L’ancien président de la République par intérim, Mohamed Ennaceur pressenti pour conduire le nouveau Dialogue national et rapprocher les points de vue entre le quartet et Carthage? De l’avis général, seul un homme d’Etat de sa stature incontestée est capable de dénouer une crise politique inextricable.
S’il y a un homme d’Etat tunisien qui fait l’unanimité autour de sa personne, c’est bien Mohamed Ennaceur.
De par son âge, 89 ans, il fait figure de sage au dessus des manœuvres politiciennes. De part sa stature, il devint le président de la République par intérim le 25 juillet 2019, après la mort du président Béji Caïd Essebsi. Il exercera la fonction jusqu’au 23 octobre, date à laquelle il transmet ses fonctions à Kaïs Saïed. Une transition fluide et exemplaire digne d’une démocratie qui se respecte. De part son prestige, son autorité naturelle, sa neutralité et sa bienveillance légendaire, il aura forcé le respect de ses pairs lorsqu’il régnait au Perchoir de la nouvelle Assemblée des représentants du peuple.
Mohamed Ennaceur : un rôle de modérateur
Alors, serait-il l’oiseau rare, l’homme providentiel en ces temps de crise politique profonde, proposé par le quartet pour devenir la cheville ouvrière du nouveau Dialogue national? Surtout pour jouer le rôle de modérateur afin de convaincre le président de la République, Kaïs Saïed de cautionner et de chapeauter cette initiative.
Réussirait-il, s’il était choisi officiellement pour porter cette pesante responsabilité sur ses frêles épaules, à persuader l’inflexible locataire du palais de Carthage du principe que toute initiative politique implique forcement la participation des partis politiques? Là réside le cœur de la problématique!
Tous les chemins passent par la place Mohamed Ali
Réputé pour sa discrétion et sa parole rare, Mohamed Ennaceur a pourtant fait une intervention fort remarquée, mercredi 25 janvier sur les ondes de IFM pour saluer l’initiative lancée par l’UGTT. « L’UGTT n’est pas qu’une ordinaire centrale syndicale défendant les intérêts des travailleurs. Mais une organisation nationale ayant joué un rôle crucial au mouvement national, à l’indépendance de la Tunisie et à la construction de la Tunisie moderne ».
Saluant au passage les organisations nationales partenaires de cette initiative, notamment l’Ordre national des avocats et la Ligue des droits de l’Homme, l’ancien chef de l’Etat par intérim a soutenu que l’UGTT, soucieuse de préserver la cohésion sociale, avait à cœur de préserver les intérêts supérieurs de la Tunisie. « Tous les chemins de sortie de la crise multiforme passent par la Place Mohamed Ali », assurait-il.
Concilier l’inconciliable ?
Alors, comment interpréter l’hommage appuyé à la centrale ouvrière? Il est clair, à travers le rappel de la place prépondérante qu’occupe l’organisation de Hached depuis 1946, en cohérence avec le Mouvement national (1934) dirigé par le combattant suprême Habib Bourguiba.
Le président de la République, réputé pour son rejet viscéral des corps intermédiaires, y compris les organisations nationales et des partis politiques, ignora superbement dans un passé récent la main tendue de Noureddine Taboubi pour un Dialogue national sous l’égide de Carthage. Il avait même, rappelons-le, qualifié le Dialogue national dirigé par le Quartet et couronné à Oslo en 2015 par le prestigieux prix Nobel de la Paix, de « de dialogue de non sens et de dialogue qui n’a rien de national ».
Au nom de l’intérêt national
Or, face à l’urgence d’un pays qui s’enfonce de plus en plus dans une crise économique et financière sans précédent, aux appels de pied du FMI pour que le gouvernement associe l’UGTT à prendre le train des grandes réformes souvent douloureuses, aux chantiers herculéens de relance de la roue de l’économie, à la tension persistante entre Carthage et l’ensemble du microcosme politique, à l’agitation sociale marquée en ce mois de janvier où rode le spectre du « jeudi noir » évité de justesse; le président de la République aura besoin du concours de la puissante centrale syndicale. Il en va de l’intérêt supérieur de notre pays. Et c’est la quintessence du message que lui a adressé discrètement son prédécesseur au palais de Carthage.