Tout d’abord, il y a la nature qui fait des siennes en Tunisie! Dame nature a décidé en effet et unilatéralement de faire de notre hiver, un printemps, voire même un été caniculaire. Avec 30 degrés Celsius, dans certaines régions et une sécheresse imprévue; même selon la loi des cycles. Et dont seuls les climatologues les plus chevronnés peuvent en définir les raisons. Ceci, au moment même où les habitants de la rive nord de la Méditerranée grelottent de froid.
En tout cas, on a eu droit en Tunisie à une des pluviométries des plus basses de l’histoire du pays. Résultat : les barrages sont à secs et voisinent un degré de remplissage entre 10 et 30 %. Ce qui est loin d’être rassurant, en raison aussi de l’absence de l’entretien nécessaire.
Ainsi, la récolte des céréales risque d’être très maigre. Ce qui va pousser le gouvernement à en importer au prix fort et en cash. L’année dernière, on a été sauvé par le prêt de 150 millions d’euros débloqués d’urgence par l’Union Européenne au profit de l’Office du blé. Pas sûr que nos précieux voisins, et en quelque sorte nos parrains, soient tenté de le faire cette année aussi. La raison est qu’ils ne sont pas sûrs que la Tunisie puisse rembourser ses dettes, et qu’une deuxième « révolte du pain » ne dévaste le pays. Ce n’est pas une prophétie, mais c’est le diagnostic effectué par tous nos bailleurs de fond et en premier lieu le FMI.
A la température déjà chaude voulue par la nature, la température sociale annonce un embrasement certain en raison de la baisse vertigineuse du pouvoir d’achat de toutes les catégories sociales. Ce n’est pas uniquement le printemps qui sera chaud mais l’hiver aussi. Les prémices de cet embrasement se font déjà largement sentir et il n’y a que les sourds qui n’entendent pas le tonnerre qui annonce la tempête!
Pas de plan B
C’est la ministre des Finances en personne qui a annoncé l’air de rien que le gouvernement n’a pas prévu de plan B, comme option en cas où le FMI ne décide pas de venir au secours du gouvernement. Tellement ce gouvernement était sûr d’obtenir le précieux prêt de 1900 millions d’euros. Or, ce gouvernement s’est lamentablement trompé. Plus que cela, le cas Tunisie ne figure plus sur l’agenda du Fond. Les explications sont multiples mais aucune ne prétend donner une réponse satisfaisante à ce soudain désamour entre la petite Tunisie, jadis « bon élève » du FMI lui-même et ce dernier. Pour notre part nous n’avons jamais écarté la main de Washington. D’ailleurs, le MAE des USA en a même fait allusion lors de la fameuse réunion avec le chef de l’État Kaïs Saïed. Deux jours avant seulement, le FMI déprogrammait la Tunisie de son ordre du jour! Coïncidence? Sûrement pas! Ingérence dans les affaires étrangères d’un pays souverain? Oui certainement et alors? La Tunisie? Combien de divisions comme aurait dit Staline?
Les protestations bien légitimes de la diplomatie tunisienne ne changeront rien. Nos amis français et italiens ont beau proclamer qu’ils soutiennent la Tunisie au FMI, mais il semble que leurs voix ne portent plus au sein de cette instance.
La Tunisie doit désormais se débrouiller seule! N’est ce pas ce qu’a insinué le chef de l’Etat qui s’était lancé dans une diatribe contre ces « parties » qui veulent porter atteinte à la « souveraineté nationale »? Alors, ont répliqué ces « parties », débrouillez vous seuls! C’est ce que à quoi s’est attelé à faire probablement le gouvernement Bouden.
Les résultats sont déjà là. C’est le plan C! Il consiste à presser le citron jusqu’à ce qu’il n’ait plus de jus! Le citron? Tous les citoyens, ouvriers, chômeurs, fonctionnaires, avocats, médecins, épiciers, petits patrons, etc… qui doivent vider leurs poches ou leurs tirelires, s’ils en ont encore, pour boucler le Budget 2023. La loi de finances est l’illustration de ce que certains ont appelé dawlatal-majba, l’Etat-impôt, faisant allusion à la situation du pays sous les Beys. On est loin de l’Etat de droit tant annoncé. Mais cela ne fait que commencer.
En effet, alors qu’on prévoit 11 % d’inflation, la hausse vertigineuse des prix et surtout ceux des produits de base, lait, sucre, farine, huile, riz, beurre, café, thé, et tout ce qui est nécessaire à la cuisine du citoyen tunisien moyen et pauvre, bat touts les records. En plus de la pénurie, d’abord intermittente, et ensuite totale et généralisée. Ce qui transforme la société en une cocotte minute bien fermée mais sans évacuateur de vapeur. Elle risque d’exploser! Et pas plus tard que cet hiver prophétisent certains. Il y en a même qui appellent cette explosion de tous leurs vœux. Ceux particulièrement qui nous promettent « le salut ».
Le salut passe par le FMI
On n’est pas encore au stade de « L’Armée du salut », organisation caritative catholique apparue en France pendant le temps des famines, pour distribuer les bols de soupe aux plus démunis. Mais l’on s’y dirige fermement, si entre temps le salut ne nous vient pas du FMI.
C’est la clef pour déclencher les prêts et les aides. C’est ce monstre froid qui décidera de notre destin, que l’on veuille ou pas. Il n’y a point d’autre solution à court ou à moyen terme!
C’est le verrou qu’il faut faire sauter pour que l’argent coule dans les veines de l’économie tunisienne. Et la clef pour faire sauter le verrou est éminemment politique. Et c’est là où le bât blesse. Nos gouvernants, Président de la République en tête ne veut pas entendre parler de cette solution. Il l’a exprimé publiquement, du moins en apparence, quoiqu’il ait bien signé la fameuse loi de finances, qui n’est d’ailleurs qu’une pâle copie de celle présentée au FMI, dont les grandes lignes ont été déjà annoncées.
En outre, l’institution de Bretton Woods comme tout prêteur, veut des garanties, qu’elle soit réellement remboursée et en respectant les échéances. Une de ces garanties majeures, est l’accord du puissant syndicat ouvrier, lire même la « connivence » de ce dernier. C’est lui et lui seul qui doit faire avaler la pilule aux salariés au moins! Ce qu’il semble hésiter encore à faire, car la pilule est trop grosse. Ce qui revient pour lui aussi à abandonner ses fameuses « lignes rouges » et là il risque gros. C’est sa propre légitimité qu’il joue.
En langage politique, il faut stabiliser la situation politique et surtout la situation sociale, pour que les réformes proposées, et qui sont nécessaires aux équilibres macro-économiques, passent sans grabuge. Ce que le gouvernement actuel n’arrive pas à imposer. Et pour cause, ce gouvernement n’a pas l’expérience politique nécessaire à ce genre de situation. D’où l’obligation de faire un remaniement général et nommer des hommes capables de gérer cette situation plus qu’explosive; à condition qu’ils n’aient pas d’ambition politique.
Quant à l’opposition avec toutes ses variantes, elle botte totalement en touche. Les appels à refaire un second 14 Janvier prouvent que ses « ténors » n’ont jamais compris ce qui s’est passé le 14 Janvier 2011. L’histoire ne se répète jamais sauf sous la forme d’une mascarade, disait le grand Ibn Khaldoun. Le temps « des révolutions colorées ou des fleurs » est révolue. Seuls des processus de réformes adéquates sont possible. Or à l’instar de nos gouvernants, nos opposants sont en plein déphasage et ne constituent point une planche de salut pour le pays. La confrontation n’est pas une solution et encore moins des dialogues dit nationaux qui ne sont qu’un rafistolage de ce qui existe.
Les prémices aussi d’un embrasement de la rue sont là. Car la lutte pour le pouvoir atteint actuellement son paroxysme, non pas dans un système démocratique mais à travers la manipulation des foules qui, comme on le sait par expérience, ne savent que mettre le feu dans la baraque. C’est pour cela que l’hiver tunisien risque d’être chaud, très chaud même.