La diffusion de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le processus de production entraînera des changements sismiques sur le marché du travail mondial dans les années à venir, selon les analystes.
Selon PricewaterhouseCooper, un réseau britannique d’envergure internationale d’entreprises spécialisées dans des missions d’audit, l‘utilisation à titre d’essai de ChatGPT au cours des deux derniers mois a montré que des millions de travailleurs, des rédacteurs publicitaires et journalistes, aux commerçants et vendeurs de Wall Street, pourraient bientôt être contraints de changer d’emploi.
D’autre part, le bond de productivité promis par l’utilisation de la nouvelle technologie est estimé à au moins 15 000 milliards de dollars dans le PIB mondial d’ici la fin de la décennie. Créant probablement de nouveaux barons de la haute technologie et creusant davantage les inégalités économiques sur la planète, précise le rapport.
Alors que 50 à 60 % des entreprises américaines se disent prêtes à accroître l’utilisation de l’intelligence artificielle dans leurs opérations dès maintenant, PricewaterhouseCooper a récemment estimé que 3 % des emplois sont déjà menacés en raison de la nouvelle technologie. Il prédit même que d’ici le milieu de cette décennie, ce pourcentage dans les rangs des travailleurs peu scolarisés aura bondi de 30 % à 44 %. Il y a trop de chômeurs potentiels et, comme il le souligne, ils devront « améliorer leurs compétences » en se reconvertissant.
« D’une manière ou d’une autre, les gens devront apprendre à travailler ensemble avec l’intelligence artificielle », souligne pour sa part la responsable de la recherche sur le marché du travail au McKinsey International Institute, Anu Madgavkar, qui prédit qu’un travailleur sur quatre aux États-Unis verra bientôt plus d’intelligence artificielle et de haute technologie impliquées dans les emplois qu’il exerce.
Les emplois du secteur des services seront les plus impactés
Contrairement aux précédents cycles d’automatisation, qui concernaient principalement les emplois dans les usines et la fabrication, l’IA devrait toucher principalement les emplois du secteur des services et en particulier ceux impliquant le travail de bureau, le service client et les ventes.
Dans ces catégories d’emplois, le taux d’adoption de l’automatisation le plus élevé est attendu, mais aussi le plus grand déplacement du travail humain. La plupart d’entre eux sont des emplois moyennement rémunérés. Et les travailleurs qui les perdent peuvent alors être contraints d’occuper des emplois moins bien rémunérés, comme la restauration, pour survivre.
Plusieurs experts du marché du travail s’inquiètent de ce changement qu’induit l’intelligence artificielle dans la composition des emplois. Ils avertissent qu’en éliminant certains emplois de la classe moyenne et en rendant inutiles les compétences nécessaires à certains autres emplois, l’intelligence artificielle conduit de facto une grande partie de la main-d’œuvre vers des emplois moins bien rémunérés.
« La grande préoccupation est que l’intelligence artificielle réduira la valeur de nombreux ensembles de compétences (qui ont pris du temps et de l’argent à acquérir) et rendra le travail encore plus banalisé ». C’est ce que souligne le professeur du Massachusetts Institute of Technology (MIT) David Autor.
L’automatisation continuera à gonfler les profits des plus riches
Bien sûr, il y a aussi le contre-argument des scientifiques qui soulignent que chaque nouvelle technologie, une fois adoptée, entraîne la disparition de certains emplois et des remaniements. Ces experts affirment que l’IA compensera probablement une grande partie des emplois perdus en encourageant la création de nouveaux emplois et en améliorant de nombreux emplois existants. La grande question est, bien sûr, de savoir de quel type d’emplois il s’agira, combien il y en aura et quel sera leur salaire.
Si l’on en juge par une partie des employeurs, qui si possible ne veulent produire désormais qu’avec des robots, sans la participation et la rémunération du travail humain, alors l’ouverture des ciseaux et l’inégalité devraient être considérées comme plus que certaines dans les années à venir. L’automatisation continuera – comme par le passé – à gonfler les profits des capitalistes et à réduire la part du travail dans le revenu produit.
Dans une telle perspective, la redistribution des gains que l’intelligence artificielle apportera avec l’augmentation significative de la productivité devient impérative. La mise en place d’un revenu de base pour tous les citoyens du monde va dans ce sens. Mais pour réaliser quelque chose comme cela, la classe ouvrière devra renforcer sa voix en participant aux syndicats et en réactivant les comités d’entreprise. Les mouvements de travailleurs sur les plateformes numériques mondiales l’ont montré ces dernières années.