Luiz Ignacio Lula da Silva a pris ses fonctions de président du Brésil dimanche 1er janvier. Traversant les rues de Brasilia, le cortège présidentiel était salué par une foule en liesse habillée de rouge et blanc, les couleurs du Parti de Travailleurs.
Tout était minutieusement réglé pour l’inauguration du troisième mandat de Lula da Siva. Sauf que le personnage clé de cette cérémonie manquait à l’appel. En effet, l’ancien président Jair Bolsonaro, censé remettre à son successeur l’écharpe présidentielle, symbole de la passation pacifique du pouvoir, s’était enfui deux jours avant pour les États-Unis. Il craignait des poursuites judiciaires.
Tout comme son ami Donald Trump, Jair Bolsonaro avait refusé de reconnaitre la victoire de son rival de gauche. Pendant des mois, il n’a cessé de dénoncer « la non fiabilité du système électoral » brésilien et « les fraudes », sans apporter la moindre preuve.
Avant de quitter le pays, et dans une sorte de discours d’adieu à ses partisans, il a déclaré sans souciller qu’il avait tenté d’empêcher son rival victorieux de prendre ses fonctions, mais qu’il avait échoué… Bien qu’il se trouve déjà en Floride où il a choisi de s’exiler, quelques centaines de ses partisans irréductibles campaient toujours devant le siège de l’état-major de l’armée brésilienne. Leur exigence? Empêcher la passation du pouvoir…
La passation a eu lieu tout de même, mais d’une manière inédite. Étrange même. En l’absence de son prédécesseur, Lula da Silva s’est fait accompagner au palais présidentiel par un groupe diversifié de Brésiliens « représentatif du peuple », dont une femme noire, un homme handicapé, un garçon de 10 ans, un autochtone et un ouvrier d’usine. Une voix annonça à l’assistance que « le président accepte que l’écharpe présidentielle lui soit remise par le peuple brésilien ». C’est ainsi qu’une éboueuse de 33 ans, Aline Sousa, a joué le rôle du président sortant, Jair Bolsonaro, et a remis le symbole du pouvoir au nouveau président.
La cérémonie d’investiture officielle au Congrès a débuté par une minute de silence en hommage à la légende brésilienne du football, Pelé, et au pape Benoît XVI. Dans son discours devant les députés, le nouveau président a longuement critiqué son prédécesseur sans le citer. Critiques fondées au regard du bilan terrifiant que l’ancien président d’extrême droite laisse derrière lui. Sa gestion désastreuse des affaires publiques brésiliennes a provoqué des dommages difficilement réparables dans les domaines de l’économe, de la santé, de l’éducation; et, surtout, de l’environnement.
Parlant de son prédécesseur sans le nommer, le nouveau président a affirmé : « Nous ne portons aucun esprit de revanche contre ceux qui ont tenté d’assujettir la nation à leurs desseins personnels et idéologiques. Mais nous appliquerons la loi et garantirons l’État de droit ».
Lula da Silva a terminé sa journée inaugurale par un dernier discours devant des centaines de milliers de Brésiliens où, de manière émouvante, il a fustigé les inégalités sociales choquantes qui minent le Brésil. Il a pris l’engagement de « combattre nuit et jour toutes les formes d’inégalités ».
Et de fait, il a brossé un tableau consternant des inégalités au Brésil : « Inégalités de revenus, inégalités de sexe et de race, inégalités sur le marché du travail (…) Inégalités entre ceux qui jettent de la nourriture à la poubelle et ceux qui ne mangent que les restes. (…) Les 5 % les plus riches du pays gagnent autant que 95 % de la population; six milliardaires brésiliens ont un patrimoine équivalent à celui des 100 millions les plus pauvres de ce pays; un ouvrier ou une ouvrière qui gagne un salaire minimum doit travailler 19 ans pour gagner ce qu’un richard gagne en un mois… »
Des chiffres qui donnent le tournis et qui ont sans doute été aggravés durant les années de règne de l’extrême droite dans le plus grand pays d’Amérique latine. Mais la question qui se pose est la suivante : un homme de 77 ans, quelle que soit la force de sa volonté et de sa détermination, peut-il faire face aux grands défis posés par une économie en berne, des inégalités choquantes et un environnement ravagé par la déforestation amazonienne? Réponse à la fin du troisième mandat du président le plus atypique de l’histoire de Brésil.