Comment expliquer le peu d’intérêt manifesté par la quasi-totalité de la presse occidentale à l’égard des graves développements politiques et sécuritaires en Israël et dans les territoires occupés? Il y a la guerre d’Ukraine bien sûr, mais il y a la lassitude et l’indifférence que génère auprès des médias occidentaux le conflit israélo-palestinien de par sa complexité et sa très longue durée dans le temps. Il a fallu l’acceptation par Benyamin Netanyahu de ministres ultrareligieux, racistes et violents pour que les dirigeants et les médias en Occident commencent à exprimer à haute voix leurs inquiétudes.
L’année qui s’achève en Israël lèguera à la suivante un bilan sanglant : 150 Palestiniens tués par la police et l’armée israéliennes et 31 Israéliens tués par des activistes palestiniens. Elle lèguera aussi et surtout une atmosphère politique, rendue toxique et explosive par l’entrée dans le nouveau gouvernement de Netanyahu de fanatiques religieux, racistes et ultra-nationalistes comme Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich. Mais il faut tout d’abord avoir une idée de ces deux personnages hautement controversés.
Colon religieux de Kiryat Arba près de la ville cisjordanienne d’Hébron, Itamar Ben Gvir a été condamné dans le passé pour incitation au racisme et soutien au terrorisme des colons juifs. Il avait proféré des menaces de mort contre le Premier ministre Yitzhak Rabin juste quelques semaines avant que ce dernier ne soit assassiné en novembre 1995. Il voue une adoration à Baruch Goldstein qui avait abattu 29 Palestiniens dans la Mosquée d’Hébron en 1994.
Pour Ben Gvir, la Cisjordanie et Jérusalem-Est sont « effectivement occupés, mais par les Palestiniens. » Il propose leur « libération » par l’expulsion massive de la population palestinienne vers « leur vrai patrie, la Jordanie. »
Bezalel Smotrich épouse à peu près les mêmes idées que son alter ego Ben Gvir, mais veut en plus qu’Israël soit gouvernée par « les lois de la Torah ». Dans son point de mire, il n’y a pas que les Palestiniens. Il y a aussi les laïcs israéliens qu’il entend soumettre aux lois religieuses.
C’est à ce genre de personnages que Netanyahu compte confier des responsabilités gouvernementales. Et quelles responsabilités! Ben Gvir sera ministre de la sécurité, un poste nouvellement créé sur mesure pour lui et qui fera de lui le chef de la police. Quand on sait les critiques qu’il adressait à la police israélienne pour sa « mollesse et tiédeur » dans sa confrontation avec les Palestiniens, on comprend pourquoi Ben Gvir tint bon pour ce poste que Netanyahu a fini par lui accorder.
Selon la presse israélienne, Bezalel Smotrich assumera les pouvoirs étendus en Cisjordanie qu’exerçait auparavant le ministre israélien de la défense. Il y a tout lieu de craindre une recrudescence des expropriations des Palestiniens et une intensification de la construction des colonies où le nombre des colons dans la seule Cisjordanie dépasse déjà le demi-million.
Les nouvelles recrues ultrareligieuses que Netanyahu a incluses dans son gouvernement inquiètent une frange des Israéliens, y compris les anciens alliés de Benyamin Netanyahu. Commentant la nouvelle coalition mise sur pied par Netanyahu, le chef d’« Israël Beitenou », Avigdor Liberman, pourtant loin d’être une colombe, a affirmé : « Il a réussi à former un gouvernement des ténèbres ».
Les mêmes inquiétudes que fait naitre cette coalition sont ressenties à Washington où l’administration de Joe Biden a mis déjà en garde Netanyahu contre les « abus » que ne manqueraient pas de commettre ses nouveaux alliés ultrareligieux.
Le New York Times, le plus grand défenseur d’Israël depuis sa création, ne cache pas son « anxiété » face aux développements politiques sous la houlette de l’ancien/nouveau Premier ministre Benyamin Netanyahu. Dans un article publié le 15 décembre et intitulé « Bon Dieu, que se passe-t-il en Israël ? », son chroniqueur de confession juive, Thomas Friedman, écrit : « Si vous me demandez mon avis sur la situation actuelle en Israël, je dirais que c’est un gâchis. Un gâchis total qui transformera ce pays de pilier de stabilité pour la région et pour son allié américain en un chaudron d’instabilité et une source d’inquiétude pour le gouvernement américain. »
Il y a un an, la plupart des observateurs de la scène israélienne étaient certains que Netanyahu, de par le nombre d’affaires de corruption dont il est accusé, finirait derrière les barreaux et un terme serait mis à sa carrière politique. Non seulement il n’ira pas en prison, mais il revient sur scène à la faveur des élections du 1er novembre desquelles le Likoud émergera comme le premier parti. Ouvrant la voie à son chef pour un nouveau mandat après ceux de 1996-99 et de 2009-2021.
Cela se passe en Israël où les plus corrompus, les plus extrémistes et les plus racistes sont élus pour diriger « la plus grande démocratie au Moyen-Orient ».