Il était le premier noir américain à avoir occupé le plus haut poste diplomatique et gravi le plus haut grade dans la hiérarchie militaire. Il était général dans l’armée américaine et avait participé à la guerre de 1991 que déclencha Bush-père contre l’Irak. Une dizaine d’années plus tard, Colin Powell fut nommé Secrétaire d’Etat. Par son « mensonge du siècle », il contribua au déclenchement de la deuxième guerre d’Irak décidée par Bush-fils.
Le « mensonge du siècle » consistait en cette grande mise en scène dans la tribune de l’ONU le 5 février 2003. Face à un Conseil de sécurité incrédule et un monde qui retenait son souffle, Colin Powell, tenant une fiole de poudre blanche, jurait qu’il détenait là la preuve que le président Irakien Saddam Hussein poursuivait son programme de fabrication d’armes de destruction massive.
Dans toute son histoire, l’ONU n’avait jamais été le théâtre d’une mise en scène aussi ridicule. Jamais un orateur dans la tribune onusienne n’avait pris le Conseil de sécurité et l’opinion publique internationale pour des imbéciles comme l’avait fait le Secrétaire d’Etat Colin Powell en agitant sa fiole de poudre blanche qui pourrait être de la lessive ou de la farine…
La mise en scène se poursuivait avec la présentation de photos satellites, montrant « des prototypes de laboratoires mobiles spécialisés dans la recherche biologique », « des bunkers abritant des usines d’armes chimiques ». Il alla jusqu’à diffuser un enregistrement d’une « conversation entre des officiers irakiens qui parlent d’agents neurotoxiques » …
Personne n’y croyait
Evidemment, personne n’y croyait, y compris l’orateur lui-même. Le Conseil de sécurité refusa de donner le feu vert tant désiré par l’establishment américain dominé alors par les néoconservateurs. Ce qui n’empêcha pas George W. Bush de partir en guerre contre l’Irak pour poursuivre l’œuvre de destruction du pays entamée par son père douze ans plus tôt.
Après le discours mensonger et ridicule de Colin Powell, le monde avait eu droit au discours glorieux du ministre français des A.E étrangères de l’époque, Dominique de Villepin. Ayant opposé au mensonge de Colin Powell les rapports des inspecteurs de l’ONU qui excluaient la possession d’armes de destruction massive par l’Irak, Dominique de Villepin avait mis en garde contre les conséquences de la guerre qui se préparait contre l’Irak.
« Une telle guerre, disait alors de Villepin, pourrait avoir des conséquences incalculables pour la stabilité de cette région meurtrie et fragile. Elle renforcerait le sentiment d’injustice. Elle aggraverait les tensions et risquerait d’ouvrir la voie à d’autres conflits. »
Non seulement la mise en garde de Villepin n’avait pas été entendue, mais la France était prise pour cible par la machine médiatique néoconservatrice. Un membre du Congrès avait poussé le ridicule jusqu’à proposer aux ‘Fast Food’ de remplacer l’expression ‘’French Fries’’ par ‘’Liberty Fries’’. C’est dire l’hystérie qui régnait à l’époque aux Etats-Unis à l’encontre de quiconque se dressait contre le désastre que préparaient Bush, Cheney, Rumsfeld et leurs maitres à penser néoconservateurs.
La honte et l’opprobre
Vingt ans après, « la région meurtrie et fragile » du Moyen-Orient vit toujours avec les convulsions et les déchirures provoquées par la guerre d’Irak. Comme l’avait prévu Dominique de Villepin, la voie était ouverte à d’autres conflits.
Rappelons-nous la trouvaille néoconservatrice de « l’anarchie créatrice ». C’est cette idée démoniaque qui est derrière la dynamique destructrice du « printemps arabe » dont les principales victimes sont la Syrie, la Libye et le Yémen.
Et qu’ont fait les Etats-Unis après avoir échoué dans leur projet du « Nouveau Moyen-Orient » ? Ils sont allés proposer d’autres « printemps » ailleurs. En Ukraine où ils ont réédité en 2014 à peu près les mêmes scénarios imposés à la Syrie et à la Libye en 2011. La Syrie et la Libye sont détruites. L’Ukraine est en voie de l’être.
L’Irak, la Syrie et la Libye hier et l’Ukraine aujourd’hui ont tous un point commun : être victimes d’une dynamique destructrice dont le moteur est le MENSONGE américain : sauver les peuples de l’enfer des dictatures pour les faire vivre dans le paradis de la démocratie américaine.
Pour revenir à Colin Powell, de simple soldat à la guerre du Vietnam, il est devenu général, puis ministre des Affaires étrangères. Un parcours exceptionnel qu’il termina dans la honte et l’opprobre. Il finit sa vie rongé par les remords.
A un journaliste qui lui faisait observer que malgré ses décisions désastreuses, George Bush dort comme un bébé, Colin Powell lui fit cette réponse révélatrice de son état d’âme fortement perturbé : « Moi aussi je dors comme un bébé. Je me réveille toutes les deux heures en hurlant ».