Trois activistes politiques ont été arrêtés, hier mercredi, par les forces de l’ordre. Et si, par ces arrestations, la mise à l’écart de ces figures de l’opposition servait in fine aux intérêts de Rached Ghannouchi, tapi dans l’ombre de Ahmed Néjib Chebbi, en attendant sa revanche?
Après la vague d’arrestations opérée la semaine dernière contre des figures politiques, médiatiques et judiciaires dont certaines sont proches de l’opposition, c’est au tour de Chaima Aïssa professeure universitaire et membre du Front de salut national d’être dans le collimateur de la justice.
Chaima Aïssa sous les verrous
Ainsi, nous venons d’apprendre qu’en exécution d’un mandat émis par le Parquet auprès du Pôle judiciaire antiterroriste, l’activiste politique Chaima Aïssa a été arrêtée, mercredi soir, par les agents de l’Unité nationale de recherche dans les crimes terroristes et des crimes touchant à l’intégrité du territoire national. Et ce, alors qu’elle se trouvait à bord de son véhicule, encerclé par la police selon les dires de son avocat.
Pour rappel, Mme Aïssa était convoquée pour comparaître devant la justice militaire à cause d’une déclaration médiatique du 22 décembre 2022. Et ce, pour répondre aux chefs d’accusation suivants : offense faite à la personne du président de la République dans le but de porter atteinte à la sécurité nationale ; incitation de l’armée à la désobéissance ; et la propagation de rumeurs menaçant la sûreté publique.
Sachant que lors de son audition le 19 janvier dernier, Chaima Aïssa refusait de répondre à l’intégralité des questions posées par le juge d’instruction. Ce dernier avait décidé de lui interdire de voyager et de la laisser en état de liberté.
L’arrestation surprise de Issam Chebbi
Selon les observateurs, l’interpellation de l’activiste politique serait en lien avec celle du secrétaire général d’Al Jomhouri, Issam Chebbi. Lequel a été arrêté à son tour tôt dans la journée du mercredi 22 février 2023, pour des suspicions de son implication présumée dans « un complot contre la sécurité de l’Etat ». Selon ses avocats et ses proches, il a été arrêté alors qu’il se trouvait en compagnie de son épouse, près d’un centre commercial. Son domicile a par la suite été perquisitionné par la police.
Dans la foulée, le parti Al-Joumhouri a annoncé hier soir, mercredi 22 février 2023, que son secrétaire général a été « kidnappé ». En faisant assumer sa sécurité au pouvoir et réclamant sa libération immédiate.
« Cette arrestation constitue une escalade dans le cadre d’une campagne d’arrestations ayant touché des personnalités politiques, syndicales, médiatiques du fait de leurs positions nationales ». Ainsi peut-on lire dans un communiqué relayé par la TAP et émanant du pari Al-Joumhouri, dont Issam Chebbi est le chef de file.
Le parti républicain ajoute le communiqué, exprime sa « solidarité absolue » avec son secrétaire général. Et il se dit « résolu à poursuivre le militantisme pour le rétablissement du processus démocratique sain en Tunisie ».
Jawhar Ben M’barek inquiété?
D’autre part, et selon une information qui reste encore à vérifier à l’heure où nous écrivons ces lignes, le Ministère public aurait également ordonné l’arrestation du porte-parole du Front de salut national, Jawhar Ben M’barek dont le domicile serait actuellement encerclé. Mais, le professeur en droit constitutionnel de son état ne se trouvait pas sur les lieux a indiqué sa sœur, Maître Dalila M’Sadak.
Il convient de rappeler à ce propos que ces trois opposants sont proches du Front de salut national, une coalition présidée par Ahmed Néjib Chebbi, frère de Issam, un vieux briscard de la politique qui a mangé à tous les râteliers. Ladite coalition dominée en sous-main par Ennahdha, rassemble cinq partis politiques et cinq associations qui considèrent le 25 juillet 20211 comme un « coup d’État » effectué par le président de la République Kaïs Saïed.
A ce propos, le parti de Montplaisir vient de publier hier soir, un communiqué pour condamner l’arrestation d’Issam Chebbi. Il déclare : « Une énième agression contre l‘un des symboles de l’opposition au putsch, qui continue chaque jour de vouloir terroriser ses opposants. »
Intrigues
Ce communiqué, opportuniste à souhait, condamne en apparence l’arrestation du secrétaire général d’Al-Joumhouri et membre du Front de salut national. La vérité, c’est que la mise à l’écart, momentanée, de Issam Chebbi, un militant de gauche, ouvrirait la voie au parti de Rached Ghannouchi pour prendre le relais de l’opposition.
Ainsi, par défaut, et alors que ses lieutenants historiques, notamment Ali Laarayedh et Noureddine Bhiri se retrouvent derrière les verrous, le gourou de Montplaisir se retrouverait au centre du jeu politique, après toutes ces arrestations, en s’exhibant dans le rôle du sage, fédérateur de l’ensemble de l’opposition. Machiavélique.