Une décennie s’est écoulée depuis le crime crapuleux perpétré contre Chokri Belaïd. Le Comité de défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi vient de jeter une lumière crue sur les zones d’ombre de cet assassinat politique non élucidé.
Dans la matinée triste et froide du mercredi 6 février 2013, Chokri Belaïd était abattu d’une balle dans la tête devant chez lui, au pied de son immeuble, à El-Menzah VI. Dix ans après, force est de constater que nous connaissons désormais la main présumée qui a exécuté ce crime odieux, en occurrence Kamel Gadhgadhi. Par contre, et en dépit d’un faisceau d’indices concordants qui mènent tous à Montplaisir, nous n’avons pas de preuves concrètes concernant ceux qui ont planifié et commandité cet assassinat politique; le premier en Tunisie depuis le 14 janvier 2011.
« Les masques sont tombés »
Et c’est grâce au travail titanesque mené par le Comité de défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi que nous découvrons enfin la vérité qui saute aux yeux. A savoir la corrélation évidente entre l’assassinat du leader de gauche, le tasfir des jeunes vers les zones de conflit, et l’appareil secret d’Ennahdha, présidé par Rached Ghannouchi .
« Les masques sont tombés », s’est écriée Imen Gzara, membre du dit Comité. Elle s’exprimait ainsi en marge de la conférence de presse tenue hier mercredi 8 février; et ce, à l’occasion de la commémoration de l’assassinat de Chokri Belaïd.
Révélation capitale. L’avocate indique que suite à une plainte déposée par le parti Al Watad « le parquet du Pôle antiterroriste a ordonné l’ouverture d’une instruction contre le chef d’Ennahdha Rached Ghannouchi, son fils Mouadh et Ali Laârayedh, vice-président d’Ennahdha. Ainsi que le dénommé Abdeljalal Walekram, l’un des agents de la garde rapprochée du leader d’Ennahdha. Les investigations seront menées par la direction anti-terroriste à El-Gorjani ».
Notons à cet égard que l’ancien Premier ministre Ali Laârayedh croupit, depuis le 19 décembre dernier, en prison. Et ce, dans le cadre de l’affaire des réseaux terroristes liés au tasfir des jeunes tunisiens vers les zones de tension.
Le bodyguard de Ghannouchi en première ligne
Toujours selon Mme Gzara, le bodyguard du maître de Montplaisir, Abdeljalal Walekram, retenez bien ce nom, a combattu aux côtés des djihadistes de Jabhat Al Nosra, un groupe terroriste affilié à Al Qaïda.
Ce triste individu s’était même affiché en photo, exhibant fièrement une Kalachnikov, en compagnie du principal suspect dans l’affaire de l’assassinat de Chokri Belaïd, en l’occurrence Kamel Gadhgadhi. Sachant que ce dernier fut abattu en 2014 à Raoued, suite à une opération menée par un commando de la Brigade antiterroriste (BAT).
Financement occulte
Puis, abordant le financement occulte du parti islamiste Ennahdha, l’intervenante rappelle le rôle joué par Abdelkarim Slimane. A savoir : le fondateur de l’association Namaa et le propriétaire de dix entreprises créées après la révolution.
Par le biais de ces sociétés-écran, « 11 milliards de dinars en 2019 ont transité vers Montplaisir ». Son association avait également reçu des fonds « d’une valeur de 16 milliards de dinars », ajoute Maître Gzara.
Abdelkarim Slimane, a-t-elle également révélé, est très proche d’une agence de voyages appartenant au porte-parole des Frères musulmans pour l’Occident. Ces agences qui servaient à faire transiter les jeunes tunisiens partant au djihad dans les zones de conflit.
« L’affaire du martyr est une affaire nationale par excellence, perpétrée avec des complicités étrangères », conclut-elle.
Le puzzle reconstitué de l’assassinat de Chokri Belaïd
Pour sa part, l’avocat et membre du dit Comité, Nacer Laouini, confirme les rapports troubles et opaques entre le parti islamiste Ennahdha et certains dirigeants de l’organisation Ansar Al Chariaâ.
« L’assassinat de Chokri Belaïd a été planifié dans deux mosquées sous contrôle d’Ansar Al Chariaâ durant les années 2011-2012 », précise-t-il.
Ainsi, « il s’est avéré que l’ancien imam de la mosquée Errahma située à la Cité El Khadhra, qui a été emprisonné pour appartenance à une organisation terroriste, était en contact étroit avec Kamel Gadhgadhi, le principal suspect dans l’assassinat de Chokri Belaïd ». C’est ce qui ressort de son intervention, hier soir, dans l’émission politique « Rendez-vous 9 » sur Ettassia TV.
Enfin, rappelons en conclusion que la ministre de la Justice, Leila Jaffal, vient d’annoncer la création d’un Comité spécial chargé du suivi du dossier de l’assassinat de deux politiciens. Et ce, sous sa supervision directe. Encore un comité de plus? La meilleure manière d’enterrer une affaire est de créer une Commission pour mieux noyer le poisson, disent les mauvaises langues. Attendons voir.