Souvent sollicité par les médias pour son ouverture d’esprit, sa finesse d’analyse, Hatem Mliki est un homme politique inclassable qui se distingue, chose rare dans notre classe politique, par son humour décapant.
Dans une interview avec une radio locale, Hatem Mliki jette un regard chirurgical et sans concession sur l’actualité politique et économique. Extraits.
« L’économie est le talon d’Achille du président de la République Kais Saïed », constate l’ancien dirigeant du parti Qalb Tounes, qui rappelle amèrement qu’en dépit de sa récente participation à plusieurs sommets et conférences internationaux, « la Tunisie a participé à cinq sommets internationaux et s’en est sortie avec zéro millime ».
« Le Président a été incapable d’attirer les soutiens financiers et les investissements dont notre pays a grandement besoin. Et ce, pour relancer son économie et faire tourner la roue de l’économie », estimant que la situation actuelle de la Tunisie « est comparable à la situation désastreuse au Soudan, au Yémen et en Libye ». Et pourquoi pas en Somalie et en Afghanistan, puisque nous y sommes ?
Prévisions apocalyptiques
« Si la situation actuelle persistait, ajoute-t-il, avec la mise en œuvre de la loi de finances actuelle et en l’absence d’un accord avec le FMI, la Tunisie verrait ses réserves de devises s’évaporer et aurait du mal à payer ses dettes et à importer les matières premières ».
Conséquences de ses prévisions apocalyptiques, « notre pays risque de se trouver bientôt dans l’incapacité de payer les salaires et les pensions. Nous aurons également du mal à rembourser nos dettes en devises, lesquelles se vaporisent à vue d’œil. Pis, le gouvernement étant dans l’incapacité de payer nos fournisseurs en produits de première nécessité, et les conséquences sociales seront imprévisibles ». C’est le sombre tableau que Hatem Mliki a brossé lors de son passage, hier jeudi 5 janvier, dans la Matinale de Shems FM.
Mutisme et déni
Certes, ce qui nous attend est terrifiant, selon le constat glacial de l’intervenant. Mais lui au moins nous parle le langage de la vérité. Alors que nos dirigeants, ne considérant pas leurs concitoyens comme des adultes, sont soit dans le mutisme, soit dans le déni.
Notre ombrageux Président, à l’allure altière, droit dans ses bottes, ne s’est-il pas permis le luxe de casser du sucre sur le dos et narguer des institutions financières de Washington, dont les agences de notation d’ « ommok sannafa » au nom de la souveraineté nationale ?
L’invité de la Matinale de Shems FM prévoit à ce propos « la dégradation de la note souveraine de la Tunisie dans les prochains jours ». Voici la réponse du berger à la bergère !
Voix discordantes
Par ailleurs, M. Mliki pointe du doigt le parallélisme frappant entre le discours présidentiel et la démarche du palais de La Kasbah.
Ainsi, Kais Saied, souligne-t-il à juste titre, rappelait aux Tunisiens, lors de son discours du Nouvel an, les valeurs du travail et de l’effort ; les invitant à retrousser les manches et ne compter que sur nos propres ressources.
Entre-temps, le gouvernement Bouden compte encore sur la manne du ciel, un accord improbable avec le Fonds monétaire international (FMI) pour boucler le budget de l’État de l’année en cours. En réponse, l’institution de Bretton Woods déprogrammait sine die le dossier de la Tunisie de son agenda. Au même moment, indélicatesse suprême, notre Président était en visite à Washington pour participer au Sommet afro-américain.
Solutions
Alors que faire dans l’immédiat pour sortir de l’impasse? « Former un nouveau gouvernement sur les deux ans dont la mission exclusive consiste à conclure un accord « acceptable » avec le Fonds monétaire international, remettre le pas sur les rails et négocier avec les pays frères et amis le retour des investissements étrangers », préconise-t-il.
Evoquant enfin le volet politique, l’ancien député à l’ARP fait observer qu’« il a trois dates qui marquent le parcours politique de Kais Saied : le 13 octobre 2019, date de son élection à la magistrature suprême ; le 22 septembre 2021 quand il s’est octroyé les pleins pouvoirs avec les résultats que l’on sait.
Enfin, le 13 décembre 2021, date à laquelle il décida d’élaborer une nouvelle Constitution et un nouveau Code électoral. Résultat : faibles taux de participation à la consultation électronique, au référendum et au scrutin législatif du 17 décembre 2022 ».
Et de conclure : le président de la République se trouve au fond de la vague, étant « isolé à l’intérieur et rejeté de l’extérieur ».