous lui connaissez, mon ami Léopold Sédar Senghor, Président de la République du Sénégal, l’a formulée lui aussi. Et depuis 1965, j’ai pu constater que cette idée éveillait sur notre continent africain une profonde résonance puisque l’Organisation Commune Africaine et Malgache l’a pratiquement adoptée. Au point que son Président en exercice, M. Diori Hamani, président de la République du Niger, s’en est fait le zélateur et l’infatigable pèlerin » (discours à Montréal, le 11 mai 1968).
Léopold Sédar Senghor, premier président du Sénégal, et Habib Bourguiba, père de la Nation tunisienne ont fait valoir la francophonie. « Faire un exposé sur les apports des deux géants, Léopold Sédar Senghor, premier président du Sénégal, et Habib Bourguiba, père de la Nation tunisienne, à ce merveilleux instrument de rapprochement des peuples, qu’est la Francophonie, revêt toute une symbolique », déclare Ibrahima Sene, auteur et poète sénégalais. Le terme a été particulièrement popularisé par eux : « Il s’agit, affirme Senghor, plus de la conscience d’avoir en commun une langue et une culture francophones que de décisions officielles ou de données objectives. C’est une communauté d’intérêts. On y retrouve l’idée que le français serait le point commun d’une multitude de peuples différents, les fédérant dans un idéal culturel et linguistique ». Habib Bourguiba et Léopold Senghor furent rejoints par Hamani Diori, le président nigérien, ainsi que le Prince Norodom Sihanouk du Cambodge.
Dès 1960, la première institution intergouvernementale francophone voit le jour avec la Conférence des Ministres de l’Education (Confemen) qui regroupait au départ 15 pays. Elle se réunit tous les deux ans pour tracer les orientations en matière d’éducation et de formation au service du développement. Juste aboutissement, l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) a été créée par la Convention de Niamey du 20 mars 1970. La Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage, communément appelée « Sommet de la Francophonie », est l’instance suprême de la Francophonie. Le Sommet se réunit tous les deux ans.
D’entreprise de la société civile adossée au partage d’une langue en commun, la Francophonie va se transformer peu à peu en outil de coopération multilatérale. D’abord culturelle et éducative, puis politique, embrassant tous les défis de notre temps : le développement durable; la solidarité; le numérique; l’insertion professionnelle des jeunes; l’égalité femmes-hommes.
Le XVIIIe Sommet de la Francophonie qui s’est déroulé les 19 et 20 novembre à Djerba, en Tunisie, autour du thème « La connectivité dans la diversité : Le numérique, vecteur de développement et de solidarité dans l’espace francophone « , marquant la célébration du cinquantenaire de la Francophonie, a été couronné par l’adoption de la « Déclaration de Djerba ».
La « Déclaration de Djerba » a, tout d’abord, rendu hommage aux pères fondateurs de la Francophonie, Habib Bourguiba (Tunisie), Léopold Sédar Senghor (Sénégal), Norodom Sihanouk (Cambodge) et Hamani Diori (Niger). Le sommet de Djerba a réaffirmé l’attachement à la langue française et au respect de la diversité culturelle et linguistique au sein des Etats et gouvernements et dans l’espace francophone, comme socle de la Francophonie. Consciente des réalités et défis auxquels est confronté l’espace francophone, de la nécessité de renforcer la cohésion de ses sociétés et soucieuse de répondre aux aspirations légitimes de ses populations, l’OIF a salué en particulier l’adoption de la Stratégie de la Francophonie numérique 2022-2026, qui confère un cadre d’action pour accélérer la transformation numérique de l’espace francophone et son intégration dans l’économie numérique mondiale, dans le respect des droits humains et de la démocratie.
D’autre part, les signataires de la « Déclaration de Djerba » se disent attachés à la création des conditions et à coopérer pour améliorer la mobilité des personnes et à renforcer les liens économiques au sein de l’espace francophone. Ce qui permettra d’ouvrir de nouvelles perspectives aux étudiants, aux universitaires, aux enseignants, aux chercheurs, aux auteurs, aux entrepreneurs, aux artistes et aux professionnels des médias et aux différents autres talents.
Est-ce à dire que la francophonie, état de fait, s’érige en idéologie et tente de créer ses instances de fonctionnement? Position critique de certains participants : la France veut que les populations concernées parlent français, mais restent chez eux, puisqu’on leur ferme de fait les frontières françaises.